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Le monde honore Jean-Paul II

Les Gardes Suisses sont chargés de veiller sur la dépouille du pape, dans la Salle Clémentine de son palais. Keystone

L'annonce de la mort du pape a été accueillie au son des cloches, par les larmes et les louanges des humbles et des grands du monde entier.

En Suisse également, les églises et les hommes politiques saluent l’homme, sa vie et son œuvre. Une voix discordante toutefois: celle du théologien Hans Küng.

A l’appel de la Conférence des évêques suisses (CES), les cloches ont sonné dans toutes les églises de Suisse dimanche matin à 08h00 en mémoire du pape Jean Paul II décédé samedi soir à 21h37 dans sa chambre du Vatican.

Samedi soir déjà, l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, Mgr Bernard Genoud, a fait part de sa tristesse et a tenu à remercier les autres communautés religieuses de leur soutien lors de l’agonie du souverain pontife.

Commentant à la Télévision Suisse Romande les images de la foule réunie place Saint-Pierre à Rome, l’évêque a évoqué une atmosphère «extrêmement impressionnante».

«On voit du recueillement, mais pas de scènes d’hystérie. Des gens qui prient, qui se soutiennent dans la tristesse et la souffrance. On sent très bien la ferveur d’un peuple qui accompagne son Saint Père vers le Christ qu’il a tellement bien servi», a notamment dit Mgr Genoud.

«Un être humain exceptionnel»

La CES, de son côté «pleure un être humain exceptionnel, un authentique chrétien et un remarquable pasteur», a indiqué Kurt Koch, son vice-président. Mais le décès du Saint Père représente aussi un soulagement; «Jean Paul II est délivré de ce qui était certainement pour lui un vrai chemin de croix», a-t-il ajouté.

De son côté, la Fédération des Eglises protestantes (FEPS) partage la douleur de ses frères catholiques romains, a dit son président Thomas Wipf, ajoutant que la FEPS s’est montrée «impressionnée par le rayonnement humain de Jean Paul II et de sa force convaincante».

Néanmoins, les églises chrétiennes devront, durant le prochain pontificat, se rapprocher encore davantage. Jusqu’ici les communautés catholiques et réformées ont avant tout développé des relations au niveau des fidèles, plutôt qu’à celui de leurs dirigeants, estime Thomas Wipf.

L’église catholique chrétienne a pour sa part estimé que le monde perd avec Jean Paul II une personnalité charismatique, qui s’est dépensée durant son pontificat en faveur de l’oecuménisme d’une manière particulièrement innovante. Le pape était aussi un exemple pour son engagement politique et social.

«Un pontificat qui restera gravé dans l’histoire»

Quant au Conseil fédéral (gouvernement), il a adressé ses sincères condoléances au Saint-Siège et à l’église catholique.

En son nom, le président de la Confédération Samuel Schmid a notamment déclaré qu’avec Jean-Paul II «se termine un pontificat qui restera gravé dans l’histoire. De part sa personnalité charismatique, il a durant un quart de siècle laissé son empreinte dans l’histoire du monde au-delà des frontières religieuses».

«Nous Suissesses et Suisses nous souviendrons des différentes visites de Jean-Paul II dans notre pays, entre autres de son passage à Berne l’été dernier, au cours duquel il a su captiver notre jeunesse», a poursuivi le président de la Confédération.

Une voix discordante…

…dans ce concert de louanges, c’est celle de Hans Küng. «La piété et l’engagement de Jean Paul II sont incontestés, écrit le théologien suisse dans la SonntagsZeitung. Mais le pape laisse l’Eglise dans une crise de confiance et de l’espérance».

«La politique intérieure du pape polonais a été calamiteuse», poursuit le théologien, connu pour son franc-parler. Récipiendaire de plusieurs prix, Hans Küng a en effet été interdit d’enseignement par le Saint-Siège en 1979 pour avoir mis en doute l’infaillibilité du pape.

Des évêques médiocres voire incapables ont été nommés et la relève en prêtres qualifiés n’est pas assurée, poursuit le théologien. «Nombreux sont ceux qui espèrent que le nouveau pape débloquera les réformes actuellement gelées».

Emotion dans le monde

A l’annonce de la mort du pape, les cloches ont sonné à Rome, mais également en Pologne. A Wadowice, ville natale de Jean Paul II, des milliers de Polonais se sont murés dans le silence lorsqu’ils ont compris, en entendant le tocsin, que l’enfant chéri du pays les avait quittés.

Un millier de personnes se sont agenouillées sans dire un mot devant la basilique Notre-Dame qui jouxte la maison où naquit Karol Wojtyla.

