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«Heureusement, nous n’avons pas de surtourisme en Suisse»

La ville de Lucerne accueille entre 8 et 10 millions de visiteurs chaque année. Pas de quoi pour autant parler de surtourisme, selon la présidente de Suisse Tourisme. © Keystone / Alexandra Wey

Brigitta M.Gadient estime qu’en Suisse, les autorités locales sont tout à fait à même de gérer les flux ponctuels de visiteurs. Dans une interview à swissinfo.ch, la présidente de Suisse Tourisme explique aussi pourquoi les coûts élevés ne sont pas un problème rédhibitoire pour la branche.

En Suisse, parmi les divers acteurs clés du tourisme, Suisse Tourisme, une corporation de droit public de la Confédération, occupe une place à part.

Cet organisme a pour mission de promouvoir la Suisse à l’échelle mondiale en tant que destination pour les voyages, les vacances et les congrès.

C’est au siège de Suisse Tourisme à Zurich que swissinfo.ch a interviewé la Grisonne Brigitta M.Gadient, qui occupe la présidence depuis le 1er janvier 2020.

Juriste de profession, la Grisonne Brigitta M. Gadient, 63 ans, a été conseillère nationale (UDC puis PBD) de janvier 1995 à décembre 2011. En plus de siéger dans plusieurs conseils d’administration et de fondation, elle préside la Haute école spécialisée des Grisons FHGR depuis 2017. Finalement, à la suite de sa nomination par le Conseil fédéral, Brigitta M. Gadient préside Suisse Tourisme depuis le 1er janvier 2020.

swissinfo.ch: Cet été, on a beaucoup parlé de destinations touristiques prises d’assaut en Suisse, à l’image du village bernois de Lauterbrunnen. Le surtourisme vous inquiète-t-il?

Brigitta M.Gadient: Heureusement, nous n’avons pas de surtourisme en Suisse, à l’inverse de villes comme Venise et Barcelone qui sont des destinations de croisières. D’ailleurs, le taux d’occupation moyen des hôtels en Suisse est de seulement 45%.

En outre, nos actions promotionnelles visent à améliorer la répartition des flux de touristes sur l’ensemble du territoire national et tout au long de l’année.

Bien sûr, il n’est pas toujours possible d’éviter quelques afflux ponctuels de touristes, mais les autorités locales sont tout à fait à même de gérer assez rapidement et efficacement ces situations extraordinaires.

Avant de présider Suisse Tourisme, Brigitta M.Gadient a notamment siégé à la Chambre basse du Parlement. Keystone / Anthony Anex

Comment voyez-vous le futur du tourisme en Suisse?

Je suis très optimiste car notre pays possède énormément d’atouts! En plus de la pureté de nos paysages et de la beauté de nos villes, notre infrastructure est exceptionnelle. Je me réfère, par exemple, à la fiabilité et à la ponctualité de nos trains. Naturellement, notre approche durable est de plus en plus appréciée par de nombreux touristes.

En outre, le tourisme est la cinquième plus importante branche en termes de revenus d’exportation. Dans les régions de montagne comme dans mon canton des Grisons, je dirais même que le tourisme a une importance systémique.

Quant à nos coûts élevés, ils représentent bien sûr un défi, mais cette cherté n’est pas rédhibitoire pour une destination premium comme la Suisse.

Le Parlement vient d’approuver vos subsides fédéraux pour les quatre prochaines années (au maximum CHF 233 millions). Êtes-vous satisfaite du montant?

Absolument pas! L’augmentation de trois millions par rapport aux quatre années précédentes constitue en fait une réduction significative, notamment car l’inflation est supérieure à 10% dans nos marchés étrangers.

«Je ne suis absolument pas satisfaite de nos subsides fédéraux. Nous allons devoir nous serrer sérieusement la ceinture»

Par ailleurs, nos missions et activités ne cessent de croître, avec, par exemple, la promotion du tourisme durable. En fait, nous avons malheureusement été victimes de coupes budgétaires tous azimuts. Nous allons devoir nous serrer sérieusement la ceinture.

Cela représente tout de même beaucoup d’argent pour vos campagnes de promotion. Mais la présence de touristes n’est-elle pas aussi due aux actions directes d’autres entités ou simplement à la réputation de la Suisse?

Dans nos stratégies marketing, nous n’appliquons pas du tout la politique de l’arrosoir, mais une approche hautement ciblée. Par exemple, une de nos initiatives peut avoir pour objectif d’attirer un segment donné de touristes en provenance d’un pays spécifique, à une période déterminée de l’année et vers une région particulière de Suisse.

