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Philippe Saire en fuyard heureux

Philippe Saire, «sauver sa peau». Mario del Curto

Le chorégraphe et danseur lausannois crée au Théâtre Sévelin 36 «Jour de fuite».

Un solo qui s’ouvre comme une parenthèse poétique dans la vie d’un homme qui dit halte au bonheur préfabriqué.

Il y a plusieurs façons de fuir. Certains utilisent l’alcool, d’autres la drogue, d’autres la religion ou la navigation en solitaire. «Il y a peut-être une autre façon encore: fuir dans un monde qui n’est pas de ce monde, le monde de l’imaginaire», écrit Henri Laborit dans son célèbre livre «Eloge de la fuite».

Philippe Saire lui donne raison. Lui aussi fuit dans un monde où il risque peu d’être poursuivi. Il s’est d’ailleurs gardé d’en baliser le chemin. Ce qu’il voulait, c’était créer de fausses pistes et laisser de faux indices à ses éventuels poursuivants. Il lui fallait échapper, ne serait-ce qu’un jour, à la pesanteur de cet univers.

Pour cela, Philippe Saire s’est ouvert une parenthèse. Une parenthèse poétique digne de lui, artiste cultivé et chorégraphe habité par son art. Sur la scène du Théâtre Sévelin 36, le Lausannois se taille ainsi un moment gratifiant, un «jour de fuite».

Quarante cinq minutes de solo, donc, où le fuyard narcissique danse son bonheur d’être en retrait de la vie. Ce bonheur-là, il ne le céderait pas pour tout l’or du monde.

Besoin vital

Le solo qu’il a conçu correspond à un besoin vital de sauver sa peau. Sa peau d’homme «harcelé, comme il dit, par les recettes de bonheur qu’on nous conseille d’appliquer à la lettre si l’on veut réussir».

A cette nécessité de réussite, largement dictée par les médias, Philippe Saire dit halte. «L’envie de reconnaissance, que les émissions télévisées projettent et entretiennent, génère une tension insupportable», lâche-t-il. «Jour de fuite» consiste donc à exprimer son refus face à cette pression.

Le plaisir de maîtriser sa propre vie, le chorégraphe l’abordait déjà dans son solo «L’Alibi et le Topographe» créé en 1996. Il s’était appuyé alors sur des textes de Georges Perec. L’écrivain français y parle de quelqu’un qui tente d’organiser les 50 dernières années de son existence.

«Depuis, avoue Saire, j’ai fait du chemin. Aujourd’hui, je sais où je vais: je fuis».

swissinfo, Ghania Adamo

“Jour de fuite”. Lausanne, Théâtre Sévelin 36. Du 5 au 8 mars. Tel: 021/626 38 12

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