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Le suicide des jeunes, une calamité en croissance

1000 personnes appellent chaque année le 143, La Main Tendue, pour parler du suicide. Keystone

En Suisse, le suicide est la principale cause de mortalité chez les adolescents. Bien plus que les accidents de la route.

La prévention et le suicide des jeunes sont au centre de la Journée mondiale de la santé mentale, vendredi.

Parmi les jeunes adultes, le mal de vivre est la principale cause de décès. Les suicides causent plus de mort que les accidents de la route, qui constituent pourtant la pire crainte des parents.

«En Suisse, les morts par suicide sont pratiquement trois fois plus nombreux que les morts par accident de la route », confirme le docteur Patrick Haemmerle, médecin chef des Services de psychiatrie de l’enfance et des jeunes adultes du canton de Fribourg.

«C’est d’autant plus absurde qu’il s’agit, en théorie, d’une cause de décès évitable», affirme le médecin.

Une vraie hécatombe

Au niveau mondial, un être humain s’ôte la vie toutes les 40 secondes. Cela représente un total de 800’000 suicides par an. Les deux tiers des victimes sont de sexe masculin.

Ces 50 dernières années, le taux de suicide parmi les jeunes a augmenté de 200 à 300%. Parmi les femmes âgées de 15 à 44 ans, le suicide représente la deuxième cause de mortalité, derrière la tuberculose.

Pour les hommes du même âge, il s’agit de la quatrième cause, derrière les accidents de la route, la tuberculose et les actes violents.

En Suisse, les données statistiques montrent qu’il y a eu au total 1387 suicides en l’an 2000.

«Tous les trois jours, il y a un suicide parmi les adolescents et les jeunes adultes de Suisse, précise Patrick Haemmerle. On estime que, toujours parmi les jeunes, il y a entre 15’000 et 20’000 tentatives de suicide par an.»

La comparaison avec les accidents de la circulation – 544 morts en 2001 – permet de comprendre l’ampleur du phénomène.

Cependant, pour Maja Perret-Catipovic, membre du Centre d’Etude et de Prévention du Suicide (CEPS) à l’Hôpital universitaire de Genève, le nombre de suicides est sous-évalué.

«On considère comme accident la mort de quelqu’un qui se suicide en se jetant d’un pont avec sa moto, explique la psychologue genevoise. Autre exemple, un décès par anorexie est classé parmi les morts naturelles.»

La prévention avant tout

Patrick Haemmerle est persuadé que «l’adoption d’une politique sanitaire et de campagnes de prévention spécifiques peuvent apporter des résultats tangibles».

Pour le médecin fribourgeois, une chose est sûre: les suicides sont évitables et on peut soigner et guérir les personnes qui souhaitent passer à l’acte.

La psychiatrie reconnaît d’ailleurs toute une série de signes avant-coureurs. Pour les spécialistes, l’appartenance à une autre culture, l’exclusion du système éducatif, les conflits familiaux à répétition, la consommation de stupéfiants ou d’alcool sont autant de symptômes qui déterminent le profil du jeune à risque.

«Un adolescent ou un jeune adulte ne décide pas de s’ôter la vie du jour au lendemain, souligne Maja Perret-Catipovic. Il faut donc mettre sur pied un stratégie de prévention, afin de dépister les cas de suicide potentiels.»

Le modèle genevois

«Pendant trop longtemps, on a pensé qu’il valait mieux ne pas parler du mal de vivre pour éviter l’effet Werther, c’est-à-dire une multiplication des suicides par phénomène d’imitation », poursuit la spécialiste genevoise.

Aujourd’hui, dit-elle, «nous savons que la prévention du suicide est une question de politique sanitaire qui nous concerne tous.»

Maja Perret-Catipovic sait de quoi elle parle. Depuis sept ans, en effet, le CEPS utilise une stratégie d’approche dans le cadre de la problématique du suicide.

Celle-ci implique la participation de parents, d’amis, d’enseignants, de connaissances ou toutes les personnes en qui le candidat au suicide a confiance et qui lui sont proches.

«La recherche clinique se concentre sur ce que nous nommons les facteurs de protection. Il faut comprendre pourquoi certaines circonstances poussent des jeunes à cette extrémité, alors que d’autres, soumis aux mêmes contingences, sont immunisés», affirme pour conclure Maja Perret-Catipovic.

swissinfo, Sergio Regazzoni
(traduction: Olivier Pauchard)

Il y a eu 1387 suicides en Suisse en l’an 2000.
544 personnes ont perdu la vie sur les routes suisses en 2001.
Entre 15’000 et 20’000 adolescents et jeunes adultes tentent de se suicider chaque année en Suisse.
Au niveau mondial, il y a quelque 800’000 suicides chaque année, soit un toutes les 40 secondes.

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