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La moisson de vents solaires de l’EPFZ est intacte

Plantée dans le sable du désert de l’Utah, la sonde a malgré tout bien résisté au choc. USAF

Les chimistes de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) sont soulagés. Leurs échantillons de vents solaires récoltés par Genesis n’ont pas été détruits dans le crash de la sonde américaine.

Ils vont donc pouvoir procéder aux analyses de ces précieuses poussières microscopiques.

Mercredi 10 septembre, 10 heures du matin: après un périple de trois ans et 32 millions de kilomètres dans l’espace, la capsule Genesis, sorte de petite soucoupe volante métallique d’une demi-tonne, s’écrase au sol en plein désert de l’Utah (ouest des Etats-Unis).

Le parachute de freinage ne s’est pas ouvert. Les pilotes d’hélicoptère qui s’entraînent depuis des mois pour une récupération acrobatique en plein vol ne peuvent qu’assister au crash.

Heurtant le sol par la tranche à plus de 300 km/h, la capsule s’y enfonce jusqu’à la moitié de son diamètre. A l’intérieur, une partie des capteurs chargés des précieuses particules volent en éclats sous la violence du choc.

Le salut par la diversité

Au nombre de 200, ces capteurs sont de petites plaques de forme hexagonale, n’excédant pas 8 à 10 centimètres de diamètre. Suivant le type de vent solaire à récolter et la méthode d’analyse prévue, ils sont faits de pierre précieuse ou de composés complexes de verre et de divers métaux.

Tout le succès de la mission dépend maintenant de l’analyse des quelques dizaines de microgrammes d’atomes venus du soleil qu’ils ont pu capter.

Dans un premier temps, une seule de ces «cibles» est attribuée à l’Institut pour la géologie des isotopes et les matières premières minérales de l’EPFZ. Mais Rainer Wieler compte bien en obtenir à terme une ou deux de plus.

«Nous venons de recevoir des photos de notre cible et elle semble intacte. Nous sommes donc très optimistes», se réjouit le cosmo-chimiste.

«Par contre, poursuit le professeur, les capteurs qui étaient faits de germanium sont réduits à une poussière dont les fragments n’excédent pas un millimètre. On a donc bien fait de ne pas tout miser sur ce métal».

Méthode unique au monde

Rainer Wieler et son équipe sont impatients de pouvoir aller chercher leur cible aux Etats-Unis, ce qui devrait se faire dans les prochaines semaines. Ils pourront ensuite lui appliquer leur propre méthode, dont ils sont au monde les uniques dépositaires.

Les Zurichois se concentreront sur la recherche des gaz nobles, comme l’hélium, le néon, l’argon, le krypton ou le xénon, particulièrement abondants dans la matière éjectée par le soleil.

«Généralement, on fait fondre la cible d’un seul coup, à très haute température et on analyse ce qui s’évapore, explique Rainer Wieler. Mais les formes différentes d’un même gaz ne sortent pas toutes à la même vitesse. Ce que vous collectez n’est donc pas exactement ce qui était dedans».

C’est pour pallier cette imprécision que les gens de l’EPFZ ont mis au point leur technique d’«épluchage» à l’acide.

Elle a déjà servi il y a vingt ans pour l’analyse des atomes de vent solaire récoltés sur la Lune par les astronautes du programme Apollo. Depuis, elle a aussi permis de déterminer la composition de fragments de météorites.

Travail d’orfèvre

«On fait fondre la cible couche par couche au moyen d’un acide très puissant, détaille Rainer Wieler. Il s’agit de couches très minces, pas plus de quelques millionièmes de millimètre. Et ceci nous permet de récolter tous les gaz nobles emprisonnés dans la matière».

Simple dans son principe, cette méthode a nécessité de vraies prouesses techniques pour sa mise au point.

Cette collecte doit se faire dans le vide d’air le plus absolu possible. Les quantités de gaz récoltées dans chaque couche sont en effet tellement minimes que la moindre particule en suspension dans le container viendrait fausser les résultats.

Ensuite, l’acide utilisé ne doit pas faire fondre le container lui-même. Et la seule matière capable d’y résister est un mélange d’or pur et de platine.

«Nos techniciens ont pratiquement dû apprendre le métier d’orfèvre, se souvient Rainer Wieler. Sans oublier qu’il faut ensuite se débarrasser de l’acide, ce qui n’est pas simple non plus».

L’origine des mondes

«Mais apparemment, notre technique est bonne, conclut le professeur. Puisque les directeurs scientifiques de la mission Genesis nous ont confié ces analyses».

Des analyses dont les premiers résultats devraient être présentés en mars 2005 à la «Lunar and Planetary Conference» de Houston, au Texas.

«Ce ne seront bien sûr pas encore des résultats définitifs, précise Rainer Wieler. Mais c’est aussi une question de relations publiques».

Après le crash en effet, le public a envie qu’on lui confirme rapidement que cette mission a servi à quelque chose, sans attendre des années.

Car le but était extraordinairement ambitieux. La «genèse» ne vise rien moins qu’à apporter un éclairage nouveau sur l’origine des mondes.

swissinfo, Marc-André Miserez

– Les vents solaires sont des flux d’atomes que notre étoile projette dans le vide. Les astrophysiciens pensent que cette matière ressemble beaucoup à celle du nuage à partir duquel s’est formé notre système solaire il y a 4,5 milliards d’années.

– Les vents solaires ne parviennent pas jusqu’à la Terre, déviés qu’ils sont par son champ magnétique. Pour les collecter, il faut donc s’éloigner suffisamment dans l’espace.

– En trois ans et 32 millions de kilomètres, la mission américaine «Genesis, à la recherche des origines» a récolté quelques dizaines de microgrammes de minuscules «grains» de vent solaire.

– Malgré le crash de la sonde, qui a brisé une partie des capteurs, cette moisson va tout de même pouvoir être analysée. Un ou plusieurs de ces capteurs seront confiés à un laboratoire de l’EPFZ, détenteur d’une méthode de détection unique au monde.

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