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Les petits pas de la fibre optique en Suisse

Un ouvrier en train d'installer des câbles de fibre optique à Zurich. Keystone

Comme Lausanne et Fribourg, entre autres, la ville de Zurich a finalement accepté de laisser l’opérateur historique Swisscom participer à la construction du réseau à fibres optiques. Mais on est encore très loin d’un réseau national.

«Un simple câble de fibre optique à haut débit pourrait acheminer 3 milliards de conversations téléphoniques simultanées, permettant à la moitié de la population de la planète de communiquer avec l’autre.»

C’est l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) qui fournit cette image, dans un rapport sur l’avancée de cette technologie. Or ce rapport montre que la Suisse est à la traîne. «Dans le classement de la vitesse moyenne de téléchargement, la Suisse est en queue de peloton», indique aussi l’Office fédéral de la statistique.

«Le retard suisse est en partie dû à Swisscom, explique Matthias Finger, professeur de management des infrastructures à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. Il n’y a pas de politique fédérale de couverture du pays en infrastructures de la nouvelle génération et les opérateurs n’ont aucune obligation concernant une desserte de base.»

Critère de compétitivité pour les villes

Or, poursuit-il, «Swisscom veut, légitimement, rentabiliser son infrastructure ADSL, qui utilise le réseau normal de téléphonie, déjà largement amorti. Historiquement, ce sont les villes, soucieuses de leur compétitivité, qui se sont d’abord mises à la fibre optique, car elles en avaient marre d’attendre Swisscom.»

Genève, Lausanne, Fribourg, Zurich, St-Gall – entre autres – ont développé des projets ces dernières années. Les citoyens de Zurich ont accepté un crédit de 200 millions en mars 2007. Ceux de St-Gall ont suivi début 2009, avec un crédit de 78 millions de francs.

«Comme par hasard, Swisscom décide alors d’investir précisément dans les villes qui ont des projets, et non pas dans les régions, où cela aurait véritablement servi le pays», relève Matthias Finger.

A Zurich, Swisscom avait pourtant déclaré, pendant la campagne de votation, que l’on «n’avait pas besoin de fibre optique». A St-Gall, l’opérateur a même proposé, pendant quelques semaines, la pose gratuite de l’infrastructure en échange d’un contrat d’exclusivité. La ville y a mis le holà.

Droit d’utilisation réciproque

Pendant que les services industriels des villes nouaient des accords (Genève, Berne, Bâle, Saint-Gall et Zurich), des négociations séparées ont eu lieu, courant 2008, avec Swisscom. «Elles n’ont pas été de tout repos», ont indiqué les partenaires la semaine dernière à Zurich, présentant l’accord trouvé – très identique à ce qui a déjà été signé à St-Gall, Fribourg (canton), Pfyn (Thurgovie), Lausanne et Berne.

Ces accords sont soumis à l’approbation de la Commission de la concurrence (COMCO). Pour Fredy Brunner, conseiller municipal st-gallois en charge du dossier et président du groupe de travail «fibre optique» de l’Union des villes suisses, «cela ne devrait pas poser de problème.»

«La concurrence est garantie car le réseau sera accessible à tous les fournisseurs, sans discrimination, ajoute-t-il. Mais il faut continuer à négocier, car l’objectif est un réseau national reposant sur des standards techniques unifiés».

Subventions croisées ?

Matthias Finger voit en revanche deux problèmes. Le premier est politique: «Le contribuable contribuera financièrement plus que ce dont il profitera, car la plupart des clients ne seront pas abonnés aux fournisseurs qui utiliseront le réseau des services industriels de Zurich (ewz), alors que la ville, par des subventions publiques, ou ewz, par des subventions croisées, auront financé 75% des infrastructures.»

Le deuxième problème est régulatoire est constitue un obstacle potentiel au feu vert de la COMCO. «En effet, ajoute le professeur, Il y a risque de cartellisation du fait que deux propriétaires se partagent le marché. Seule une régulation de l’accès aux fibres optiques peut y remédier.» Or, pour l’heure, le Conseil fédéral (gouvernement) a refusé d’intervenir.

Reste que Carsten Schloter, patron de Swisscom, semble ne pas avoir trouvé – jusqu’ici – la partie trop difficile. «De chaque côté, des compromis sont faits, et ils sont toujours de nature financière», dit-il, sans autres précision.

Selon Matthias Finger, «les villes sont mal placées dans ces négociations, car elles ne sont pas organisées et car elles n’ont pas d’argent pour financer les infrastructures seules.»

Tous les partenaires – fournisseurs de services de télécommunication, entreprises électriques et exploitants de réseaux câblés – se retrouvent au début de ce mois de février pour une 5e édition de la Table ronde organisée par l’Office fédéral de la communication.

Ariane Gigon, Zurich, swissinfo.ch

Accord. Les villes de Zurich, Berne, Lausanne et St-Gall ont conclu un accord avec Swisscom visant une construction du réseau à fibre optique en partenariat.

A Fribourg, l’accord avec Swisscom est cantonal. Genève serait sur le point de finaliser les négociations avec l’opérateur.

Ouverts. Les accords prévoient la pose d’un câble contenant quatre fibres, un pour les Services industriels municipaux concernés, un deuxième pour Swisscom et les deux derniers ouverts aux fournisseurs intéressés.

Illimité «Techniquement, une ou quatre fibres, cela ne change rien, explique le professeur Matthias Finger. Une fibre peut transporter les données de plusieurs opérateurs de façon quasi illimitée. Et d’un point de vue cartellaire, cela ne change rien non plus Mais il est plus facile d’expliquer que chacun a sa fibre…»

Ménages. A Zurich, Swisscom construira l’infrastructure de 25% des 200’000 ménages de la ville, les services industriels (ewz) prenant en charge le reste. A Berne, la répartition est de 30-70%.

Droit. Les partenaires s’accordent mutuellement un droit d’utilisation inaliénable, moyennant une indemnisation unique et une participation aux frais d’exploitation et de maintenance.

Facture. Quant au prix d’installation dans les ménages, il sera intégré dans le prix de location du réseau par le fournisseur et, très probablement, répercuté dans la facture du client.

Synergie. Les grandes villes travaillent ensemble pour trouver des synergies et réduire les coûts.

En 2008, plus de 92,6% des usagers de l’Internet avaient un raccordement à large bande en Suisse. Mais on ne comptait que 3850 abonnés à la fibre optique, qui est la technologie la plus avancée, selon la Statistique (provisoire) des télécommunications (Office fédéral de la communication).

Dans le classement de la vitesse moyenne de téléchargement dans les pays de l’OCDE, la Suisse est en queue de peloton (Office fédéral de la statistique).

En 2008, Swisscom détenait 52,4% de parts de marché dans les raccordements à Internet en Suisse.

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