La génétique sans gêne

Hans Halter, théologien, (à gauche) et Ulrich Schibler, professeur de biologie moléculaire. swissinfo.ch

Comme chaque année, les généticiens suisses sortent dans la rue et ouvrent leurs laboratoires. Histoire de montrer le chemin parcouru et celui qui reste à accomplir.

Le pari a été pris au lendemain du refus de l’initiative pour la protection génétique. Chaque année, les chercheurs qui travaillent dans un domaine ou l’autre du génie génétique provoquent le dialogue avec la population. Soit en tenant table ouverte au marché, soit en ouvrant les portes de leurs laboratoires.

Pour cette quatrième édition, des manifestations sont prévues à Berne, Bâle, Genève, Lausanne et Zurich, selon le programme accessible via le site officiel des «Journées de la recherche en génétique 2002».

Pas de miracles pour l’instant

La conférence de presse d’ouverture, vendredi à Berne, a été l’occasion de soulever certaines questions éthiques. Selon Hans Halter, théologien à l’Université de Lucerne, les critiques très sévères que le génie génétique a dû affronter à ses débuts sont en passe de se calmer. Mais de nouveaux problèmes ne vont pas manquer de surgir.

En effet, l’écart entre les connaissances acquises et les possibilités de traitement des maladies qui en découlent ne va cesser d’augmenter.

Du coup, médecins et chercheurs vont se trouver de plus en plus sous la pression d’une opinion publique qui attend des remèdes miracles alors que la science est encore largement incapable de les lui fournir.

La tentation de l’apprenti sorcier

Hans Halter met également en garde contre la tentation de l’apprenti sorcier. Si la découverte du clonage par transfert nucléaire ouvre la voie au clonage thérapeutique, elle rend également possible le clonage reproductif. Et pour le théologien lucernois, il ne fait aucun doute que «ce qui, techniquement, peut être fait, le sera un jour ou l’autre».

Charles Joye, juriste spécialisé dans le génie génétique, n’est pas aussi alarmiste. Selon lui, le législateur aura toujours à l’esprit le principe éthique énoncé par Emmanuel Kant, qui veut que l’être humain soit considéré comme une fin et non comme un moyen. Dans ces conditions, pas question, même à long terme, d’autoriser le clonage humain.

Nos frères les grands singes

L’année écoulée a été marquée par la publication d’une première esquisse de la carte du génome de plusieurs espèces, dont l’espèce humaine. Si le travail est encore loin d’être achevé, on peut d’ores et déjà en tirer quelques conclusions surprenantes.

Ainsi, Ulrich Schibler, biologiste à l’Université de Genève, a expliqué à quel point l’homme est proche des grands singes. Leur matériel génétique est en effet commun à plus de 98%. Ce sont donc quelques petites différences dans l’activité des gènes qui différencient l’humain de l’animal.

De même, à l’intérieur de la race humaine, les différences entre un Africain, un Asiatique ou un Européen sont, elles aussi, extrêmement minces. Au point que si l’on prenait deux fragments d’ADN au hasard chez un représentant de l’une ou l’autre éthnie, il serait pratiquement impossible de les différencier.

De quoi apporter un sérieux démenti à toutes les pseudo-théories qui fondent le racisme sur des bases «scientifiques».

Premiers résultats

Restent les avancées thérapeutiques, dont le docteur Cathrin Brisken, de l’Institut suisse de recherche expérimentale sur le cancer, est venue présenter quelques exemples dans le domaine du cancer du sein.

On sait aujourd’hui que 10% environ des cas sont dus à certains gènes défectueux et on peut, grâce à cela, proposer des mesures de prévention ciblées aux femmes qui seraient génétiquement prédisposées à développer ce type de maladie.

swissinfo/Marc-André Miserez