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«Le vote électronique ne suffit pas à accroître la participation des Suisses de l’étranger»

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© Keystone / Jean-christophe Bott

Pour son 99e congrès annuel, l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE) met l'accent sur la participation de la Cinquième Suisse aux élections et aux votations. Et le lobby de la diaspora présente une nouvelle revendication.

«Le Conseil fédéral nous a fait un petit cadeau», a déclaré le président de l’OSE, Filippo Lombardi, lors de la conférence de presse d’ouverture du Congrès des Suisses de l’étranger, ce jeudi à Saint-Gall. La veille, le gouvernement a en effet autorisé trois cantons suisses (Bâle-Ville, Saint-Gall et Thurgovie) à faire usage du vote électronique pour les élections au Conseil national du 22 octobre.

Aux yeux de l’OSE, il s’agit d’un nouveau pas en avant sur un chemin qui a été récemment pavé d’embûches. L’e-voting, revendication permanente des Suisses de l’étranger, n’a fait son retour qu’en 2023, grâce à des initiatives de la Poste et de la Chancellerie fédérale, après avoir été relégué aux oubliettes pour des raisons de sécurité et de coûts durant près de quatre ans.

Pour Benedikt von Spyk, secrétaire d’État du canton de Saint-Gall, cette évolution est «très réjouissante», comme il l’a déclaré lors de la conférence de presse. «Nous avons enregistré plus de 70% de votes tardifs en moins lors des votations du 18 juin», a-t-il expliqué.

Benedikt von Spyk a ajouté qu’il était maintenant temps d’étendre rapidement ces tests de vote électronique et gagner d’autres cantons à la cause, notamment celui des Grisons. Filippo Lombardi a de son côté souligné qu’une «deuxième vague» était désormais nécessaire pour faire avancer ce dossier.

Une extension qui provoque des résistances

Cette nouvelle salve d’essais suscite toutefois des résistances. «Plus les essais sont larges, plus le risque est important», estime Jorgo Ananidis, président du Parti pirate. Acteur mineur dans le paysage politique suisse, ce parti jouit cependant d’une certaine crédibilité en matière de nouvelles technologies. Il compte parmi ses membres de nombreux hackers et spécialistes de la cyber-sécurité.

Le président de l’OSE, Filippo Lombardi, à l’occasion de la conférence de presse à Saint-Gall. / Rigendinger, Balz (swissinfo)

Quelques heures seulement avant la conférence de presse de l’OSE, le Parti pirate s’est déclaré «horrifié» par l’extension de l’autorisation du vote électronique dans un communiqué de presse. «Il n’y a pas de code sans défaut, affirme Jorgo Ananidis. Et les fuites de données actuelles dont est victime la Confédération montrent de manière symptomatique que l’on sous-estime les risques».

La veille, un autre groupement, le Mouvement Liberté Suisse (MLS), était déjà passé à l’action, en annonçant le lancement d’une initiative populaire qui demande l’interdiction des élections et des votations par voie électronique.

Pour le secrétaire d’État saint-gallois Benedikt von Spyk, il n’y a toutefois guère lieu de s’inquiéter. Il rappelle que la communauté des hackers n’a pas réussi à pirater le nouveau système lors des phases de test.

Connaissances acquises par la communauté

Un problème subsiste toutefois: le taux de participation des Suisses de l’étranger est chroniquement bas, environ deux fois moins élevé que celui de la moyenne nationale. «Pour que la participation augmente, l’e-voting ne suffit pas», a expliqué la directrice de l’OSE, Ariane Rustichelli. De nombreuses personnes expatriées se tiennent volontairement à l’écart de la politique suisse, d’autres trouvent les obstacles trop élevés, a-t-elle précisé.

Deux membres du Conseil des Suisses de l’étranger ont pris le problème à bras le corps: Carmen Trochsler, d’Australie, et Antoine Belaieff, du Canada. Ils soulignent que le comportement migratoire a changé: les séjours à l’étranger sont plus souvent temporaires et sont de plus en plus souvent suivis d’un retour en Suisse.

«On vote parce que l’on continue à ressentir un attachement et un intérêt pour la Suisse», explique Carmen Trochsler. Elle tire cette conclusion de deux ateliers organisés par l’OSE cette année avec des Suisses de l’étranger. Disposer d’une propriété dans l’ancienne patrie ou entretenir des relations commerciales avec la Suisse sont également une motivation – et une légitimation – pour participer à la vie politique helvétique.

Mais Antoine Belaieff décrit les obstacles: frais d’envoi onéreux, lacunes dans la logistique. L’inscription sur un registre électoral est également un obstacle pour beaucoup, voire une contrainte excessive pour certaines personnes. Celle-ci devrait être simplifiée. De plus, la Confédération pourrait prendre l’habitude d’associer, lors de chaque contact avec un citoyen ou une citoyenne à l’étranger, une invitation à s’inscrire sur le registre électoral.

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Carmen Trochsler et Antoine Belaieff en mars 2023 lors de l’animation d’un atelier sur la participation politique de la Cinquième Suisse. / Alexandra Jaeggi

Un plan pour plus de participation

D’autre part, un nombre non négligeable de participants et participantes aux ateliers de l’OSE ont également mentionné qu’il était difficile de bien s’informer sur les sujets de votation. Il faut donc une information facilement compréhensible et accessible. 

Ce sont là quelques-unes des conclusions qui ne sont pas encore bien comprises par la Confédération et la population suisse. C’est pourquoi le lobby de la diaspora présente une nouvelle revendication: l’amélioration et la promotion de la participation politique doivent être ancrées dans la loi.

Concrètement, il faudrait un rapport annuel, une analyse détaillée de la participation des Suisses de l’étranger. L’OSE transmettra sans doute prochainement cette demande au Parlement, par l’intermédiaire des élu-es qui soutiennent cette cause. «Nous répétons sans cesse que la démocratie directe constitue notre identité, souligne Antoine Belaieff. Je trouve surprenant que personne ne soit responsable de surveiller la santé de la démocratie.

Traduit de l’allemand par Samuel Jaberg

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