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Deux recours contre l’interdiction des minarets rejetés

Les juges de Strasbourg estiment que les plaignants ne sont pas directement victimes d'une violation de la Convention européenne des droits de l'homme. Keystone

Deux requêtes déposées auprès de la Cour européenne des droits de l’homme suite à l’acceptation par le peuple suisse en novembre 2009 de l’initiative «anti-minarets» ont été déclarées irrecevables. Trois recours sont encore pendants.

Les requérants ne sont pas «victimes» d’une violation de la Convention européenne des droits de l’homme, a estimé la cour dans un communiqué. Ces décisions sont définitives. Les recours avaient été déposés les 15 et 16 décembre 2009 après le «oui» surprise, par 57% des voix, du peuple suisse à l’initiative anti-minarets. L’un était le fait d’Hafid Ouardiri, co-président de la Fondation de l’entre-connaissance, l’autre de la Ligue des musulmans de Suisse alliée à trois autres organisations.

«Les requérants dans leur ensemble soutenaient que l’interdiction de construire des minarets constituait une violation de la liberté religieuse et une discrimination en raison de la religion», souligne la cour. Les plaignants reprochent essentiellement à cette modification de la constitution de heurter «leurs convictions religieuses», sans que celle-ci ait eu un «effet concret à leur égard», expliquent les sept juges chargés de l’examen des requêtes. Ils ne sont donc «pas directement victimes de la violation alléguée de la Convention».

Les requérants ne sont pas non plus des victimes indirectes, pas plus que des victimes potentielles, puisqu’aucun d’entre eux n’a soutenu «qu’ils pourraient envisager dans un avenir proche la construction d’une mosquée pourvue d’un minaret», ajoutent les juges.

«Une démarche nécessaire» 

De surcroît, selon la cour, les juridictions suisses «seraient en mesure d’examiner la compatibilité avec la Convention d’un éventuel refus d’autoriser la construction d’un minaret». Hafid Ouardiri s’est déclaré «positif et serein» face à cette décision. «Nous nous doutions de cette irrecevabilité, mais cette démarche était nécessaire.»

Selon lui, en refusant d’entrer en matière, la cour a malgré tout «déclenché un processus» en rappelant ses devoirs à l’Etat suisse. Les autorités helvétiques devront trouver une solution à ce genre de problématique afin d’éviter qu’elle ne se reproduise. Pour lui, seul un renforcement de l’Etat de droit permettra de bonnes relations entre les religions.

Les avocats de Hafid Ouardiri jugent dans un communiqué «positive et encourageante» la motivation de la cour estimant la Suisse capable de se prononcer sur la question. Ils doutent que la justice suisse puisse décider «autre chose que ce que le Gouvernement fédéral a déjà clairement énoncé au moment du vote de 2009», à savoir que l’interdiction viole les droits de l’homme et menace la paix religieuse.

L’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), pour qui ces plaintes n’étaient pas justifiées, «n’est pas surprise par cette décision», a déclaré la porte-parole du parti Silvia Bär à swissinfo.ch. «Nous avons toujours affirmé que l’initiative anti-minarets ne portait pas atteinte à la liberté de religion pas plus qu’au libre exercice de la religion». Les recours encore pendants devraient connaître le même sort, estime Silvia Bär, dont le parti était à l’origine de l’initiative dite «anti-minarets».  

Le président du comité d’initiative, le député UDC soleurois Walter Wobmann, s’est quant à lui «naturellement réjoui» de cette décision. «Nous sommes un Etat souverain, le peuple a approuvé clairement l’initiative, qui a toujours été considérée commve valable», a-t-il déclaré. «Il n’y avait donc aucune raison que la justice s’en mêle».

Trois requêtes en cours

Après le rejet de ces deux requêtes, trois sont encore pendantes à Strasbourg à un stade «initial», a confirmé vendredi la cour. Un sixième recours a déjà été déclaré irrecevable.

En février de cette année, Berne s’était opposé à ce que le recours déposé par la Ligue des musulmans de Suisse et des trois autres organisations soit transféré de la petite Chambre à la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme. L’Office fédéral de la justice (OFJ) avait estimé que l’affaire devait être traitée «normalement».

L’avocat de ces organisations, Ridha Ajmi, avait regretté la position de l’OFJ qui, selon lui, voulait faire de cette affaire «une question normale et banale».

La communauté musulmane de Suisse représente près de 4,5% de la population.

La plupart des migrants musulmans proviennent d’ex-Yougoslavie et de Turquie. La communauté regroupe une centaine de nationalités différentes.

Les recensements de 1990 et de 2000 ont montré que, suite à l’arrivée de demandeurs d’asile en provenance d’ex-Yougoslavie, le nombre de musulmans en Suisse a doublé pendant cette décennie.

La Suisse compte près de 200 mosquées et lieux de prière, dont quatre seulement avec un minaret.

Ces dernières années, la construction de minarets et de mosquées ont soulevé des vagues de protestation, parfois violentes, dans plusieurs pays, dont la Suède, la France, l’Italie, l’Autriche, la Grèce, l’Allemagne et la Slovénie.

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