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Peu de fonds d’Al-Quaïda ont été bloqués

Installé à Lausanne depuis le début du mois de septembre, Jean-Charles Brisard, l'avocat des familles des victimes des attentats du 11 septembre 2001, mène son enquête depuis la Suisse.

Il gère la plainte déposée par 4000 proches contre les entités soupçonnées d’avoir financé Al-Qaïda. Interview.

Quelles sont les entités responsables du financement d’Al-Qaïda?

Actuellement, près de 150 entités sont visées par la plainte. Parmi elles, on trouve des banques saoudiennes, comme la National Commercial Bank ou l’Arab Bank, ainsi que de grands financiers saoudiens proches du pouvoir royal.

Mais aussi, des organisations caritatives comme la Ligue Islamique Mondiale ou «l’International Islamic Relief Organization» y figurent également.

Noyautées par des activistes d’Al-Qaïda ou par des membres de la famille Ben Laden, elles ont servi d’écran pour récolter de l’argent. Nous nous attaquons aussi à un Etat, le Soudan, qui a hébergé Al-Qaïda.

Enfin, le gouvernement saoudien est accusé de négligence car il n’est pas intervenu pour stopper les flux d’argent qui passaient à travers le pays.

Le récent rapport du Congrès américain sur les attentats du 11 septembre confirme l’aide quasi officielle qu’il a apporté aux terroristes.

En Suisse, quelles sont les entités visées par la plainte?

Il y a la société Al-Taqwa/Nada Management, dont le siège était à Lugano, ainsi que les membres de sa direction, l’Egyptien Youssef Nada, l’Italo-koweïtien Ahmed Idris Nasreddin et le Suisse converti à l’Islam Ahmed Huber.

Par ailleurs, nous enquêtons aussi sur l’entreprise de services Dar al-Maal al-Islami et sur la Fayçal Isalmic Bank, toutes deux à Genève.

Quant à Yeslam Binladin, le demi-frère d’Oussama Ben Laden résidant à Genève, il est cité pour des opérations menées au Soudan via ses entreprises saoudiennes.

Pour l’heure, la Confédération a gelé 82 comptes bancaires pour un montant de 34 millions de dollars. Combien d’argent a transité par la Suisse à destination d’Al-Qaïda?

Je n’attribue pas de rôle particulier à la Suisse, dans le sens où les capitaux y sont passés comme ils sont passés par d’autres places financières.

Ce qu’on peut dire en revanche, c’est que la Suisse est l’une des principales places au monde et a donc dû drainer plus de capitaux que d’autres.

Cela dit, il est trop tôt pour chiffrer ces flux mais nous estimons que, globalement, Al-Qaïda a reçu entre 300 et 500 millions de dollars depuis sa fondation en 1988.

Quelle est la situation financière d’Al-Qaïda aujourd’hui?

Depuis le début de la lutte contre le terrorisme, les Etats-Unis se sont attaqués aux organisations frontales de l’organisation. On a gelé les fonds d’Al-Qaïda déclarés comme tels, on s’est attaqué à des ONG de Bosnie ou d’Afrique.

En revanche, on a négligé tout ce qui constituait l’assise d’Al-Qaïda en matière de récolte de fonds. Les principaux financiers de l’organisation sont encore en liberté, en Arabie Saoudite.

L’ONU estime que moins de 20% des fonds de l’organisation ont été bloqués.

Et l’organisation elle-même, a-t-elle encore une force de frappe?

Elle a réussi à se regrouper au Liban, au Yémen et au Pakistan. On a cru que le 11 septembre était le paroxysme d’Al-Qaïda mais on lui attribue une cinquantaine d’attentats qui ont fait plus de 1000 morts depuis lors.

La guerre en Irak a cristallisé sa haine de l’Occident. On s’y bat aujourd’hui contre l’occupant, qu’il s’agisse des Etats-Unis ou de l’ONU, peu importe.

On retrouve un schéma qui pourrait devenir celui de la Tchétchénie. Le pays enregistre actuellement un afflux d’islamistes. Des personnes arrêtées après l’attentat de Najaf se sont d’ailleurs revendiquées d’Al-Qaïda.

De plus, les derniers attentats commis en Irak demandaient des moyens logistiques très importants, que les partisans de Saddam Hussein n’ont pas pu se procurer sans aide extérieure.

swissinfo et Julie Zaugg, ats

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