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Même dans la rue, les enfants ont des droits

Le travail de rue permet parfois aux enfants d'échapper à des situations qui peuvent être pires.

Depuis les années 1990, certaines ONG ne considèrent plus les enfants des rues comme des victimes, mais comme des acteurs. La Journée internationale des droits de l'enfant est l'occasion de faire le point sur cette nouvelle manière d'appréhender leur réalité.

Selon la Fondation Terre des hommes (Tdh), entre 50 et 100 millions d’enfants du monde vivent et travaillent actuellement dans les rues.

Approuvée en 1989, la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant a cependant amélioré quelque peu leur quotidien via le travail des ONG. Certaines d’entre elles ont en effet réorienté leur action selon l’idée qu’ils étaient détenteurs de droits.

C’est le cas de Tdh, qui privilégie depuis les années 1990 une approche centrée non plus sur la victimisation, mais sur la réhabilitation progressive.

Daniel Stoecklin, qui est aujourd’hui professeur de sociologie à l’Institut universitaire Kurt Bösch (IUKB) et collaborateur scientifique à l’Institut international des droits de l’enfant en Valais, a travaillé pour Tdh entre 1998 et 2005. Il a contribué à l’élaboration de cette approche.

swissinfo: Les ONG actives dans le domaine ne parlent plus d’enfant de la rue, mais préconisent désormais l’expression ‘enfant en situations de rue’. Que signifie-t-elle?

Daniel Stoecklin: Cette expression permet de mettre en évidence que l’enfant n’est pas le problème, mais que les situations à cause desquelles il se retrouve dans la rue sont problématiques.

Elle permet aussi d’éviter la stigmatisation liée à l’appellation ‘enfant de la rue’ et de mettre en évidence le fait que les responsabilités par rapport à ce type de situations sont multiples, c’est-à-dire politiques, économiques, structurelles et familiales.

Ce dont il faut bien se rendre compte, c’est que l’enfant qui a choisi d’aller dans la rue échappe généralement à des conditions pires ailleurs. Cela nous oblige à réfléchir sur la qualité des relations qu’il peut développer dans ces espaces même si, à nos yeux, ceux-ci semblent très dangereux. En fait, une certaine solidarité peut se développer dans la rue.

swissinfo: Comment cette nouvelle approche se traduit-elle au niveau du travail sur le terrain?

D.S. : Le but est de permettre aux enfants de trouver des modalités d’insertion positives pour leur développement. Cela n’équivaut pas nécessairement à une sortie immédiate de la rue, qui n’est d’ailleurs pas toujours possible pour la simple raison que les alternatives concrètes n’existent souvent pas.

Il faut donc trouver des modalités plus réalistes, comme par exemple de meilleures conditions de travail pour les petits travaux de rue, en privilégiant des mesures progressives.

swissinfo: En quoi la Convention de l’ONU sur les droits de l’enfant est-elle importante pour le travail des ONG?

D.S. : Cela fait une dizaine d’années que divers instituts de recherche et ONG travaillent à partir de cette convention. Les nouveaux modèles qu’elles appliquent diffèrent de l’approche protectrice, bien que celle-ci reste dominante aujourd’hui.

Grâce à ces nouvelles approches, les enfants et les ONG qui les soutiennent peuvent demander accès à toute une série de prestations fondamentales. Les Etats qui ont signé la convention se sont en effet engagés en matière d’éducation, de santé, d’apprentissage ou de protection contre la violence.

swissinfo: Les enfants des rues du monde entier se ressemblent-ils ?

D.S. : Non, il y a beaucoup de diversité. Dans chaque pays, on a une combinaison différente entre des causes économiques, politiques et sociales. Les profils des enfants qui vivent dans la rue sont aussi très différents. Cela va du leader de gang influent qui peut organiser des activités délictueuses, ou parfois du travail, à l’enfant fugueur qui vit quelques mois dans la rue avant de retourner chez lui. Mais évidemment, le phénomène de la pauvreté ou de la paupérisation est partout présent.

swissinfo: Vous avez travaillé sur cette problématique en Chine, quelle est la situation dans ce pays?

D. S. : La Chine se caractérise par un phénomène très marqué de population flottante. Les estimations les plus récentes, qui datent de 2000, montrent que quelque 150 millions de personnes, dont 23 millions d’enfants, ont migré des campagnes vers les villes. A cela s’ajoutent tous les enfants laissés chez les grands-parents dans les villages. Tous sont dans une situation de vulnérabilité très importante.

Par rapport à un pays comme le Brésil, où un très grand nombre d’ONG sont actives, la Chine a du retard. Mais la situation a beaucoup évolué ces 15 dernières années et l’approche à travers un abordage des enfants dans la rue y existe désormais aussi.

swissinfo: Quel regard portez-vous sur l’action de Terre des hommes pour la Journée internationale des droits de l’enfant?

D.S.: Ce type d’action permet de sensibiliser les adultes, mais aussi les jeunes, qui peuvent ainsi se rendre compte des conditions extrêmement difficiles dans lesquelles on vit ailleurs. Dans le contexte de crise qui s’annonce, cela permet aussi de prendre conscience que même dans un pays relativement stable comme la Suisse, les droits humains doivent être revendiqués au quotidien.

swissinfo, Carole Wälti

A l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant le 20 novembre, Terre des hommes organise une mise en situation pour les écoliers de Suisse.

Revêtus d’un bonnet orange, quelque 5000 d’entre eux cirent des chaussures ou vendent des journaux à la criée comme le font les enfants des rues du monde entier.

L’an dernier, cette action a permis de récolter plus de 260’000 francs.

Terre des hommes intervient auprès des enfants des rues dans neuf pays.

A savoir: Afghanistan, Bangladesh, Brésil, Burkina Faso, Burundi, Guinée, Madagascar, Sénégal, Vietnam.

La Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant a été approuvée le 20 novembre 1989.

Il s’agit de la première convention internationale qui considère l’enfant comme un véritable détenteur de droits.

Ceux-ci sont à la fois civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Ils incluent un droit à bénéficier d’un développement harmonieux.

Actuellement, 190 États ont ratifié ce traité.

Les États-Unis et la Somalie l’ont signé, mais ne l’ont pas ratifié.

Pour sa part, la Suisse l’a ratifié en 1997.

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