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La Suisse peut-elle profiter de l’effondrement de la cryptomonnaie FTX?

The FTX Arena in Miami
À l’époque de sa gloire, FTX était un des sponsors principaux de l’équipe de basket de Miami Heat, donnant son nom à la salle où évolue le club trois fois champion de NBA (en 2006, 2012 et 2013). Copyright 2022 The Associated Press. All Rights Reserved.

Séisme sans précédent dans le secteur des cryptomonnaies: l’effondrement de la plateforme FTX, autrefois toute puissante, sème la panique. Et si c’était une aubaine pour la Suisse?

Les entreprises helvétique du secteur crypto sont sur le fil du rasoir, tiraillées entre la certitude de pertes commerciales à court terme et la perspective de voir cette crise renforcer encore le pays en tant que pôle mondial de l’industrie de la blockchain. 

Le groupe FTX, basé aux Bahamas, était considéré jusqu’ici comme l’une des sociétés de cryptomonnaies les plus stables et les plus innovantes au monde. Il combinait la deuxième plus grande plateforme globale avec une entreprise d’investissement très rentable, nommée Alameda Research.

Désormais, le groupe a déposé son bilan aux États-Unis et fait l’objet d’enquêtes pour fraude présumée dans de nombreux pays. «Jamais dans ma carrière je n’ai vu un tel échec complet des contrôles et une telle absence totale d’informations financières dignes de confiance», a déclaré devant la justice américaine le liquidateur de la société, qui s’était également occupé en son temps de la liquidation d’Enron.

La pointe de l’iceberg

Les répercussions de l’implosion de FTX ne manqueront pas de se faire sentir en Suisse, mais on ne connaîtra pas l’ampleur des dégâts réels avant plusieurs semaines. Le secteur se prépare à une baisse des volumes d’échanges, à une diminution des investissements en capital-risque, à de nouvelles faillites potentielles d’entreprises liées à FTX et à une diminution de l’appétit du secteur financier traditionnel pour les cryptomonnaies – désormais perçues comme à trop haut risque.

«Ce n’est probablement que la partie émergée de l’iceberg», estime Michael Guzik, patron de la plateforme suisse de prêt de cryptomonnaies CLST. «La confiance dans le marché est complètement perdue. Même les acteurs les plus sophistiqués de la crypto disent maintenant qu’ils sont finis».

«Il est difficile d’évaluer la gravité de la contagion de FTX sur l’espace crypto suisse», explique Martin Burgherr, responsable de la clientèle de la banque Sygnum. «Nous nous attendons à ce que cela soit grave pour le secteur à l’échelle mondiale, avec d’autres effets en cascade importants, qui se révéleront plus tard».

Plusieurs sociétés crypto helvétiques, dont Bitcoin Suisse, Digital Finance, 21Shares, Sygnum et SEBA, ont publié des communiqués affirmant qu’elles ne risquent pas d’être tirées vers le bas par l’effondrement de FTX.

Bitcoin Suisse a affirmé que seule une «quantité marginale» de ses fonds se trouve piégée sur la plateforme FTX, désormais gelée. Pas assez toutefois pour affecter matériellement sa santé financière. Alameda Research, la filiale de FTX, avait investi dans SEBA, mais la banque assure que cette participation est inférieure à 1% et n’était pas assortie de droits de vote.

Fonds gelés

Crypto Consulting, qui gère des fonds liés aux cryptomonnaies, a déclaré que des investisseurs avaient des actifs bloqués sur FTX, sans indiquer clairement ni comment ni quand ces actifs pourraient être récupérés.

Le groupe FTX avait inauguré cette année ses activités sur sol helvétique, en commençant par racheter un cabinet d’avocats local spécialisé dans les cryptomonnaies. L’intention était de faire de la Suisse le siège de ses opérations en Europe et au Moyen-Orient.

Désormais, les cadres responsables de cette unité commerciale ont modifié leurs profils sur les réseaux sociaux pour se distancer de FTX. Ils sont restés sourds aux appels à commentaires envoyés par swissinfo.ch.

Toutefois, la Suisse, qui se présente au monde comme la «crypto nation», espère tirer des bénéfices à long terme de la débâcle de FTX. Le secteur devra en effet probablement sortir de l’ombre des troubles paradis offshore pour se déplacer vers des pays plus respectables, avec une plus forte tradition de surveillance réglementaire.

«Les juridictions offshore perdent de leur attrait», confirme Ralf Kubli, membre du conseil d’administration de l’association Casper. «Les clients institutionnels qui se soucient de leur réputation ne voudront pas faire affaire avec des sociétés installées là-bas».

Le refuge suisse

«[Le crash de FTX] offre à la Suisse de nouvelles opportunités de se positionner comme un refuge sûr pour les investisseurs en période d’incertitude», estime Martin Burgherr, de Sygnum.

La banque dit avoir reçu 345 millions de francs suisses de nouveaux actifs clients depuis le début du mois, qui échappent ainsi à la volatilité. Ce chiffre devrait atteindre 400 millions d’ici la fin novembre.

La Suisse a déjà modifié ses lois pour s’adapter à la finance basée sur la blockchain, et le régulateur financier du pays est habitué depuis longtemps aux nuances des cryptomonnaies.

C’est ce qui a poussé BitMEX, une autre plateforme de cryptomonnaies à la réputation ternie, à envisager de quitter les Seychelles pour la Suisse, après avoir été molestée par des procureurs américains. 

«La réglementation est nécessaire pour éviter les activités malveillantes et criminelles présumées qui ont été observées à grande échelle et à plusieurs reprises», peut-on lire dans un rapport sur la débâcle de FTXLien externe (en anglais) publié sur la plateforme Crypto Finance.

Jusqu’il y a peu, FTX et son fondateur Sam Bankman-Fried figuraient parmi les entreprises les plus en vogue du monde des cryptomonnaies. Basé aux Bahamas, le groupe FTX était évalué à 32 milliards de dollars, en comptant la deuxième plus grande plateforme mondiale du secteur et l’unité d’investissement Alameda Research.

Le 2 novembre, les médias révèlent de graves lacunes cachées dans les finances du groupe. Quelques jours plus tard, la plateforme rivale Binance vend son stock de jetons numériques FTX (qui sous-tendent les prêts d’Alameda et facilitent les échanges sur la plateforme FTX), faisant s’effondrer leur prix. Alors que FTX s’efforce de gérer les retombées, Binance propose de racheter son rival, puis se retire de l’accord proposé.

Le 11 novembre, FTX se place sous la protection de la loi sur les faillites aux États-Unis. Plusieurs pays commencent à enquêter sur ses activités. La firme semble avoir été victime de hackers, avec une importante somme d’argent transférée sur un autre compte.

Le liquidateur nommé pour FTX décrit la situation comme «un échec total des contrôles de l’entreprise et une absence totale d’informations financières fiables».

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