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Marco Büchel, un «papy» qui n’a pas froid aux yeux

Keystone

La descente de samedi sera l'un des points d'orgue des Mondiaux de Val d'Isère. Le Liechtensteinois Marco Büchel, seul skieur encore en activité à avoir déjà disputé une descente sur la Face de Bellevarde, s'est confié à swissinfo à la veille de la compétition.

Malgré sa combinaison aux couleurs du Liechtenstein, Marco Büchel est l’un des skieurs les plus populaires en Suisse. Sa décontraction, sa bonne humeur permanente ainsi que sa longue carrière – à 37 ans, il est l’un des vétérans de ces Mondiaux – en font un personnage très apprécié dans le milieu du ski.

Unique Liechtensteinois à évoluer au plus haut niveau, Marco Büchel est souvent considéré comme un Suisse d’adoption puisqu’il s’entraîne avec le groupe des descendeurs helvétiques, aux côtés de Didier Cuche et Didier Défago notamment.

«Büchsi», son surnom, a reçu swissinfo dans le restaurant de la Maison suisse de Val d’Isère pour évoquer la descente de samedi mais également revenir sur les moments forts de sa carrière.

swissinfo: Vous êtes le seul coureur en activité à avoir déjà disputé une descente sur cette Face de Bellevarde. Cette expérience peut-elle vous être utile?

Marco Büchel: Non, je ne pense pas. J’ai participé au premier entraînement de la descente de Coupe du monde en 1991 puis aux Jeux olympiques de 1992. Ca date donc de presque 20 ans!

L’expérience est très importante sur une piste comme la Streif de Kitzbühel ou le Lauberhorn à Wengen, où l’on connaît chaque virage, chaque saut et chaque passage de la course par coeur. Mais ici, c’est une nouvelle course pour tous les concurrents. L’expérience ne joue dans ce sens pas un rôle primordial.

swissinfo: Quels souvenirs gardez-vous de votre première descente sur la Face de Bellevarde?

M.B: La première fois que j’ai couru ici, j’ai eu une sacré frousse! C’était la 2e descente de ma vie en Coupe du monde. Pour ne pas arranger les choses, les skieurs suisses me mettaient la pression avant le départ en affirmant qu’en comparaison, Kitzbühel, c’était du gâteau.

Pour tout vous dire, je n’aime pas du tout cette piste. Normalement, j’aime l’attaque. Mais sur cette piste raide et glacée, il faut vraiment une dose de courage énorme. Cette montagne n’est pas faite pour la descente, elle est beaucoup trop raide. Il n’y a aucune partie de glisse et les organisateurs sont obligés de tailler des courbes extrêmes pour qu’on ne prenne pas trop de vitesse.

A Are, lors des derniers Mondiaux, certains trouvaient la piste trop facile, ici beaucoup la trouvent trop difficile. Mais c’est comme ça, il en faut pour tous les goûts.

swissinfo: Durant votre temps libre, vous pratiquez également le base-jump, un autre sport à risque. Etes-vous dépendant à l’adrénaline?

M.B: Non, ce n’est pas l’adrénaline qui me fait courir. Ce qui est important pour moi, c’est de vivre la vie avec plus d’émotions. Je skie encore assez vite pour me faire plaisir. Etre skieur professionnel, ce n’est pas un travail, c’est une véritable passion, c’est toute ma vie.

swissinfo: Le ski, c’est toute votre vie, dites-vous. Mais il faudra bientôt penser à votre reconversion. Appréhendez-vous ce moment?

M.B: Si vous m’aviez posé la question il y a 2 ans, je vous aurais répondu oui. Mais maintenant que j’ai 37 ans, le processus de reconversion a débuté dans mon cœur. J’adore le sport mais je n’ai plus non plus la même passion sur la piste qu’auparavant.

Mais je suis conscient que cette nouvelle vie ne va se faire toute seule. J’aimerais bien devenir journaliste, j’ai déjà fait des tests pour la télévision suisse alémanique. Rien n’est encore décidé, je me concentre sur le sport pour le moment. Je ne sais pas exactement quand j’arrêterai, mais ce sera avant 2011.

swissinfo: Les accidents, comme celui de Daniel Albrecht, ça ne remet pas en cause votre amour pour le ski?

