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Soulagement fiscal ou ruine de l’Etat?

Le paquet fiscal comporte notamment une réforme de l’imposition du couple et de la famille. Keystone

Le 16 mai, les citoyens se prononcent sur une série d’allègements fiscaux en faveur des familles, des propriétaires et de la place financière.

Mais ces mesures, mieux connues sous le nom de «paquet fiscal», sont combattues à la fois par la gauche et les cantons.

Au Parlement déjà, le «paquet fiscal» s’est heurté à une forte opposition. Il a finalement été approuvé par 97 voix contre 69 à la Chambre basse et par 30 voix contre 13 à la Chambre haute, et ce après une séance de conciliation.

Soulager les familles

Ce paquet comporte une réforme de l’imposition du couple et de la famille. Il s’agit d’abord de supprimer une injustice faite aux couples mariés.

En effet, pour taxer les couples mariés, on additionne les salaires du mari et de la femme, alors que pour les concubins, les deux salaires sont pris séparément. Compte tenu de l’aspect très progressif du taux d’imposition, les couples mariés sont désavantagés.

La réforme règle le problème en divisant le revenu des couples mariés par 1,9 lors de la taxation. C’est ce qui dans le jargon des spécialistes se nomme le splitting partiel.

Mais il s’agit également de soulager les familles moyennes qui sont assez fortement imposées fiscalement et qui ne profitent pas d’aides financières, par exemple pour payer les primes d’assurances maladie.

La réforme prévoit par conséquent d’augmenter certaines déductions. C’est ainsi que la déduction pour enfant passerait de 5600 francs aujourd’hui à 9000 francs ou encore qu’une déduction pour les frais de garde des enfants serait introduite.

Ces modifications concernent l’impôt fédéral direct, mais en vertu de la Loi sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes, les cantons devront également s’aligner sur les principes adoptés au niveau fédéral.

Un revenu fictif

Le second volet du «paquet fiscal» concerne l’imposition des propriétaires. Il s’agit en fait de supprimer la valeur locative, une notion contestée depuis des années et pratiquement inconnue hors de Suisse.

Il s’agit d’un revenu fictif frappant les personnes qui habitent leur propre habitation. Les propriétaires doivent déclarer comme revenu le prix qu’ils devraient payer pour disposer du même objet immobilier en location. Le «paquet fiscal» propose l’abolition de cette valeur locative.

Pour ne pas trop avantager les propriétaires par rapport aux locataires, l’idée de base du gouvernement était de contrebalancer l’abolition de la valeur locative par la suppression des déductions des frais d’entretien et des intérêts passifs des propriétaires.

Mais la majorité du Parlement n’a pas voulu aller si loin. Il a donc décidé de maintenir des déductions, mais sur une période limitée.

Le but est de promouvoir ainsi l’acquisition de la propriété du logement. L’acquéreur d’un logement qu’il occupe personnellement bénéficierait d’une déduction dégressive des intérêts passifs pendant 10 ans et d’une déduction pour la constitution d’une épargne-logement dans le cadre de la prévoyance liée jusqu’à l’âge de 45 ans.

Droit de timbre

Le dernier volet du «paquet fiscal» vise à préserver la place financière suisse grâce à une modification en matière de droit de timbre de négociation, un impôt sur les transactions juridiques qui frappe le commerce des titres.

Ces dernières années, la globalisation des marchés financiers et l’augmentation de la concurrence entre les Bourses ont suscité un certain nombre de demandes allant de la réduction à la suppression complète du droit de timbre de
négociation.

En décembre 2002, le Parlement a accepté d’exonérer du droit de timbre de négociation le commerce des valeurs vedettes de la bourse suisse – les fameux blue chips – au sein des bourses étrangères, les fonds de placement et certains investisseurs étrangers.

En revanche, les institutions suisses de la prévoyance professionnelle et de la prévoyance liée, les institutions suisses de la prévoyance sociale et les pouvoirs publics suisses sont considérés comme des négociants de titres et devront continuer d’acquitter le droit de négociation.

Ces mesures sont déjà entrées en vigueur grâce à un arrêté d’urgence du gouvernement. Si le «paquet fiscal» est accepté le 16 mai, elles seront donc simplement inscrites dans le droit ordinaire.

Un double référendum

Selon les chiffres du gouvernement, le «paquet fiscal» provoquera une perte de recettes d’environ 2 milliards de francs (1,5 milliard pour la Confédération et de 510 millions pour les cantons). Les opposants au paquet estiment que ces pertes sont sous-estimées et qu’elles représenteraient plutôt 4 milliards.

Les autorités de certains cantons jugent que de telles pertes provoqueront une diminution dramatique de leurs prestations. D’autant plus que la diminution de recettes sera encore accentuée par la compensation de la progression à froid qui vient d’être acceptée par le Parlement (voir encadré).

Onze cantons ont donc lancé un référendum cantonal contre le «paquet fiscal». Côté romand, il s’agit de Vaud, du Valais et du Jura. C’est la première fois de l’histoire suisse qu’un référendum cantonal aboutit.

Ce référendum est soutenu par l’Union des villes suisses, les municipalités craignant, elles aussi, de devoir diminuer leurs prestations, faute d’argent. Le comité référendaire compte donc bon nombre de membres de gouvernement cantonaux et municipaux, tant de droite que de gauche.

Mais le paquet fiscal est également attaqué par un référendum lancé par le Parti écologique suisse et soutenu par l’ensemble de la gauche. Comme les autorités cantonales et municipales, les auteurs de ce référendum craignent les conséquences dramatiques des pertes de recettes.

Mais à cet argument, ils ajoutent également un discours social. A leurs yeux, ce «paquet fiscal» ne serait qu’un «cadeau» accordé aux plus riches: les revenus supérieurs à 150’000 francs, les propriétaires et les banques.

Une droite divisée

La gauche part donc unie au combat. A droite, en revanche, le front est davantage divisé.

Officiellement, les différents partis de droite soutiennent le «paquet fiscal». Ils considèrent en effet qu’une diminution de la fiscalité ne pourra avoir que des effets bénéfiques sur la reprise économique.

Cependant, bon nombre de membres de droite des exécutifs cantonaux et municipaux combattent ouvertement le paquet.

swissinfo, Olivier Pauchard

Le coût du «paquet fiscal» selon le ministère des Finances:
Fiscalité des familles: 1,22 milliards.
Imposition de la propriété: 480 millions.
Droit de timbre: 240 millions.

– L’actuel système de taxation pénalise les couples mariés, ainsi que le montre l’exemple de l’Impôt fédéral direct (IDF).

– Imaginons un couple où Monsieur a un revenu imposable de 60 mille francs et Madame de 40 mille francs. Si ce couple n’est pas marié, chacun payera l’impôt sur son propre revenu, soit 849 francs pour Monsieur et 284 francs pour Madame, soit un total de 1133 francs.

– Si ce même couple est marié, il payera l’impôt fédéral sur le revenu cumulé des deux époux, soit sur 100 milles francs. Dans ce cas, l’impôt se montera à 2425 francs.

– Pour un même revenu de 100’000 francs, un couple marié paye donc 1292 francs d’impôt de plus qu’un couple de concubins.

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