Dans le Jura, le patois a investi l’école
Depuis une quinzaine d'années l'école jurassienne propose un enseignement facultatif du patois. Prochainement, des cours de sensibilisation seront également intégrés à l'enseignement obligatoire. Toutefois, de l'avis des spécialistes, ces initiatives ne permettront pas de sauver le dialecte traditionnel.
En matière de patois, le canton du Jura se distingue du reste de la Suisse romande à plusieurs titres. D’abord, son patois puise ses racines dans l’ancienne langue d’oïl, alors que toutes les autres régions parlent le franco-provençal.
Ensuite, la pratique du dialecte est intimement liée à une revendication politique. Enfin, dans le Jura, l’Etat est chargé de la sauvegarde la langue ancestrale. «La jeune Constitution jurassienne, qui date de 1978, stipule en effet que le gouvernement doit aussi préserver ce patrimoine», explique le patoisant Michel Choffat.
Un «patrimoine historique»
«Cette ancienne langue évoque la lutte du peuple jurassien contre le pouvoir bernois, poursuit Michel Choffat. Elle mérite donc d’être protégée à titre de patrimoine historique.»
Sous la pression des patoisants, l’Etat jurassien s’est donc acquitté de cette tâche en introduisant le patois dans le système scolaire. Ainsi, depuis près d’une quinzaine d’années, les écoles qui le souhaitent peuvent dispenser des cours de patois à leur élèves.
«Le patois fait partie des cours facultatifs laissés au libre choix des écoles et des élèves, explique François Laville, chef du service de l’enseignement du canton du Jura. Cet enseignement est généralement assuré par des patoisants de la région, à raison de deux ou trois heures par semaine.»
Un succès limité
L’initiative est méritoire. Toutefois, ses protagonistes l’admettent volontiers, elle ne rencontre pas un franc succès. «Le patois n’attire pas les foules, avoue François Laville. Il fait partie d’une offre globale et rentre donc généralement en compétition avec des matières plus attrayantes aux yeux des jeunes.»
Malgré de nombreuses opérations de séduction, aujourd’hui seule une petite dizaine des 55 cercles scolaires que compte le Jura offrent des cours de patois. Fort de ce constat, le gouvernement a décidé de renforcer son action. «Nous développons actuellement des cours de sensibilisation au patois qui seront inclus dans les cours de français obligatoire», poursuit François Laville.
Patois pour tous
Une expérience pilote a déjà été lancée dans certaines classes. Le groupe de travail qui planche sur ce dossier devrait rendre son rapport en cour d’année. Dès 2002, les élèves jurassiens devraient donc bénéficier de deux ou trois heures annuelles de sensibilisation à la langue de leurs ancêtres. «Nous espérons ainsi pouvoir susciter de nouvelles vocations et une meilleure fréquentation des cours facultatifs.»
Dans le Jura, la défense de la langue ancestrale se veut donc particulièrement active. Mais personne n’est dupe: son sauvetage n’est de loin pas assuré. A en croire les patoisants engagés en Ajoie, région ou le dialecte est le plus vivace, un tiers des habitants serait encore capable de s’exprimer en patois. Mais, dans le reste du canton, la proportion est nettement inférieure.
Et, de l’avis des spécialistes, l’école n’y changea rien. «Une langue orale qui n’est plus spontanément parlée a peu de chance de survivre, constate Michel Choffat. Or, la plupart des familles ne pratiquent plus le patois et l’école ne pourra pas s’y substituer.»
Vanda Janka
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