Des perspectives suisses en 10 langues

Télécoms à haut débit pour booster le développement

La moitié du milliard d’humains vivant en Afrique a un téléphone portable – et ce n’est pas que pour parler. Keystone

Les technologies de l’information et de la communication (TIC) se sont bien démocratisées, mais le fossé entre pays riches et pays pauvres subsiste. A Genève, les décideurs réunis à l’enseigne de Telecom World 2011 ont parlé large bande et Objectifs du Millénaire.

«Je suis absolument convaincu que la large bande sera la technologie qui définit le début du 21e siècle» a dit Hamadoun Touré, chef de l’Union internationale des télécommunications (UIT) à l’ouverture du salon Telecom World lundi 24 octobre à Genève. Pour lui, il ne fait aucun doute que la large bande, connexion rapide et permanente à Internet, va «révolutionner la vie de tout le monde, partout» et aider à accomplir des progrès immenses dans les domaines de la santé, de l’éducation, des transports et des services.

«Et, ce qui est plus important encore, la large bande va nous aider à accélérer le mouvement en vue d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement», a-t-il ajouté. 

Le développement des TIC a continué à s’accélérer depuis dix ans, entraîné largement par les marchés émergents, tandis que les affaires stagnent dans les pays développés.

A fin 2010, le nombre de téléphones portables pour 100 habitants était au-dessus de 100 dans 97 pays (plus de 120% en Suisse), tandis que la proportion de personnes connectées à Internet dans le monde atteignait 30%.

Selon l’UIT, alors que plus de 2,6 milliards d’êtres humains n’ont toujours pas accès à des toilettes ni à d’autres formes d’installations sanitaires, il y a aujourd’hui près de 4 milliards d’utilisateurs de téléphones portables dans les pays en développement. Le taux de pénétration du mobile y atteint 70%, alors que celui d’Internet est à 21%.

Le riche et le pauvre

Cette croissance rapide de l’économie numérique offre d’immenses possibilités. Mais attention à ne pas créer un monde divisé en «riches large bande et pauvres large bande», avertit Hamadoun Touré.

Beaucoup en effet reste à faire pour les pauvres parmi les pauvres, soit les 830 millions de personnes vivant dans les 49 pays les moins développés des Nations unies. Si le nombre de téléphones portables y est passé de 2 à 280 millions et que les usagers d’Internet y sont désormais 38 millions, cela ne fait toujours qu’un taux de pénétration de 4,6%.

Initiée par l’UIT et l’UNESCO, la Commission large bande représente l’industrie, la recherche et les Etats. Elle a livré à Genève les buts à atteindre pour les gouvernements. L’un d’entre eux serait d’arriver à connecter la moitié des pauvres du monde et 15% des citoyens des pays les moins développés à la large bande d’ici 2015.

Selon Hamadoun Touré, l’objectif est «ambitieux mais atteignable», pour autant que les gouvernements travaillent avec le secteur privé.

Encore trop cher

Même si les prix ont nettement baissé en dix ans, l’Internet haut débit reste inabordable dans bien des pays pauvres. En Afrique, une connexion à large bande coûte en moyenne chaque mois l’équivalent de 290% du revenu moyen.

«Pendant trop longtemps, les pays en développement ont été incapables de participer ou de contribuer effectivement à l’économie globale simplement à cause de leur accès limité au haut débit», explique Paul Kagame, président du Rwanda, dans un message vidéo. Son pays a fait œuvre de pionnier avec un plan national pour favoriser l’usage de la large bande et du téléphone portable.

«Les prix pourraient baisser beaucoup si les gouvernements investissaient dans les infrastructures de base et que les utilisateurs paient pour les services, explique Walter Fust, membre suisse de la Commission large bande. Il y a des milliards de dollars qui dorment dans les Fonds pour le Service Universel. Jusqu’ici seuls 17 pays y ont eu recours pour développer leurs infrastructures».

Modèles à revoir

Du côté du secteur privé, alors que l’environnement devient de plus en plus dur, avec davantage de concurrence et de règles et des marges qui s’amenuisent, les entreprises doivent revoir leurs modèles d’affaires.

«Nous n’avons pas encore trouvé la solution pour offrir des services abordables sur les marchés émergents, là où on enregistre le plus gros de la croissance», admet Steve Collar, patron de l’entreprise de télécoms par satellite O3B.

Autre souci: avoir suffisamment de bande passante pour offrir des services sans fil à haut débit. «Il est vital que le potentiel sans précédent du haut débit mobile ne soit pas étouffé par le manque de bande passante» a dit dans un communiqué Eric Loeb, président de la taskforce «technologies de l’information» de la Chambre de commerce internationale.

Un souci majeur lorsque l’on sait, comme le rappelle Walter Fust, que les opérateurs en mal de bande passante ont face à eux des diffuseurs «pressés de changer» et prêts à négocier dur, et même des militaires, qui eux aussi utilisent de la bande passante.

Les problèmes techniques, économiques et politiques liés aux connexions et à la large bande ne sont pas tout. Plusieurs participants au salon ont insisté sur la nécessité de développer des contenus utiles pour les populations de régions comme l’Afrique, l’Inde ou l’Amérique latine.

«Ce qu’un agriculteur a d’abord besoin de savoir, c’est le temps qu’il va faire et quel est le prix des produits au marché local. Une application simple suffit pour cela, pas besoin de gigantesques bases de données», dit Oscar von Hauske Solis, directeur de la compagnie téléphonique mexicaine Telmex International.

Finalement, dans un secteur qui évolue aussi rapidement, il faut aussi un nouvel état d’esprit.

«Il faut garder à l’esprit que ce sont des jeunes de 14 ans qui dictent les nouvelles utilisations des réseaux, et que nous sommes des dirigeants de 50 à 60 ans qui prenons des décisions. Nous devons donc rester humbles et à l’écoute», a dit Ben Verwaayen, patron d’Alcatel Lucent, au quotidien romand basé à Genève Le Temps.

Le salon Telecom World de l’UIT réunit les grands noms de l’industrie et de la technologie mondiales des télécommunications et de l’information.

Pour l’édition 2011, qui s’est tenue du 24 au 27 octobre, Genève a accueilli 250 exposants et quelque 5000 délégués, sans oublier 250 leaders mondiaux, parmi lesquels des chefs d’Etats, des maires de grandes villes, des chefs d’entreprises et autres gourous des TIC (technologies de l’information et de la communication).

Le profil du salon a changé depuis les années 90, où il présentait surtout des nouveaux produits. Il se concentre désormais sur les professionnels, les forums de discussion et les rencontres de haut niveau. Le nombre de visiteurs a chuté en conséquence, de 200’000 aux débuts à 40’000 en 2009. Le salon est encore bisannuel, mais va passer au rythme annuel, avec une édition en 2012 à Dubaï et un retour probable à Genève en 2013.

Traduction de l’anglais: Marc-André Miserez

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision