L’industrie chimique suisse dans l’embarras

Le projet de réforme de la législation européenne sur les produits chimiques, adopté mercredi à Bruxelles, inquiète l’industrie suisse.
La Suisse est le sixième pays exportateur mondial de produits chimiques et pharmaceutiques.
«Les industries chimiques suisses sont très concernées par le projet de réforme européen», affirme Paul Vesel, manager à la Société suisse des industries chimiques (SSIC).
«Nous réalisons 60% de nos ventes dans l’Union européenne (UE)»,souligne le responsable du secteur santé, sécurité et environnement.
La Commission européenne vient, en effet, d’adopter le projet d’un nouveau règlement qui devrait remplacer les 40 textes législatifs actuels.
Accroître la responsabilité de l’industrie chimique
Ce nouveau dispositif, baptisé REACH, met en place un système unique d’enregistrement, d’évaluation et d’autorisation des produits chimiques commercialisés.
Ce système accroît la responsabilité de l’industrie en renversant la charge de la preuve. Ce sera aux fabricants d’apporter la preuve de l’innocuité de leurs produits.
Pour Bruxelles, la législation actuelle, qui ne s’applique qu’aux produits commercialisés depuis 1981, est devenue inefficace.
Cédant aux intenses pressions de l’industrie chimique, la Commission a assoupli son projet. Les demandes d’informations sont allégées pour les produits fabriqués ou importés dans des volumes d’une à dix tonnes. En dessous d’une tonne, les productions seront exemptées d’enregistrement.
Par ailleurs, les polymères synthétiques – qui entrent dans la fabrication des matières plastiques, fibres, peintures – sont exclus de la nouvelle législation.
Avantages considérables pour la santé
Au total, ce seront 10’000 substances fabriquées en grande quantité qui seront concernées par toutes les obligations du règlement, au lieu des 30’000 initialement prévues.
Cette révision a permis de diminuer le coût pour les entreprises, désormais estimé entre 2,3 et 5,2 milliards d’euros sur onze ans.
Selon la Commission européenne, les avantages pour l’environnement et la santé devraient être considérables. Les experts parlent de 50 milliards d’euros sur une période de 30 ans.
Le projet doit maintenant être discuté et approuvé par le Parlement européen et par les Etats membres de l’UE. Le débat promet d’être rude.
En effet, le projet, même remanié, mécontente les industries chimiques. Le projet reste «inapplicable» déclare le CEFIC (Coordination de l’Industrie chimique européenne), «la réglementation prévue entrave excessivement la compétitivité de l’industrie européenne».
La controverse porte sur deux points: les coûts, jugés sous-évalués, et le processus qualifié par le CEFIC de «complexe, bureaucratique et long».
Inquiétudes suisses
Ces inquiétudes sont partagées par l’industrie chimique et pharmaceutique suisse: «les coûts seront certainement plus élevés qu’on ne l’estime aujourd’hui», craint Paul Vesel. «De toute façon, ajoute le manager, le système envisagé est beaucoup trop bureaucratique».
Membre du CEFIC, l’industrie chimique suisse compte sur cette organisation pour défendre ses intérêts lors de la discussion qui va se poursuivre ces prochains mois et dont l’issue la concerne directement.
En effet, l’industrie chimique et pharmaceutique suisse est très dépendante du commerce extérieur. 95% des produits sont exportés. Et elle doit importer la quasi-totalité des matières de base, dont 80% proviennent de l’UE.
Ce secteur, qui emploie 65’000 personnes, joue également un rôle prépondérant en Suisse, en étant le deuxième employeur industriel du pays.
Le projet de réforme survient alors que le Conseil fédéral (gouvernement suisse) s’apprête à lancer une vaste consultation en Suisse pour adapter la législation helvétique aux dispositions de la réglementation européenne actuelle. Des risques de confusion sont à prévoir.
swissinfo, Barbara Speziali, Bruxelles
L’Union européenne est le deuxième marché pour la Suisse.
La Suisse est le sixième pays exportateur mondial de produits chimiques et pharmaceutiques.
– L’objectif de la réforme de la Commission européenne est d’instaurer, d’ici à onze ans, un nouveau système d’enregistrement, d’évaluation et d’autorisation pour les substances chimiques, dénommé REACH.
– La quasi-totalité des substances chimiques vendues en Europe (plus de 100’000) n’ont en fait jamais été évaluées car elles ont été commercialisées avant la mise en place d’un premier système d’homologation en 1981.
– Le cœur de la réforme réside dans le transfert de la «charge de la preuve» des autorités vers les industriels. Ces derniers devront montrer que leurs produits sont sûrs, alors que c’est actuellement aux autorités de prouver qu’ils sont dangereux.

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