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Du rififi chez les éditeurs romands

Eric Caboussat, président de la nouvelle «Suissedition». swissinfo.ch

Dans le cadre du Salon du Livre de Paris, les éditeurs romands sont divisés en deux groupes: ceux qui relèvent de la traditionnelle Association suisse des éditeurs de langue française, et les autres, membres de Suissedition. Coexistence ou guéguerre?

Le 24 janvier dernier naissait «Suissedition». Une nouvelle association d’éditeurs romands, lancée et présidée par Eric Caboussat, patron des Editions Cabédita. Le Salon du Livre de Paris est sa première sortie publique.

L’ASELF, Association suisse des éditeurs de langue française, créée en 1975, réunit 80 éditeurs environ, et est présidée par Francine Bouchet, directrice des Editions «La Joie de Lire». Pour l’heure, Suissedition regroupe quant à elle 17 éditeurs, qui, même s’ils touchent parfois au roman, sont majoritairement axés sur l’histoire, la géographie, le patrimoine, la nature, avec souvent une tendance «régionaliste» revendiquée.

«Il n’y a pas de petit et de grand éditeur», affirme Eric Caboussat. «Un éditeur d’histoire mérite autant de respect que celui qui fait du roman, et d’ailleurs, la plupart de nos 17 éditeurs font aussi du roman. Simplement, ils ne portent pas le nom de certains, et ne sont pas reconnus. Ce sont des oubliés, qui font pourtant du bon travail, qui vendent beaucoup de livres, mais qui sont ignorés. C’est pour cela que nous avons décidé de devenir un véritable syndicat de l’image du livre suisse à l’étranger».

Entre les lignes, à quoi fait donc allusion Eric Caboussat? Au fait qu’en Suisse romande, il vaut mieux publier de la fiction et s’appeler Editions de l’Aire, L’âge d’Homme, Zoé ou Campiche, par exemple, pour être pris au sérieux, focaliser l’attention des médias… et des pourvoyeurs de subventions. Et cela même si les chiffres de vente ne sont pas toujours au rendez-vous.

Pour le patron de Cabédita, il s’agit donc de tenter de remédier à une injustice concernant des éditeurs perçus comme «marginaux», y compris lui-même, alors que selon lui, ils ne le sont pas. Autrement dit, d’essayer de combler le fossé entre culture et Culture, la majuscule étant parfois fort subjective.

Autre son de cloche du côté de Francine Bouchet, évidemment. «C’est une histoire fâcheuse. Il ne faut pas confondre le dynamisme et l’activisme, vouloir faire les choses très vite, par réaction. Car Monsieur Caboussat était vice-président de l’ASELF, il n’a pas été reconduit à ce poste, je l’ai battu assez fortement lorsque je me suis présentée à la présidence. Il y a donc des règlements de compte. Et je trouve grave de partir de cela pour ne créer que du vent: car tous ces éditeurs auraient tout à fait leur place sur notre stand. Cette séparation n’a absolument aucun sens».

Plusieurs éditeurs ont décidé de se joindre à Suissedition, tout en restant fidèles à l’ASELF. Une forme de frilosité? Peut-être. Mais peut-être également la voix de la raison. Car la crispation palpable des présidents respectifs, Francine Bouchet et Eric Caboussat, ne semble guère de mise chez les membres. Alors, du rififi chez les éditeurs romands? Plutôt une guéguerre des chefs au pays des modestes tirages.

Bernard Léchot, Paris

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