Une autre activité promotionnelle peut inciter les visiteurs à prolonger leur séjour en Suisse au-delà de leur durée moyenne. Grâce à ce ciblage, nous sommes en mesure d’évaluer les retombées de nos initiatives avec précision.

D’une manière générale, souhaitez-vous attirer en priorité des touristes locaux, de pays voisins ou de pays éloignés?

En réponse à la crise pandémique, nous avons élaboré une stratégie visant à renforcer la résilience et l’agilité du tourisme. En d’autres termes, nous cherchons à établir un équilibre des flux touristiques selon la provenance des hôtes, avec 45% de touristes résidant en Suisse, 35% provenant de marchés proches et 20% de marchés lointains.

Pourquoi une telle répartition des marchés ciblés?

Les touristes suisses sont prioritaires car ils garantissent la stabilité aux prestataires. Reste que cette clientèle locale voyage en principe pendant les vacances scolaires et les week-ends et séjourne plus fréquemment dans des appartements de vacances.

«Les touristes suisses sont prioritaires car ils garantissent la stabilité aux prestataires»

Or il existe un grand nombre d’hôtels quatre et cinq étoiles qui ont aussi besoin de clients pendant la semaine et en dehors des vacances scolaires. Pour cette raison notamment, nous avons également besoin de touristes étrangers, en particulier de celles et ceux en provenance de pays lointains, même si cela peut parfois entraîner des défis culturels.

Parmi vos campagnes promotionnelles, laquelle vous remplit le plus de fierté?

Nos compagnes mondiales avec Roger Federer, le meilleur ambassadeur de la Suisse, ont été couronnées de succès. Nous avons notamment mis en avant les voyages en train pour promouvoir le tourisme durable. Bien entendu, de nombreuses autres initiatives plus restreintes et ciblées, telles que le recours à des influenceurs, ont généré des performances très positives.

>> Le spot publicitaire de Suisse Tourisme mettant en scène le tennisman suisse Roger Federer et l’acteur américain Robert de Niro:

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Selon quels critères décidez-vous des montants alloués à vos différentes succursales à l’étranger?

Nous avons défini quatre niveaux: les marchés prioritaires (qui génèrent au moins un million de nuitées hôtelières par an), les marchés actifs (plus de 100’000 nuitées), les «antennes» (plus de 40’000 nuitées) et les marchés émergents (potentiel d’évolution des nuitées à évaluer).

Plus le niveau est prioritaire, plus nous avons d’employés sur place et plus nos activités sont diversifiées; quant aux marchés émergents, ils sont gérés depuis notre siège à Zurich. 

Nos plus grandes succursales se trouvent aux États-Unis/Canada (18 personnes), en Allemagne (17), dans la «Grande Chine» [Chine continentale, Hong Kong et Taiwan] (12) et au Royaume-Uni/Irlande (11).

Reste que parmi les 270 employés de Suisse Tourisme, 52% sont basés au siège de Zurich plutôt que sur le terrain. Cette proportion est-elle vraiment justifiée?

J’en suis convaincue, car de multiples tâches de soutien à nos activités mondiales sont réalisées de manière centralisée. Je pense, par exemple, à l’élaboration du matériel promotionnel.

Suisse Tourisme œuvre pour l’ensemble de la Suisse. Comment répartissez-vous vos efforts pour servir chaque région d’une manière équitable?

Nous maintenons un dialogue constructif avec les 26 cantons répartis en 13 régions touristiques. Nous offrons à tous un service de base financé par la Confédération mais, en plus, chaque région – ou plutôt groupe de régions – a la possibilité de solliciter des actions supplémentaires payantes très ciblées en fonction de leurs besoins.

Ainsi, la région du Cervin montre souvent un intérêt marqué pour les marchés lointains alors que d’autres régions suisses préfèrent cibler la clientèle de certains pays européens.

L’important est de bien coordonner nos actions au niveau suisse afin d’optimiser notre impact global. Certaines régions souhaiteraient davantage de services mais cela est dans la nature des choses de vouloir toujours plus.

À un niveau plus personnel, vous avez siégé au Conseil national, la Chambre basse du Parlement, pendant dix-sept ans. Dans votre rôle de présidente de Suisse Tourisme, est-ce que cette expérience parlementaire s’avère utile?

Certainement! Cette expérience m’a permis de comprendre en détail le processus d’approbation de notre budget, financé à 56% par la Confédération. En outre, je connais encore de nombreux parlementaires et membres de l’administration fédérale et cela est fort utile.

Texte relu et vérifié par Samuel Jaberg

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