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Grosses polémiques autour de quelques principes

L'accès à une médecine de qualité est l'un des grands thèmes du scrutin. Keystone

La politique de santé est une nouvelle fois au programme de votations. Le 1er juin, le peuple est invité à inscrire quelques principes généraux dans la Constitution. Inoffensifs pour les uns, ces principes sont la porte ouverte à toutes les dérives pour les autres.

Tout est parti d’une initiative populaire de l’Union démocratique du centre (UDC / droite nationaliste) en 2004. Le parti promettait alors une baisse des primes grâce aux recette de son initiative «Pour la baisse des primes d’assurance-maladie dans l’assurance de base».

Pour atteindre son but, l’UDC prévoyait de réduire les soins remboursés par l’assurance de base au strict nécessaire. Elle demandait également que les assurances soient libres de choisir les médecins dont elles remboursent les frais. Enfin, son initiative étendait au domaine hospitalier le rôle de payeur unique déjà assumé par les assurances-maladie dans le domaine des soins ambulatoires.

Contre-projet

Les deux Chambres du Parlement ont refusé l’initiative. A la place, elles ont adopté un article constitutionnel nommé «Qualité et efficacité économique dans l’assurance-maladie» qui fait office de contre-projet.

Cet article constitutionnel ne reprend pas le premier point de l’initiative, à savoir la volonté de couper dans les prestations. En revanche, il entend ancrer dans la Constitution quelques principes généraux qui ne sont pas sans rappeler la deuxième partie de l’initiative.

L’article constitutionnel stipule en effet que la Confédération doit respecter certains principes lorsqu’elle légifère en matière de santé. Il est d’abord précisé que les prestations relevant de l’assurance des soins doivent être «efficaces, appropriés et économiques».

L’article précise aussi que la mise en œuvre de l’assurance maladie doit être conforme aux principes de la concurrence et de la transparence et que la responsabilité individuelle des assurés doit être encouragée.

Enfin, l’article trace les grandes lignes de ce que doit couvrir l’assurance-maladie. Le texte précise que celle-ci propose une assurance des soins. Toujours selon le texte, cette assurance des soins prévoit des prestations en cas de maladie et de maternité et peut prévoir des prestations en cas d’accident et de besoins en soins réguliers.

«Diktat»

La gauche s’est en vain opposée à l’article constitutionnel. Minoritaire sur les bancs du Parlement, elle en appelle désormais au peuple pour rejeter ces principes qui, selon elle, conduiraient au «Diktat» des assurances-maladie dans le domaine de la santé.

«Cet article donne aux assurances-maladie la possibilité de restreindre ou de supprimer le libre choix du médecin et leur donne des pouvoirs beaucoup trop importants en terme de choix des structures hospitalières. Nous estimons inadmissible que ce soit les directeurs de grandes caisses privées qui fassent ces choix et non pas la Confédération», explique le député socialiste Jean-François Steiert.

La gauche craint aussi les conséquences de la phrase disant que l’assurance des soins peut prévoir des prestations en cas de besoins en soins réguliers. «En utilisant le verbe pouvoir plutôt que devoir, on risque de voir les caisses de retirer totalement du financement, notamment en matière de soins à domicile», explique Jean-François Steiert.

Ce dernier, qui est également vice-président de la Fédération suisse des services aux patients, reconnaît que les termes contenus dans l’article constitutionnel sont très généraux. Mais selon lui, ils constituent une «légitimation» pour les partis de droite qui veulent démanteler la santé publique.

Juste un cadre

A droite, c’est justement ce caractère général qui invalide les critiques. Pour Claude Ruey, député libéral et président de la Cosama – la Conférence d’assureurs suisses maladie et accident, l’article inscrit simplement dans la Constitution un certain nombre de règles qui n’y figurent pas.

«Cet article permet de donner un cadre à la politique globale de la santé en disant qu’on doit se fonder sur la qualité, sur le système du libre choix, sur la transparence, sur la concurrence et sur le partage du financement entre l’Etat et les assurés», explique Claude Ruey. Ni plus, ni moins!

Selon lui, les craintes exprimées par la gauche ne sont pas justifiées, car l’article constitutionnel ne contient pas de règles précises. Tous les points dénoncés par la gauche devront de toute façon être débattus au Parlement, voire même soumis au peuple en cas de référendum.

Choix difficile

Finalement, tout le débat politique porte sur l’interprétation future des principes contenus dans l’article constitutionnel. Or les visions sont évidemment diamétralement opposées selon que l’on se situe à droite ou à gauche.

Dans de telles conditions, difficile pour les citoyens de se faire un avis précis sur la question. Vont-ils se contenter de donner un cadre au débat sur la santé ou vont-ils plutôt sanctionner par avance un possible démantèlement du système de santé? Réponse le 1er juin.

swissinfo, Olivier Pauchard

Au Parlement, l’article constitutionnel a facilement passé la rampe grâce au soutien de l’ensemble des partis de droite. Satisfaite de ce contre-projet, l’UDC a d’ailleurs retiré son initiative.

Le thème doit cependant être soumis un vote. Etant donné qu’il modifie la Constitution, un article constitutionnel doit obligatoirement être soumis au peuple.

Le gouvernement et les partis bourgeois demandent au peuple d’accepter cet article. La gauche préconise en revanche le rejet.

Mais la gauche ne part pas seule au combat. Les professionnels de la santé (à l’exception de milieux hospitaliers) se sont également prononcés contre l’article. Les cantons ont également fait connaître leur opposition.

Malgré le verdict sans appel au Parlement, l’article constitutionnel sur la santé semble donc se heurter à une assez forte résistance.

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