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L’ambassadeur déchu devant ses juges

Les charges pesant contre Peter Friederich sont lourdes. SF DRS

Le procès de Peter Friederich s'est ouvert lundi à Bellinzone, au Tessin. L’ancien ambassadeur au Luxembourg doit notamment répondre de blanchiment d’argent.

L’ex-diplomate est également accusé de soutien à un réseau de trafiquants de drogue et d’abus de confiance. S’il est reconnu coupable, il risque jusqu’à dix ans de prison.

C’est l’ancien procureur genevois Bernard Bertossa qui préside les débats du Tribunal pénal fédéral de Bellinzone. C’est la première fois que la nouvelle instance juge une affaire de cette importance.

Les deux principales charges pesant contre Peter Friederich (63 ans) sont le soutien – et éventuellement l’appartenance – à une organisation criminelle et le blanchiment d’argent. Mais l’ex-diplomate est également accusé d’abus de confiance et d’escroquerie.

Son avocat, Me Didier Bottge, a annoncé son intention de plaider l’acquittement pour l’ensemble des chefs d’accusation.

«Peter Friederich a été au plus un petit rouage d’une immense machine, déclare Me Bottge à swissinfo. Il est tout de même étonnant qu’il soit la seule personne à se retrouver au tribunal pour une affaire sur laquelle des enquêtes ont un lieu dans plusieurs pays.»

De grosses pertes à la bourse


Peter Friederich aura passé trente ans au service de la diplomatie suisse, occupant notamment les postes d’ambassadeur au Vietnam, à Cuba et finalement au Luxembourg, où il avait été nommé en décembre 1999.

Selon les éléments réunis par les enquêteurs, l’ambassadeur plaçait de grosses sommes d’argent en bourse pour le compte d’investisseurs à qui il promettait des rendements bien supérieurs à la moyenne, de l’ordre de 10%.

Après un krach boursier en 2000, il se serait retrouvé avec un découvert de plus de quatre millions de francs suisses. Il aurait alors utilisé une partie des fonds de ses clients pour payer des créanciers ou à des fins personnelles.

Des sommes énormes en petites coupures


Mais ces déboires ne constituent qu’un volet de ce qui est reproché à Peter Friederich. C’est une autre affaire qui avait motivé son arrestation à Berne, le 8 juillet 2002. Il était alors resté 38 jours en prison avant d’être suspendu de ses fonctions puis de prendre sa retraite anticipée du corps diplomatique

A l’époque, son compte bancaire au Luxembourg avait reçu des dépôts en cash de près de 2,4 millions de francs. L’argent provenait d’Antonio Florido Sosa, alias «Radio Jaen», un Espagnol qui été arrêté plus tard sous l’accusation de trafic de cocaïne et de blanchiment.

Selon le procureur, Peter Friederich ne pouvait pas ignorer à quel type d’activités se livrait cette relation plus que douteuse. L’argent lui était remis en petites coupures, dans des lieux publics. Les billets étaient enfouis dans des sacs en plastique et portaient tous des traces de cocaïne.

Toujours selon l’acte d’accusation, ces transactions auraient eu lieu non seulement au Luxembourg, mais également en Pologne, à Amsterdam et à Genève. L’ambassadeur aurait même acheminé une fois 328’000 dollars en liquide au Mexique, empochant au passage une commission de 134’000 francs.

Pour justifier l’encaissement de ces sommes, Peter Friederich a d’abord parlé de ventes de tableaux, de boîtes de cigares ou de livres anciens. Ses avocats ont ensuite prétendu que leur client croyait que l’argent provenait d’une fiduciaire espagnole soucieuse de le soustraire au fisc.

Plus tard, le diplomate a admis avoir menti sur l’origine de cet argent. Il a même reconnu avoir établi de fausses factures justificatives en falsifiant la signature du soi-disant acheteur. Mais il a toujours nié se livrer au blanchiment.

Coupable ou naïf?

Pour les avocats de Peter Friederich, leur client ne savait rien du trafic de drogue et des affaires mafieuses de ses relations. Ils invoqueront le fait que le dernier versement sur son compte est arrivé avant la saisie de la cargaison de cocaïne qui a fait tomber «Radio Jaen».

Mais pour l’accusation, il est évident que l’ambassadeur aurait dû à tout le moins se rendre compte qu’il se passait des choses pas vraiment nettes.

«Le jugement dépendra de ce que Peter Friederich savait effectivement, explique Me Bottge. Je vais plaider l’acquittement, mais s’il y a malgré tout condamnation, je demanderais que la peine soit compatible avec l’octroi du sursis».

Le procès devrait durer au moins douze jours. Le verdict tombera plus tard.

swissinfo, Thomas Stephens
(Traduction et adaptation, Marc-André Miserez)

– Le procès de Peter Friederich, qui s’ouvre lundi devant le nouveau Tribunal pénal fédéral de Bellinzone, devrait durer douze jours.

– Les principaux chefs d’accusation sont le soutien à une organisation criminelle et le blanchiment d’argent.

– S’il est reconnu coupable, l’ancien diplomate risque jusqu’à dix ans de prison.

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