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Kyoto: un grand coup d’épée dans l’eau

1,2 milliard de personnes sont privées d'eau douce. Keystone Archive

La déclaration finale de Kyoto a déçu nombre de participants au Forum mondial de l'eau. Beaucoup de paroles et peu de projets concrets, critiquent les ONG.

Les ministres ont refusé d’inscrire l’accès à l’eau au catalogue des Droits de l’homme.

L’ombre de la guerre en Irak a naturellement plané sur la semaine de ce 3ème Forum mondial de l’eau, qui s’est terminé par deux jours de sommet ministériel.

La déclaration finale a été adoptée dimanche, par les ministres de 96 pays. Elle affirme que tout doit être fait pour préserver et contrôler l’approvisionnement en eau de la planète. Mais elle annonce très peu de projets concrets pour y parvenir.

L’eau, les montagnes et les forêts

Pour Philippe Roch, chef de la délégation suisse, la réunion a au moins permis d’atteindre certains buts.

Le directeur de l’Office fédéral de l’environnement (OFEFP) se dit satisfait que les délégués aient admis l’importance de la préservation des écosystèmes. Une reconnaissance à laquelle la Suisse tenait beaucoup.

«Pour avoir de l’eau, il faut avoir des sources, et les sources viennent des montagnes, des forêts et des zones humides», rappelle Philippe Roch.

«La déclaration de Kyoto reconnaît la complexité du problème de l’eau… même si les agences de développement commencent seulement à comprendre l’importance des écosystèmes», ajoute le chef de la délégation suisse.

Passer à l’action

Cet optimisme prudent tranche avec la déception de Madeleine Bolliger, représentante de Swisscoalition, la communauté de travail des œuvres d’entraide suisses.

«Nous demandions que le droit à l’eau potable soit inscrit au catalogue des Droits de l’homme. Les ministres n’en ont pas voulu, c’est une défaite sévère», note Madeleine Bolliger.

Et d’ajouter: «assez de paperasse! Nous avons maintenant besoin d’action.»

Philippe Roch admet également que le Forum n’a débouché ni sur de nouvelles approches du problème de l’eau ni sur un réel plan d’action.

«La déclaration finale se contente de réaffirmer la nécessité d’agir et la volonté d’aller de l’avant», note le directeur de l’OFEFP.

Rien de neuf

Cette déclaration en 29 points ne contient effectivement aucune proposition nouvelle. Elle encourage plutôt les pays à tenir les promesses faites lors du Sommet de la Terre de Johannesburg, l’été dernier.

Le Forum de Kyoto et ses événements parallèles ont réuni près de 24 000 participants, venus de 182 pays. Des chiffres bien supérieurs aux attentes des organisateurs.

«Lors du sommet ministériel, on a cherché un consensus entre de très nombreux pays, ayant chacun leurs intérêts propres… et ceci est déjà un progrès en soi», relève Dora Rapold, numéro deux de la direction suisse du développement et de la coopération (DDC).

«Toutefois, nous trouvons la déclaration un peu vague. Les engagements n’y sont pas assez forts. La volonté politique est là, mais les réalisations coûteront très cher», ajoute Dora Rapold.

Question de vie ou de mort

Madeleine Bolliger pour sa part estime que la communauté internationale a raté l’occasion de prendre un réel engagement envers les habitants les plus pauvres de la planète.

«L’eau est une question de vie ou de mort, rappelle la déléguée de Swisscoalition. 80% des maladies dans les pays du sud sont dues au manque d’eau ou à la pollution.»

«Les gens qui manquent d’accès à l’eau potable ou aux systèmes sanitaires sont tellement nombreux que c’est un vrai scandale de ne pas en faire assez pour les aider», ajoute Madeleine Bolliger.

Pour Philippe Roch, si l’esprit de la déclaration de Kyoto n’est pas traduit dans les actes, les conséquences en seront claires.

«Il y aura davantage de pauvreté, davantage de conflits, davantage de populations forcées à migrer, sans parler du surcroît de pressions destructrices pour les écosystèmes», avertit le chef de la délégation suisse.

«En bref, conclut Philippe Roch. Si on ne fait rien, l’eau deviendra la source majeure d’insécurité et de conflits dans le monde.»

swissinfo, Ramsey Zarifeh à Kyoto
(traduction: Marc-André Miserez)

-Le Forum de Kyoto s’est achevé par l’adoption d’une déclaration de six pages réaffirmant la nécessité de préserver et de mieux gérer les ressources en eau douce de la planète.

-La délégation suisse accueille le document avec prudence et en appelle à davantage d’engagement de la part de la communauté internationale.

-Les organisations non-gouvernementales critiquent la déclaration, dans laquelle on a refusé d’élever le droit à l’eau potable au rang de Droit de l’homme.

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