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Le Tribunal fédéral désavoue Soleure

La suppression de l'aide d'urgence viole la Constitution fédérale. Keystone

Un requérant d'asile frappé de non-entrée en matière doit pouvoir bénéficier de l’aide d’urgence, même s’il refuse de quitter le pays.

Cette décision du Tribunal fédéral contre le canton de Soleure intervient au lendemain du durcissement de l’asile décidé par le Sénat.

Les requérants d’asile frappés d’une décision de non-entrée en matière (NEM) ont droit à une aide d’urgence même s’ils ne coopèrent pas en vue de leur renvoi de Suisse.

C’est ainsi que la Deuxième cour de droit public du Tribunal fédéral (TF) a désavoué vendredi les autorités soleuroises.

Les juges fédéraux ont exprimé des avis très divergents avant d’accepter le recours d’un requérant d’asile d’origine africaine. Deux des cinq juges de la cour étaient favorables à un rejet de la demande.

Le risque de mourir de faim

Pour les trois autres juges fédéraux, le droit au minimum d’existence, qui a été reconnu pour la première fois par le Tribunal fédéral en 1995, avant d’être ancré à l’art. 12 de la Constitution fédérale, ne peut être subordonné à la condition qu’un requérant coopère avec les autorités en vue de son renvoi.

Il s’agit d’une aide réduite à l’essentiel, soit à des prestations minimales. Elle ne peut être baissée ou supprimée.

Sinon, ce serait accepter le risque que quelqu’un puisse mourir de faim dans ce pays, a notamment déclaré le nouveau président de la Deuxième cour de droit public, le juge fédéral Thomas Merkli.

L’octroi de 21 francs par jour découle de l’article 12 de la Constitution, stipulant le droit à l’aide en cas de situation de détresse.

Le requérant devait changer d’attitude

A l’origine de l’affaire, l’Office fédéral des réfugiés (ODR) n’est pas entré en matière à propos de la demande d’asile d’un ressortissant africain. Après la décision, prise en avril 2004 celui-ci est demeuré en Suisse. En juin, il a obtenu une aide sociale du canton de Soleure de 3087 francs pour 147 jours

A la fin octobre, le requérant débouté a reçu un dernier montant de 105 francs pour une semaine, puis l’aide sociale a été coupée en raison de son refus de quitter le pays

En novembre, la justice soleuroise a rejeté sa plainte en invoquant l’article 12 de la Constitution fédérale sur le droit à l’aide sociale. Elle estimait qu’il suffisait que le plaignant change d’attitude pour obtenir la reprise de ladite aide.

Réactions satisfaites

L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), les Eglises et le Parti socialiste se réjouissent de la décision du Tribunal fédéral qui va dans le sens de la Constitution fédérale. Le Parti démocrate-chrétien, lui, souligne qu’elle correspond aussi à son interprétation du droit.

L’arrêt du TF confirme l’avis de droit présenté récemment par l’OSAR, a indiqué Jürg Schertenleib de l’OSAR. La politique d’asile est ainsi clairement délimitée. L’aide d’urgence ne doit pas être utilisée comme un moyen de coercition ou refusée par les cantons.

Critiques du ministre de la Justice

Le ministre de la Justice Christoph Blocher, anticipant la décision des juges de la Cour de Mont-Repos à Lausanne, qui crée un précédent pour les autorités concernées, l’avait déjà critiquée jeudi.

Il faut préciser cependant que le Tribunal fédéral n’est pas une cour constitutionnelle qui, à l’instar de la France ou de l’Allemagne, a la compétence de modifier la Constitution et donc d’infléchir les décisions parlementaires.

D’autre part, cette affaire intervient à un moment important puisque, jeudi encore, le Conseil des Etats (Sénat) a sensiblement durci la loi sur l’asile.

Les représentants des cantons ont étendu la suppression de l’aide sociale à tous les requérants déboutés et non plus seulement aux NEM. Ils n’accordent l’aide d’urgence qu’aux demandeurs qui collaborent.

Regrets du HCR

De son côté le Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) a exprimé vendredi son «profond regret» de voir la Suisse produire une des réglementations les plus restrictives d’Europe.

Par exemple, la nouvelle loi précise que seuls des papiers d’identité en règle sont acceptables à l’entrée en Suisse. Ce qui suscite une vive réaction chez Rupert Colville, porte-parole du HCR.

«Si vous êtes persécuté par votre gouvernement, vous n’avez pas beaucoup de chance d’en obtenir un passeport», commente-t-il pour swissinfo. Et de s’inquiéter que les réfugiés «n’aient plus accès du tout à la Suisse».

Et le représentant du HCR fait encore remarquer que «le durcissement n’a fait que se renforcer durant le processus législatif», à un moment où le nombre de requérants d’asile en Suisse est retombé au taux le plus bas depuis 1987.

swissinfo et les agences

L’aide d’urgence implique que les requérants bénéficient d’un toit, de nourriture, d’articles de toilette ainsi que des soins dentaires et médicaux d’urgence.
Ces prestations peuvent prendre la forme d’une indemnité journalière fixée à 21 francs.
Dans le canton de Soleure, 16 cas similaires restent pendants.

– Le Sénat a décidé que seuls des documents d’identité valables seront acceptés à l’entrée en Suisse des demandeurs d’asile.

– Les autorités pourront transmettre des données sur un demandeur d’asile débouté à son pays d’origine.

– Le statut humanitaire, protégeant les personnes qui ne peuvent retourner dans leur pays en raison d’un conflit, a été rejeté par le Conseil des Etats qui a préféré maintenir l’actuelle «admission provisoire».

– Le regroupement familial est impossible avant trois ans.

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