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Les sénateurs durcissent la loi sur l’asile

Les requérants dont la Suisse ne veut pas pourraient rester 18 mois en prison avant d'être expulsés. Keystone

La loi sur l'asile concoctée par la Chambre haute du parlement prend les contours sévères dessinés par le ministre de la justice Christoph Blocher.

Privés d’aide sociale, les requérants déboutés conserveraient juste l’aide d’urgence. Les sénateurs ne veulent pas non plus d’admission humanitaire. Le projet retourne donc à la Chambre basse.

La discussion au Conseil des Etats s’annonçait animée, elle l’a été. Dès le débat d’entrée en matière, la socialiste Christiane Brunner déplore qu’on aille toujours plus loin pour dégoûter les réfugiés, en proposant des dispositions qu’elle juge anticonstitutionnelles et contraires aux droits de l’homme.

Son collègue de parti Michel Béguelin dénonce pour sa part les «magouilles d’août», allusion aux durcissements complémentaires introduits par le Conseil fédéral (gouvernement) après une consultation expresse des cantons.

Dans les rangs de l’UDC (droite dure), Maximilian Reimann met quant à lui en garde contre une législation «édulcorée», qui serait utilisée sans vergogne par «la mafia internationale de l’asile».

Blocher intraitable

Pour le ministre de la justice Christoph Blocher (lui aussi élu de l’UDC), la suppression de l’aide sociale réduit l’attrait de la Suisse et permet de limiter les abus.

Et de relever que depuis que cette mesure s’applique aux NEM (non entrée en matière), l’afflux de requérants dont le cas ne relève pas de l’asile a nettement diminué.

Les critiques des Eglises et des associations n’émeuvent guère le ministre. Selon lui, «elles défendent des gens qui sont aussi parfois dans l’illégalité, alors que le Parlement doit trouver des solutions en amont».

Vos papiers !


C’est donc bien en vain que la gauche tente de faire renvoyer le paquet au Conseil fédéral. Proposition repoussée par 30 voix contre 10.

Le Conseil des Etats rejette le principe de l’admission pour raisons humanitaires, également très critiqué par les cantons. Les sénateurs préfèrent conserver le système d’admission provisoire actuel, tout en l’améliorant.

Ainsi, les étrangers en situation de détresse grave pourraient exercer une activité lucrative. Ils ne pourraient en revanche toujours pas faire venir leur famille en Suisse.

La socialiste Simonetta Sommaruga plaide en vain pour l’admission à titre humanitaire, estimant qu’elle légitime mieux le séjour des personnes inexpulsables et renforce les possibilités d’intégration.

Les sénateurs veulent également étendre la non-entrée en matière aux requérants qui ne présenteraient pas un papier d’identité dans les 48 heures. Ils devraient alors montrer qu’ils ne sont pas responsables de cette absence de documents.

Plus d’aide sociale


Autre tour de vis concernant l’aide sociale: en seraient privés tous les requérants déboutés, et non plus seulement ceux frappés d’une décision de non-entrée en matière comme cela est le cas depuis avril.

Christiane Brunner tente sans succès de montrer que cela exclut des milliers de personnes qui risquent de gonfler le lot des clandestins. Un avis partagé par le démocrate-chrétien Eugen David: pour lui, cela ne fait qu’enjoliver les statistiques.

Et le Conseil enfonce le clou en restreignant le droit à l’aide d’urgence. Les autorités pourraient la refuser au requérant débouté qui refuse de collaborer ou ne veut pas quitter la Suisse.

La Chambre haute adopte également la proposition de détention pour insoumission venue de Blocher et écartée par le Conseil fédéral. Elle double la durée maximale de détention en vue du renvoi, la portant à 18 mois.

Face à toutes ces divergences, le dossier retourne au Conseil national (Chambre basse), qui s’était montré plus souple sur plusieurs points.

Résistance

Pendant que le Conseil des Etats débattait de l’asile, la Coordination Asile Vaud avait organisé plusieurs actions en ville de Berne. Des torches, symbolisant le feu de la résistance, ont été allumées sur la Kornhausplatz, un des endroits les plus fréquentés de la capitale.

Pour la Coordination, les attaques contre le droit d’asile ne sont qu’un pas de plus vers la création de sans-droits. Les NEM, privés d’aide sociale, et les sans-papiers en sont la parfaite incarnation.

Dans le canton de Vaud, la Coordination se bat depuis près d’un an contre le renvoi de 523 requérants déboutés, avec parmi eux des personnes installés en Suisse depuis de longues années ainsi que des enfants nés et scolarisés dans le canton de Vaud.

Le mouvement veut désormais étendre son action au-delà des frontières cantonales.

Plus généralement, les églises et les mouvements de défense du droit d’asile ont vivement critiqué jeudi soir ces nouveaux tours de vis voulus par la Conseil des Etats.

swissinfo et les agences

La Suisse a enregistré 14’248 demandes d’asile en 2004.
C’est 32,3% de moins que l’année précédente
A la fin décembre 2004, la procédure d’asile concernait 55’103 personnes
1555 personnes ont obtenu l’asile en 2004 (1636 en 2003)
10’080 personnes ont reçu une réponse négative en 2004.

– Bien que l’UDC (droite dure) y soit minoritaire, le Conseil des Etats a adopté la ligne la plus dure prônée par son ministre Christoph Blocher dans la révision de la loi sur l’asile.

– Les sénateurs entendent ainsi supprimer l’aide sociale aux requérants frappés d’une décision de non-entrée en matière et aux déboutés, supprimer l’admission pour raisons humanitaires et doubler la durée de détention en vue d’un renvoi.

– Le projet retourne au Conseil national (Chambre basse), qui s’était montré plus souple sur plusieurs points.

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