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Allocations familiales: générosité catholique et rigueur protestante

Les futurs barèmes valaisans pour les allocations familiales sont de loin les plus généreux du pays. Keystone Archive

En matière d'allocations familiales, le Valais est sans conteste le canton suisse le plus généreux. Au-delà de ce cas particulier, un constat s'impose: il vaut mieux avoir des enfants dans les cantons à tradition démocrate-chrétienne.

260 francs au lieu de 210 pour les deux premiers enfants, un supplément de 84 francs dès le troisième et même de 100 francs lorsqu’il entre aux études ou en apprentissage: les futurs barèmes valaisans pour les allocations familiales sont de loin les plus généreux du pays.

La partie n’est toutefois pas encore totalement gagnée. Après le vote serré de mardi au Grand Conseil, les milieux patronaux brandissent la menace du référendum. Egalement hostiles à l’idée de ces augmentations «à l’arrosoir», les radicaux, les libéraux et une frange des démocrates-chrétiens auraient préféré un système mieux ciblé sur les familles les plus pauvres, sur le modèle de la nouvelle loi tessinoise.

Le peuple pourrait donc bien avoir le dernier mot. Mais même si cette nouvelle loi devait être refusée, le Valais – en vertu de son système actuel – n’en resterait pas moins en tête du classement national, devant Genève, Fribourg, Zoug (200 francs pour le premier enfant) et Uri (190 francs).

Un classement où les cantons de tradition démocrate-chrétienne font en général bien mieux que ceux historiquement dominés par le radicalisme protestant.

Les lanternes rouges en effet sont toutes dans le camp des vainqueurs du Sonderbund. Zurich, les deux Bâle, les Grisons, Argovie et Thurgovie ne versent que 150 francs pour le premier enfant et Vaud, le dernier de la classe, s’en tient à 140.

Certes, les comparaisons ne sont pas aussi simples à établir, dans un pays qui compte près de 50 régimes différents – soit parfois plus d’un par canton. Ainsi, certains prévoient des allocations progressives en fonction du nombre d’enfants, comme Neuchâtel, où le montant passe de 160 à 180, puis à 200 et même à 250 dès la quatrième naissance.

De même, l’allocation de formation, payable dès le début des études ou de l’apprentissage, n’existe ni à Berne, ni à Zurich, ni à Genève, ni en Suisse centrale, mais elle est particulièrement généreuse dans les cantons où les familles sont déjà bien loties, comme Fribourg et Valais.

Et les disparités ne s’arrêtent pas là: la prime de naissance, cette allocation unique versée à la venue au monde de chaque enfant, n’existe que dans 10 cantons, soit les six cantons romands, Soleure, Lucerne, Uri et Schwytz. Là encore, le Valais et Fribourg se retrouvent dans le trio de tête avec 1500 francs, montant identique à celui versé – une fois n’est pas coutume – par le canton de Vaud.

Enfin, «last but not least», les parents sans activité lucrative n’ont droit aux allocations que dans cinq cantons, soit Valais et Fribourg (une fois de plus), Genève, Jura et Schaffhouse. Partout ailleurs, où l’on considère encore les «allocs» comme un complément au salaire, elles sont fonction du taux d’activité.

«Pas de salaire, pas d’enfant, un demi-salaire, un demi-enfant», commente, non sans ironie, Valérie Berset, de la centrale pour les questions familiales à l’Office fédéral des assurances sociales.

Face à cet embrouillamini, des voix s’élèvent régulièrement pour demander une uniformisation au niveau fédéral. En 1991, la conseillère nationale Angeline Frankhauser déposait une initiative parlementaire en ce sens, demandant notamment une allocation de base de 200 francs par enfant.

Neuf ans plus tard, on connaît enfin la position du Conseil fédéral. Il se dit favorable au principe de l’uniformisation, mais pas avant que les finances de la Confédération soient équilibrées. Au vu des bonnes nouvelles annoncées ces jours par le grand argentier Kaspar Villiger, on imagine donc que le projet ne va pas tarder à ressortir des tiroirs.

Reste que les allocations familiales ne constituent qu’un aspect de la politique de soutien à la «cellule de base » de la société. Pour établir un vrai classement des paradis familiaux, il faudrait encore prendre en compte la fiscalité et les structures d’accueil.

«C’est pratiquement mission impossible, avertit d’emblée Valérie Berset. Les systèmes sont trop différents et les données manquent. Pour les garderies et réseaux de mamans de jour par exemple, la dernière étude que nous ayons remonte à 1992. A l’époque, le Tessin – avec son système d’école enfantine dès trois ans – et la Suisse romande étaient plutôt bien lotis, mais les choses ont certainement évolué depuis».

En Valais, on est bien conscient que des allocations correctes ne suffisent pas à rendre les familles heureuses. En fait, cette nouvelle loi – que le Conseil d’Etat a aussi voulu comme contre-projet à une initiative encore plus généreuse des syndicats chrétiens – n’est qu’une des conséquences de l’acceptation par le peuple d’un article constitutionnel sur la famille, en juin 99.

Les aménagements fiscaux ont déjà été consentis, les crèches et garderies suivront.
Parole de chrétien-social.

Marc-André Miserez

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