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La recherche sur les embryons aura enfin sa loi

Les cellules souches: un dilemme entre l'éthique et la recherche scientifique. Keystone

Le gouvernement a présenté mercredi son projet de loi pour réglementer la recherche sur les cellules souches issues d'embryons humains.

Plutôt libéral, le texte n’en prévoit pas moins de nombreux garde-fous afin d’éviter les abus et les dérapages.

Par «cellules souches», on entend des cellules qui ne sont pas encore spécialisées pour remplir telle ou telle fonction dans l’organisme.

Ce matériau de base intéresse au plus haut point les chercheurs en raison des formidables perspectives qu’il ouvre à la médecine régénératrice. Grâce aux cellules souches, il n’est plus interdit d’imaginer de véritables «fabriques» de tissus ou d’organes de rechange.

Et les personnes souffrant de cancer, de diabète, de Parkinson, d’Alzheimer et de nombre d’autres maladies peuvent légitimement s’attendre à bénéficier un jour de thérapies révolutionnaires.

Un vide juridique

Le problème est que la meilleure source de cellules souches reste pour l’heure l’embryon humain. Et que le prélèvement de ces cellules signifie obligatoirement la mort de l’embryon.

La loi actuelle interdit déjà la production d’embryons à la seule fin de recherche, mais ne dit rien de l’utilisation des embryons surnuméraires issus de la fécondation in vitro.

Ce sont ces embryons – destinés normalement à être détruits – que les chercheurs utilisent aujourd’hui. Ils profitent donc d’un vide juridique, que le projet du Gouvernement veut précisément combler.

Aucune chance de survie

«Ces embryons existent comme possibilité non réalisée de procréation assistée et n’ont aucune chance de survie, a dit mercredi la ministre de l’intérieur Ruth Dreifuss. Ils ne sont pas considérés comme des personnes, mais ce ne sont pas des choses non plus.»

D’où la nécessité pour le Gouvernement de créer un cadre légal évitant toute utilisation abusive.

Nombreuses restrictions

Le projet de loi interdit par conséquent l’usage des embryons surnuméraires et des cellules souches embryonnaires à des fins commerciales. Pas question ici d’achat, ni de vente.

De plus, les embryons devront avoir été utilisés dans les 14 jours après la fécondation, et jamais au-delà.

Le couple concerné devra avoir donné son consentement et avoir reçu une information suffisante sur l’usage qui sera fait des embryons cédés.

Enfin, les importations d’embryons surnuméraires seront interdites. Les chercheurs pourront toutefois importer des cellules souches, mais seulement si elles ont été produites dans des conditions respectant la loi suisse.

Recherche sous étroite surveillance

Et ce n’est pas tout: toute recherche sur des embryons ou des cellules souches devra avoir reçu le feu vert préalable de l’Office fédéral de la santé publique et de la commission d’éthique compétente.

Pour délivrer ces autorisations, les autorités prendront en compte le principe de subsidiarité. En clair: ces recherches ne pourront être réalisées que si des connaissances d’égale valeur ne peuvent pas être obtenues par d’autres méthodes.

Et bien entendu, les chercheurs devront démontrer que leurs objectifs sont de haut niveau, scientifiquement pertinents et qu’ils répondent à des critères éthiques.

Et dans tous les cas, leurs résultats seront publiés, même si le projet venait à être interrompu.

Réactions positives

«Cette loi est certainement la plus libérale que nous puissions avoir dans le cadre de l’actuelle Constitution», se réjouit Gérard Escher, conseiller du secrétaire d’Etat à la science et à la recherche.

Satisfait également, Thomas Cueni, secrétaire général d’Interpharma, estime que la Suisse a choisi «la voie médiane entre les pays très libéraux, comme la Grande-Bretagne ou la Suède et ceux qui se montrent franchement restrictifs, comme l’Allemagne.»

Pour le représentant de l’industrie pharmaceutique, «ce compromis helvétique est raisonnable et profitera à la recherche sur des maladies encore incurables.»

Le camp des opposants

Lors de la procédure de consultation, le projet de loi avait convaincu les deux tiers des milieux interrogés.

Certains partis politiques, comme les Socialistes, les Démocrates-chrétiens (centre-droit), les Démocrates du centre (droite nationaliste) et les Verts avaient manifesté leur opposition, aux côtés des églises, des organisations féminines et d’une partie du corps médical.

La balle est maintenant dans le camp du Parlement, chargé d’examiner ce projet de loi.

swissinfo/Marc-André Miserez

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