L’Italie est en deuil et pleure le pape, a déclaré le président italien Carlo Azeglio Ciampi sur les télévisions du pays. Elle a décrété trois jours de deuil national. Samedi déjà, la péninsule avait annulé tous les rendez-vous sportifs, y compris le sacro-saint calcio.

Trois jours de deuil aussi au Portugal et au Chili, quatre au Costa Rica. En Pologne, le deuil durera jusqu’aux funérailles. En France, les drapeaux seront mis en berne sur les édifices publics durant 24 heures.

«Infatigable avocat de la paix»

«Profondément attristé», le secrétaire général de l’Onu Kofi Annan a loué la mémoire d’un «infatigable avocat de la paix». La reine Elizabeth II d’Angleterre a exprimé son «profond chagrin», et le Premier ministre Tony Blair a regretté la perte d’un «homme d’une dignité et d’un courage extraordinaires».

Pour le président américain George W. Bush, «l’Eglise catholique a perdu son berger, le monde a perdu un défenseur de la liberté humaine». Il a salué le rôle du pape dans la lutte contre le communisme et l’avènement de la démocratie en Europe de l’Est, notamment en Pologne, son pays d’origine.

Le Premier ministre hongrois Ferenc Gyurcsany a aussi souligné le rôle joué par Jean Paul II dans la chute du communisme. «Le pape a usé de sa stature personnelle pour combattre les dictatures communistes, en vue d’une transition pacifique: pour cela, toute l’Europe centrale et orientale doit rendre hommage à la mémoire du Saint-Père».

Exprimant sa «profonde émotion», le président français Jacques Chirac a évoqué un «Souverain Pontife exceptionnel». Il «n’aura eu de cesse de montrer à tous les hommes et à tous les peuples le chemin de la concorde, de la solidarité et de la liberté».

Le chancelier allemand Gerhard Schroeder a salué la mémoire d’un pape «qui a changé notre monde» et joué un rôle majeur dans le développement d’une Europe pacifique. le président russe Vladimir Poutine a salué «une figure exceptionnelle de notre temps, à laquelle est associée une ère tout entière».

Les juifs et les musulmans aussi

«Israël, le peuple juif et le monde entier ont perdu aujourd’hui un grand champion de la réconciliation et de la fraternité entre les religions», a déclaré le ministre israélien des Affaires étrangères Sylvan Shalom.

Les messages ont afflué également de la part des chefs d’Etat arabes, à l’image de celui du roi du Maroc Mohammed VI, qui s’est dit «affligé» par la mort du pape.

Geste sans précédent, le président du Conseil français du culte musulman Dalil Boubakeur a invité les mosquées de France à un «moment de méditation et d’évocation» en hommage à Jean Paul II, qualifié de «saint homme».

En Suisse aussi, juifs et musulmans ont exprimé leur tristesse. Jean Paul II a beaucoup fait pour le rapprochement entre religions et le dialogue interreligieux, estiment les deux communautés.

«Pour nous juifs, il était un très grand pape. Il a montré beaucoup de respect pour toutes les religions, en particulier pour le judaïsme. Nous sommes pleins de reconnaissance pour tout ce qu’il a fait au cours de son pontificat», a indiqué le président de la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI) Alfred Donath.

Pour Ibrahim Salah, porte-parole de la Fédération des associations musulmanes en Jean Paul II était «une personne très respectable et un homme modéré, qui a recherché le dialogue avec l’islam et entre cultures. Les musulmans de Suisse espèrent, eux aussi, que le prochain pape poursuivra sa politique de rapprochement interreligieux.

swissinfo et les agences

La venue de Jean-Paul II en 1984 était la première visite officielle d’un pape en Suisse depuis… 1418. Le pape est revenu en 2004
Selon le recensement fédéral, 46,3% des Helvètes disaient embrasser la religion catholique en 1990. En 2000, ils n’étaient plus que 41,8%
La sécurité du Vatican est assurée par une centaine de Gardes Suisses, qui forment la plus petite armée du monde

– La première messe dominicale de l’après Jean Paul II a réuni plus de 100’000 personnes sur la Place Saint-Pierre de Rome.

– La dépouille mortelle de Jean Paul II a été présentée dimanche à l’hommage des corps constitués et de la Curie dans la salle Clémentine du palais pontifical. Lundi après-midi, elle sera transportée à la Basilique Saint-Pierre.

– Lundi matin, les cardinaux décideront de la date des funérailles, qui auront lieu dans un délai de quatre à six jours.

– A cette occasion, le gouvernement italien s’attend à voir affluer plus de deux millions de fidèles à Rome.

– La Ville éternelle est habituée à ce genre de rassemblements et toutes les dispositions nécessaires ont été prises.

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