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La ferveur pacifiste est bien retombée

Les manifestants protestaient contre l'occupation de l'Irak et celle de la Palestine. swissinfo.ch

Comme prévu, la manifestation de samedi à Berne contre l'occupation de l'Irak n'a pas attiré la même foule qu'il y a un an. De 40'000, les rangs des pacifistes ont fondu à 3000.

Baisse de fréquentation ailleurs dans le monde également, mais avec tout de même des foules immenses à Madrid, et surtout à Rome.

Le cortège a parcouru, sans heurts, la vieille ville de Berne. Les manifestants étaient plus de 3000, selon la police; entre 5000 et 6000, selon les organisateurs. On a pu voir des drapeaux arc-en-ciel et lire sur les banderoles des slogans comme «Stop Imperialism – No War» et «Bush, Blair Aznar – L’axe du mensonge».

«Un an après le début des hostilités, l’Irak est un pays ravagé», déclare l’un des organisateurs, Paolo Gilardi, du Groupe Suisse sans armeé (GSsA). Les armes de destruction massive n’ont pas été trouvées et des élections libres n’ont toujours pas été organisées».

Les manifestations qui se sont tenues à travers le monde avant le début des hostilités n’ont pas empêché l’intervention américaine. Mais les récentes élections en Espagne ont montré que le peuple sait parfois s’opposer à «l’arrogance du pouvoir» relève encore Paolo Gilardi.

En soirée par contre la «promenade antifaschiste» a dégénéré en affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. Trente personnes ont été arrêtées temporairement et les dégâts sont estimés à plus de 100’000 francs suisses.

Ailleurs dans le monde, le mouvement pacifiste est certes moins vigoureux que l’an dernier, surtout en Allemagne et en France, mais des manifestations ont également eu lieu au Proche-Orient et aux Etats-Unis.

C’est à Madrid que l’émotion a été la plus forte, quelques jours après les attentats, et la palme de la mobilisation semble revenir à Rome. C’est un foule estimées à deux millions de personnes qui s’est réunie dans la capitale italienne.

Pas de surprise en Suisse

Il y a un an, trois jours après le déclenchement de l’offensive anglo-américaine en Irak, plus de 30’000 personnes manifestaient à Berne.

Un mois auparavant, la mobilisation était encore plus large: 40’000 pacifistes défilaient dans la capitale helvétique, après avoir arpenté le pavé de plusieurs villes suisses les semaines précédentes.

La foule relativement modeste qui a répondu samedi à l’appel de la Coalition suisse contre la guerre n’étonne toutefois pas outre mesure les organisateurs. Ils s’y attendaient.

«Avant la guerre et juste après son déclenchement, les gens avaient une bonne raison de descendre dans la rue. Il s’agissait de manifester son rejet de la guerre», juge le député écologiste zougois Josef Lang.

De fait, cet attachement à la paix avait rassemblé une marée de collégiens et d’étudiants, tout comme un large éventail d’organisations de gauche, des syndicats et des associations chrétiennes.

«Aujourd’hui, poursuit le député de l’Alternative socialiste verte, la situation au Moyen-Orient requiert une réponse plus complexe. Il ne suffit pas d’exiger le retrait des troupes d’occupation en Irak.»

Un mouvement divisé

Et Joseph Lang d’affirmer: «Le mouvement n’a rien perdu de son ampleur. Mais l’heure est au débat. Ce qui fait ressortir les divergences entre les différentes composantes de cette coalition.»

Cette année, la gauche institutionnelle a préferé se démarquer de la Coalition contre la guerre. C’est le cas, par exemple du Parti socialiste et des Jeunesses socialistes de Suisse (JS).

«Nous ne soutenons pas la manifestation, confirme Cyril Mizrahi, porte-parole des JS. Ses organisateurs ne condamnent pas clairement les attentats suicide ni les organisations qui les commettent.»

Josef Lang rétorque: «Les Jeunesses socialistes n’ont jamais soulevé cette question lors des réunions préparatoires. Pourquoi ne se sont-elles pas distancées de l’appel l’année dernière, alors qu’on attendait beaucoup de monde?»

Ailleurs en Europe cette condamantion semble pourtant évidente, surtout après les attentats de Madrid. Ainsi à Paris, les manifestants ont brandi des banderoles «contre la guerre, les attentats terroristes et les violences contre les peuples».

«Bien sûr que nous condamnons le terrorisme, mais les plus grands terroristes sont les Etats-Unis», tonne, de son coté, Paolo Gilardi, également porte-parole de la Coalition suisse contre la guerre.

Des positions figées

Tobias Schnebli, du GSsA, relève pour sa part que le débat au sein des antiguerre reste bloqué sur ce constat. «Si l’on pousse la réflexion plus avant, les divisions apparaissent au sein du mouvement», dit-il.

Une analyse partagée par Ahmed Benani. «En Suisse, un certain nombre de militants invoquent le désespoir des populations palestiniennes ou irakiennes pour expliquer le recours aux actions terroristes», ajoute le politologue lausannois.

Et de poursuivre: «Ils confondent ainsi les sentiments de la population et les stratégies poursuivies par les radicaux islamistes».

«Au Moyen Orient, le débat est beaucoup plus poussé. Par exemple, nombre de Palestiniens considèrent que l’option militaire est un échec. Une critique également lancée par un nombre croissant de soldats israéliens à l’encontre de leur gouvernement».

Raison pour laquelle le sociologue lausannois préconise avant tout la voie du dialogue: «Les organisations suisses – qu’elles soient proches de l’un ou de l’autre des belligérants – devraient favoriser la construction d’une alternative à la guerre. Mais, au lieu de cela, la plupart d’entre elles se raidissent sur leur position.»

swissinfo, Philippe Kropf, Frédéric Burnand et les agences

– Le 20 mars 2003, la coalition anglo-américaine lance l’offensive terrestre contre le régime de Saddam Hussein, après une nuit de bombardements.

– Avant son déclenchement, cette guerre a suscité d’immenses manifestations pacifistes dans de nombreux pays, dont la Suisse.

– Un an après le début des hostilités, les antiguerre sont à nouveau descendus samedi dans la rue dans une cinquantaine de pays.

– La mobilisation est toutefois nettement moins forte à peu près partout. A Berne, la foule a fondu de 40’000 à 3000 personnes selon la police, 5 à 6000 selon les organisateurs.

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