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La Suisse veut baliser la recherche sur l’humain

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Peut-on utiliser des embryons humains pour mettre au point des remèdes à des maladies incurables? Le débat qui s'ouvre s'annonce chaud.

224 pages, l’épaisseur du rapport intermédiaire du Centre d’évaluation des choix technologiques (TA) illustre la complexité de la question. Sa publication, lundi à Berne, a été considérablement accélérée, selon Sergio Bellucci, directeur du TA.

A la mi-mai, en effet, le gouvernement doit mettre en consultation son avant-projet de loi fédérale à propos de la recherche sur les embryons humains. Une question vertigineuse autant sur le plan éthique que médical.

Des cellules multipliables à l’infini

Au centre du débat, l’utilisation des cellules souches embryonnaires, obtenue en 1998 par des chercheurs américains. «Embryonnaires» parce qu’obtenues par un embryon à un stade très précoce, ce qui permet de les différencier facilement.

«Souches» parce qu’à l’origine des lignées cellulaires d’un individu. En d’autres termes, ces cellules peuvent se multiplier à l’infini et remplacer n’importe quel type de cellules humaines.

Les recherches en sont toujours à un stade expérimental. Mais il y a fort à parier qu’elles feront avancer à pas de géant la médecine régénératrice.

Elles ouvrent de vastes perspectives dans le domaine des greffes d’organes, du traitement du cancer, des maladies d’Alzheimer et de Parkinson, ainsi que de la sclérose en plaques.

Au plan juridique, la Suisse est en retard

Le problème, c’est que l’embryon meurt quand on extrait ce type de cellules. Sur le plan moral, cela pose des questions auxquelles il n’est pas facile de répondre.

C’est pourquoi certains, comme le TA, souhaitent élargir le débat sur les cellules souches d’embryons humains aux cellules souches adultes, moins sujettes à la controverse.

Les recherches sur l’embryon sont autorisées dans des pays tels que les Etats-Unis, Israël ou la Grande-Bretagne. Mais de nombreux autres Etats sont farouchement opposés à exagérer cette «instrumentalisation de la vie».

Sur le plan juridique, la Suisse est en retard par rapport à la recherche. Comme le sont beaucoup d’autres pays.

La Constitution interdit le clonage et la création d’embryons humains à des fins de recherche. Mais elle ne dit rien sur l’utilisation d’embryons créés pour la procréation médicalement assistée, pas plus qu’elle n’interdit l’importation de cellules issues d’embryons.

L’importation de cellules n’est pas interdite

La controverse a éclaté en septembre 2001, lorsque le Fonds national de la recherche scientifique (FNS) a décidé de financer un projet de recherche sur des cellules souches provenant d’embryons humains. Ce qui n’est pas interdit par la loi suisse.

Le 14 mars, après deux ans de procédure, le laboratoire de biologie du vieillissement des Hôpitaux universitaires genevois (HUG) a donc reçu une lignée de cellules souches d’un institut américain qui avait divisé une série d’embryons humains en 1998.

Mais la question a échauffé les esprits au point que le FNS et la conseillère fédérale responsable du dossier Ruth Dreifuss ont décidé d’accélérer l’élaboration d’une nouvelle loi.

Le Département fédéral de l’Intérieur travaille actuellement sur l’hypothèse d’une autorisation de la recherche sur l’embryon.

Privilégier les cellules souches adultes

Face à la gravité de ce problème, dans de nombreux milieux, comme les Eglises ou précisément le Centre d’évaluation des choix technologiques, on cherche à privilégier la recherche sur les cellules souches adultes.

Plusieurs études ont en effet suggéré que certaines cellules prélevées sur des individus adultes pouvaient être reprogrammées pour acquérir les mêmes propriétés que les cellules souches embryonnaires.

Mais on ignore encore beaucoup de choses sur la façon dont ces cellules se multiplient et se différencient et donc sur la manière d’orienter leur différentiation vers le type de tissu désiré.

Le TA souhaite prendre la température auprès des citoyens. Sous le nom de «publifocus», il organise ce mois-ci encore six tables rondes. Quant à la Fondation Science et Cité, elle prévoit l’organisation de nombreuses manifestations pour prendre le pouls de la population.

En d’autres termes, le débat est grand ouvert. Et il promet d’être nourri.

Un enjeu gigantesque

A relever enfin que ces questions recouvrent un énorme enjeu économique, on s’en doute. Soit un marché estimé à plus de 21 milliards de francs en 2005, et qui pourrait même friser les 100 milliards en 2010, selon les auteurs du rapport. De son côté, le groupe chimique suisse Novartis devrait prendre position cette semaine encore.

swissinfo/Isabelle Eichenberger

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