M.B: Je n’aime vraiment pas voir ce genre d’accident. D’ailleurs, je n’ai pas encore regardé le film de la chute de «Dani» et je ne compte pas le faire. Ca serait trop difficile de remonter au départ avec ces images en tête.

C’est un aspect de mon sport qui ne me plaît pas mais je suis tout à fait conscient des risques encourus.

swissinfo: Vous avez obtenu il y a quelque années votre passeport suisse mais vous continuez à skier pour le Liechtenstein. Y voyez-vous des avantages?

M.B: Je me suis toujours qualifié sans problème pour les Championnats du monde ou les Jeux olympiques puisque il n’y avait pas de concurrence. Autre point positif, c’est que je n’ai pas à subir la pression médiatique car il n’existe que deux journaux au Liechtenstein.

Ma situation n’est pas loin d’être idéale. Je m’entraîne avec l’équipe de Suisse, qui est presque devenue une famille, mais je suis fier de porter les couleurs de mon pays.

Le seul désavantage se situe sur le plan financier. Pour mes sponsors, le marché est en effet bien trop petit au Liechtenstein en comparaison des grandes nations du ski. Mais de l’autre côté, je ne paye pas beaucoup d’impôts au Liechtenstein (rires).

swissinfo: Quatre victoires, 17 podiums en Coupe du monde et une médaille de bronze lors des Mondiaux de Vail en 1999. Ce palmarès vous convient-il?

Non, ce n’est pas suffisant (rires). J’aurais voulu gagner 10, 15 voire même 20 courses. J’aimerais bien aussi gagner une médaille olympique à Vancouver en 2010. Mais quand j’arrêterai, je pourrai être très satisfait de ce que j’ai accompli.

Au début de ma carrière, plusieurs personnes m’ont affirmé que je ne deviendrais jamais un bon skieur. ‘Tu ferais mieux d’aller louer des chaises longues à St-Tropez’, m’a même dit un jour Andreas Wetzel, qui est aujourd’hui le président de la Fédération liechtensteinoise de ski. Ce n’était pas le seul, ma femme était du même avis. Mais maintenant, leur discours a changé.

Interview swissinfo, Samuel Jaberg à Val d’Isère

Origines. Marco Büchel est né le 4 novembre 1971 à Walenstadt, dans le canton de St-Gall.

Palmarès. En 18 ans de carrière au plus haut niveau, il a remporté 4 victoires, la dernière en super-G à Kitzbühel en 2008, et est monté 17 fois sur un podium de Coupe du monde. Il a disputé quatre olympiades et dix Championnats du monde. En 1999, à Vail, il a décroché l’argent du géant.

Maturité. Spécialiste de géant au début de sa carrière, il a ensuite bifurqué vers les disciplines de vitesse à partir des années 2000. Il a obtenu ses meilleurs résultats dans les disciplines du super-G et de la descente alors qu’il avait déjà passé le cap des 30 ans.

Bernhard Russi. La piste de Bellevarde, située à pic au-dessus de la station de Val d’Isère, a été façonnée par l’ancien champion suisse Bernhard Russi dans les années 70. En 1992, elle servit de cadre aux épreuves masculines des Jeux olympiques d’Albertville.

Réaménagée. Délaissée au profit de la piste «Oreillez-Killy» durant près de 15 ans, elle a été réaménagée en vue des Championnats du monde 2009. Considérée unanimement comme l’une des pistes les plus techniques du circuit, elle atteint par endroit une inclinaison maximale de 70%.

Dénivelé. Le départ de la descente est donné à 2807 mètres. Son tracé est long de 1770 mètres et le dénivelé atteint 959 mètres. Cette forte pente, qui ne laisse aucun répit aux skieurs, oblige les organisateurs à la casser avec plusieurs courbes et virages.

Samedi 7: descente messieurs

Dimanche 8: descente dames

Lundi 9: super combiné messieurs

Mercredi 11: coupe des nations par équipe

Jeudi 12: slalom géant dames

Vendredi 13: slalom géant messieurs

Samedi 14: slalom dames

Dimanche 15: slalom messieurs

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