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Pour les Canadiens, la Suisse est un cousin proche

Les Suisses investissent plus au Canada que ne le font l'Allemagne ou le Japon, rappelle Werner Baumann. Keystone

Les Suisses sont de gros investisseurs au Canada et les deux pays se sentent une vraie proximité. Alors que deux accords commerciaux viennent encore de la renforcer, l'ambassadeur de Suisse à Ottawa Werner Baumann livre son appréciation.

Depuis trois ans sur place, Werner Baumann met aussi en avant le rôle joué par la communauté suisse du Canada pour l’image du pays, que l’affaire UBS n’a semble-t-il pas écorné.

swissinfo.ch: Quelle est l’importance de la communauté suisse vivant au Canada?

Werner Baumann: Les Suisses sont le cinquième principal investisseur direct au Canada. Cela en dit long sur notre influence sur le terrain. Les grandes compagnies, les multinationales, mais aussi les PME suisses représentent notre pays dans le domaine industriel. Les Suisses investissent plus au Canada que ne le font l’Allemagne ou le Japon!

Cela dit, il est clair que la communauté suisse est plutôt discrète. Les Suisses vivant au Canada se sont rapidement intégrés et ne se font que très rarement remarquer en temps que communauté. Certes, il y a quelques occasions culturelles, tel que le festival de jodel, qui a eu lieu le mois dernier à Banff dans les Montagnes Rocheuses. Mais il n’existe pas de lobby suisse actif sur la scène politique canadienne.

Néanmoins, il faut dire que la communauté suisse au Canada joue quand même un rôle important. Il y a d’abord les trois «Chambres de Commerce Canada-Suisse» (Vancouver, Toronto, et Montréal). En plus, nous avons plusieurs dizaines de clubs suisses, souvent formés de Suisses devenus binationaux Canadiens qui gardent des liens forts avec la Suisse, leur pays d’origine. Ces gens sont d’excellents ambassadeurs de notre pays, même s’ils possèdent aussi des passeports canadiens.

swissinfo.ch: L’ancien conseiller fédéral Pascal Couchepin a été nommé «grand témoin de la francophonie» pour les jeux olympiques d’hivers de 2010 à Vancouver. Qu’en est-il des liens francophones entre la Suisse et le Canada?

W.B.: Nous avons en effet cette langue en commun. Et il y a des liens très étroits au niveau culturel et académique entre les deux pays, particulièrement entre la Suisse romande et le Québec. De nombreux chercheurs et artistes romands se sont installés dans la «Belle Province».

Approximativement 20% des Canadiens, comme des Suisses, sont de culture francophone. Les deux pays ont des structures fédérales et veulent protéger et soutenir la place de la langue française. Dans les deux cas, le français est la langue d’une minorité, mais d’une minorité appréciée et valorisée.

swissinfo.ch: Que pensent les Canadiens des Suisses?

W.B.: En effet, ce n’est pas seulement important de savoir comment nous nous voyons nous-mêmes. Il est bon de se rendre compte de ce que les autres pensent de nous. De par mes voyages à travers cet immense pays, j’ai pu constater que la Suisse jouit d’une très bonne réputation.

Les Canadiens connaissent les similarités de nos deux pays: paysages de montagne époustouflants, structures politiques fédérales, diversité linguistique, engagement pour les droits de l’homme. En plus de ces similitudes, les Canadiens me font souvent remarquer que nous avons la valeur ajoutée du «Swissness». Quand je leur demande de quoi il s’agit, ils me répondent: travailler dur, être précis, et surtout, être fiable.

Les Canadiens pensent souvent que la Suisse est une version miniature de l’Europe, où tout le monde parle quatre langues. Ils sont du reste souvent surpris d’apprendre que ce n’est pas le cas; idem pour le fait que nous ne sommes pas membres de l’Union européenne, tout en étant clairement des Européens.

swissinfo.ch: Qu’en est-il de l’image de la Suisse après «l’affaire UBS»?

W.B.: Au Canada, nous ne sommes pas aux États-Unis. Il faut faire attention de ne pas mettre ces deux pays, certes voisins, dans la même catégorie. Le problème UBS est un problème «UBS-États-Unis» et cette crise n’a pas eu la même répercussion au Canada. Les relations politiques entre la Suisse et le Canada sont excellentes.

swissinfo.ch: L’accord de libre échange entre le Canada et l’Association européenne de libre échange (AELE), dont fait partie la Suisse, est entré en vigueur le 1er juillet. Il en est de même pour un accord bilatéral entre la Suisse et le Canada concernant de l’agriculture. Quelles en sont les implications pour la Suisse?

W.B.: Pour la Suisse, il est très important d’avoir des accords de libre échange avec le plus grand nombre de pays possibles. L’AELE a commencé il y a longtemps cette politique et a obtenu de nombreuses réussites.

Dans ce cas particulier, c’est la première fois que nous avons un accord de libre échange en Amérique du Nord, et cela ouvre une possibilité de pénétrer les marchés de ce grand continent pour nos produits industriels.

Pour le Canada, c’est un premier pas dans la direction du marché européen, car ce pays est en train de négocier un accord de libre échange avec l’Union Européenne. Mais le traité en est encore à ses balbutiements. Les Canadiens ont donc, eux aussi, tout à gagner de cet accord avec l’AELE.

swissinfo.ch: Et qu’en est-t-il de l’agriculture suisse?

W.B.: L’accord bilatéral donnera quelques accès privilégiés au Canada, mais ne devrait pas faire de tort à l’agriculture suisse. Les produits importés du Canada ne font pas de concurrence aux produits suisses.

Il est clair que l’agriculture autant en Suisse qu’au Canada sont des domaines assez protégés, et ces nouveaux accords n’ouvrent pas les frontières pour l’échange de produits agricoles.

swissinfo.ch: Ces accords peuvent-ils avoir un impact sur la crise économique?

W.B.: Certainement, car chaque accord de libre échange est la confirmation d’une politique d’ouverture et de refus du protectionnisme. Sous cette angle là, il est très important que la Suisse conclue des accords de libre échange, surtout en temps de crise. Cette politique ouvre des nouveaux marchés pour nos produits.

Justin Veuthey, Montréal, swissinfo.ch

La Suisse est le cinquième investisseur direct au Canada (derrière les États-Unis, le Royaume-Unis, la France, et les Pays-Bas).

D’après le Secrétariat d’État à l’économie (SECO), les quatre produits suisses les plus exportés vers le Canada en 2007 étaient:

Produits pharmaceutiques, pour une valeur de 1.4 milliard de francs
Produits chimiques, pour une valeur de 594 millions
Machines, pour une valeur de 230 millions
Instruments de précision, pour une valeur de 192 millions

En 2008, les Suisses vendaient aux Canadiens deux fois plus qu’ils n’achetaient:

– Importations canadiennes en Suisse: 1’131 million
– Exportations suisses au Canada: 2’419 million

D’après les services consulaires suisses, quelques 38’000 citoyens helvétiques vivent au Canada. Plus de 70% sont des binationaux.

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