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L’offensive de charme du génie génétique

Pour l’heure, les Suisses ne veulent pas d’OGM dans leurs champs. Keystone

Pour la cinquième année consécutive, les chercheurs en génie génétique descendent dans la rue et ouvrent les portes de leurs laboratoires.

Durant un mois, les scientifiques vont s’appliquer à tenter de briser l’équation «OGM = poison».

Aujourd’hui, la cote des organismes génétiquement modifiés est au plus bas en Suisse.

Forts des sondages qui montrent que l’Helvète moyen n’en veut à aucun prix dans son assiette, les organisations de paysans bio et de consommateurs ont lancé au mois de février une nouvelle initiative populaire, dite «pour des aliments produits sans manipulations génétiques.»

Soutenu par l’Union suisse des paysans, par les Verts et par une frange de la gauche, le texte a déjà recueilli près de 70 000 signatures en quelques semaines.

Un blason à redorer



Il y a cinq ans, le peuple et les cantons avaient pourtant refusé une première initiative anti-génie génétique. Et c’est au lendemain de la votation que les milieux scientifiques décidaient d’instaurer les «Journées de la recherche en génétique.»

Pour le président de l’Union des sociétés suisses de biologie expérimentale (USSBE), la manifestation a plus que jamais sa raison d’être.

«Dans l’esprit du public, le génie génétique est encore quelque chose de très suspect, constate Sandro Rusconi. On utilise les termes de «manipulation» ou de «contamination» et l’on considère souvent qu’OGM est synonyme de poison.»

Ni noir ni blanc



«Je comprends que l’on puisse avoir peur, poursuit le biologiste. Mais au lieu de tout voir en noir ou en blanc, on ferait bien de considérer le gris qui est entre les deux.»

Pour Sandro Rusconi, ni l’agriculture traditionnelle ni l’agriculture bio ne sont à même de résoudre tous les problèmes alimentaires. Dans ces domaines, le président de l’USSBE plaide pour une approche résolument multidisciplinaire.

Et de juger «pathétique» la bataille juridique autour de l’essai de blé transgénique en plein air que l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich souhaite effectuer depuis trois ans.

«Le tabac que l’on a fait autour de cette affaire dépasse largement les 8 mètres carrés prévus pour cet essai. C’est devenu une question de principe. Et certains considèrent d’entrée de jeu que tout ce qui est génétiquement modifié est forcément mauvais», tonne Sandro Rusconi.

Une véritable révolution



Mais le génie génétique ne se limite pas à la mise au point de plantes plus résistantes ou à meilleur rendement. Dans le domaine biomédical, l’établissement des cartes du génome de certaines espèces a bouleversé la manière de travailler des scientifiques.

«Avant, on essayait de chasser le gène qui se cache derrière les fonctions, alors qu’aujourd’hui, on a le gène et on chasse la fonction», explique Sandro Rusconi.

Toutefois, il reste très difficile de «vendre» la recherche fondamentale au public, car les perspectives de résultats pratiques sont toujours lointaines.

Excellence en danger



Au passage, le président de l’USSBE déplore la stagnation des crédits alloués à la recherche. Selon lui, l’augmentation de la manne publique décidée récemment au Parlement ne compensera même pas la perte enregistrée ces dix dernières années.

«Nous sommes dans la même situation que Swissair à la veille du grounding, avertit Sandro Rusconi. Si l’on ne fait rien, la place scientifique suisse va se perdre.»

«Une insulte à l’évolution»

Finalement, la crainte ultime que peut susciter la recherche en génétique reste celle du clonage humain. Dans ce domaine, le président de l’USSBE n’exclut pas «qu’un fou tente un jour l’expérience», à laquelle il se dit résolument opposé.

«Ce serait une insulte à l’évolution, juge Sandro Rusconi. La Nature a pour principe de remélanger les cartes du jeu et seul celui qui se considère comme un être parfait pourrait vouloir se cloner.»

A part quoi le biologiste n’a pas cru une seconde aux annonces faites l’hiver dernier par la secte des raéliens, qui prétendait avoir donné naissance à plusieurs bébés clonés.

«Les scientifiques concernés savent très bien ce que ces gens sont capables de faire, et surtout ce qu’ils ne sont pas capables de faire», conclut Sandro Rusconi.

swissinfo, Marc-André Miserez

Les cinquièmes Journées de la recherché en génétique ont débuté samedi par un forum public à Bâle.

Jusqu’au 13 juin, des manifestations sont prévues à Bâle, Bellinzone, Düdingen, Genève, Lausanne et Zurich.

Cette année, c’est Zurich qui accueille le «Village du gène», accessible durant la journée du 13 mai.

Ceux qui le désirent peuvent également s’inscrire pour des journées de stage en laboratoire, afin de partager quelques heures de la vie d’un chercheur.

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