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Le boycott anti-israélien refait surface

Le pacifiste israélien Shraga Elam (à g.) et le Palestinien Mohammed Fayssal. Keystone

Des organisations pro-palestiniennes veulent mettre l’Etat hébreu sous pression. Elles relancent l’idée d’un boycott de produits israéliens.

Cet appel ne fait pas l’unanimité dans la mouvance pro-palestinienne. Et l’ambassade d’Israël à Berne le condamne.

Une trentaine d’organisations palestiniennes et de gauche ont appelé mardi à Berne au boycott des produits israéliens en Suisse.

Les citoyens sont invités à ne pas prendre de vacances en Israël et à renoncer à toute collaboration scientifique, culturelle ou sportive avec ce pays.

La campagne vise également à faire pression sur le gouvernement fédéral pour qu’il ne livre plus d’armes à Israël.

En outre, des entreprises comme Nestlé ou Sunrise, qui ont des participations en Israël, doivent aussi être boycottées, selon le journaliste et activiste israélien Shraga Elam.

Ce dernier a précisé par exemple qu’il faut «empêcher que l’argent versé par les banques suisses aux victimes de l’Holocauste n’aille financer d’autres agressions israéliennes». Et qu’il faut soutenir les Palestiniens «victimes indirectes du nazisme».

Un moyen de pression non-violent



Partie intégrante d’une campagne internationale, cette action vise le retrait de l’armée israélienne des Territoires occupés et le démantèlement des colonies.

Il s’agit d’«un Etat pratiquant l’apartheid, comme cela a été fait dans le cas de l’Afrique du Sud», selon l’appel au boycott signé par des organisations de la Société civile palestinienne.

Ce moyen de pression non violent doit pousser les acteurs économiques à faire pression sur les acteurs politiques, a expliqué Mohammed Fayssal, de l’Association des Palestiniens en Suisse.

«C’est l’occasion pour les citoyens consommateurs de défendre le respect des droits humains bafoués quotidiennement», a-t-il ajouté.

Avant de préciser que le boycott n’est pas dirigé contre les Juifs ou le peuple israélien, mais contre le gouvernement.

Simplement, les produits israéliens, dont le code barre commence par le chiffre 729, ne doivent plus être achetés. Afin d’être sûr que des produits des colonies sises dans les territoires occupés ne finissent pas dans les grandes surfaces suisses.

L’idée date des années septante

L’idée d’un boycotte n’est toutefois pas nouvelle. Dans les années septante déjà, des actions similaires avaient été lancées.

Elles visaient à empêcher l’importation de produits israéliens, à commencer par les agrumes.

Mais sans aucun résultat concret. Pour preuve, ces produits sont encore vendus actuellement dans tous les commerces de Suisse.

Israël condamne

Contactée par swissinfo, l’ambassade d’Israël à Berne condamne cet appel «qui tombe alors que les espoirs de paix ont repris corps actuellement».

Daniel Hlevy-Goetschel, porte-parole de la mission, précise que son pays «est opposé aux appels au boycott en général et en particulier à l’encontre de ses propres exportations».

Il rejette également «toute accusation de violation du droit international et des droits humains en raison de la situation exceptionnelle (de guerre) dans laquelle se trouve Israël».

Des Palestiniens contre le mot «boycott»

Certaines organisations pro-palestiniennes ont décidé de ne pas joindre leur voix à l’appel de mardi. Elles s’élèvent notamment contre le mot «boycott».

Un membre arabe du «Manifeste – Mouvement pour une paix juste et durable au Proche-Orient» (qui regroupe des juifs et des arabes) le trouve trop provocant: «Je suis convaincu que la force du terme va être prétexte à une contre-offensive et qu’on va nous accuser de vouloir ressortir l’étoile jaune des nazis.»

Pour laisser des portes ouvertes, ce militant préférerait par exemple que les échanges soient «conditionnés à l’application de règles». Par exemple de geler les importations jusqu’à un retrait des territoires palestiniens.

«Contrôler ce que l’on achète»

Pour Bruno Vitale, du collectif «Urgence Palestine-Genève», le gel de l’accord de libre échange conclu entre l’Etat hébreu et l’Association économique de libre-échange (AELE) aurait un effet plus important encore sur la politique israélienne.

Mais, réalisme oblige, cette mesure étant du ressort du Conseil fédéral, l’organisation propose d’entamer la campagne de sensibilisation en commençant par appeler les individus «à contrôler ce qu’ils achètent».

«Nous ne désespérons pas de rendre les autorités politiques attentives au fait que certains produits commercialisés sous l’étiquette ‘made in Israel’ proviennent des colonies israéliennes dans les Territoires occupés.»

Migros catégorique

A Zurich, Monika Weibel, la porte-parole de Migros est catégorique: «La Migros n’écouterait un appel au boycott que s’il émanait du gouvernement suisse».

Et de rappeler que, du temps de l’apartheid, le géant orange ne s’était pas associé au boycott de l’Afrique du Sud, estimant que «la population en serait la première victime et n’avait pas à payer le prix de la politique du gouvernement sud-africain».

Migros, qui importe une trentaine de produits israéliens, n’a donc pas l’intention de changer de fournisseurs et laisse la «clientèle libre de faire ses choix».

Faire appel au gouvernement fédéral

Pour 2002, les importations de produits israéliens en Suisse ont progressé de 3,2% par rapport à la même période de l’année précédente. Elles se sont élevées à 462,5 millions de francs, selon les chiffres du seco, le Secrétariat d’Etat à l’économie.

Les exportations ont quant à elles chuté de presque 50%, à 644,1 millions de francs.

Selon Middle East World Report, l’Union européenne a importé pour quelque 10 milliards de dollars de produits alimentaires israéliens en 2001. Dont 20% en provenance des colonies.

Faute de pouvoir distinguer entre la production des colonies et celles des fermes israéliennes, le boycott s’étend à toutes les importations agricoles en Suisse.

La balle est dans le camp des citoyens. Si les consommateurs se mobilisent, les auteurs de l’appel publié mardi ont bien l’intention de faire appel au gouvernement.

swissinfo, Isabelle Eichenberger

En 2002, les importations de produits israéliens en Suisse ont progressé de 3,2 % à 462,5 millions de francs.
Les exportations ont quant à elles chuté de presque 50 %, à 644,1 millions de francs.

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