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Les défis de Gian-Franco Kasper, patron du ski mondial

AFP

Le cérémonie d'ouverture des Mondiaux de ski alpin a lieu aujourd'hui à Val d'Isère. Gian-Franco Kasper, président suisse de la Fédération internationale de ski, profite de ce grand événement pour se pencher sur la situation d'un sport en constante évolution.

La Fédération internationale de ski (FIS) est l’une des nombreuses organisations sportives de portée planétaire qui a établi son siège en Suisse. Voilà plus de 24 ans, 11 avec la casquette de président, que Gian-Franco Kasper suit minutieusement l’évolution du ski depuis les quartiers de la FIS à Oberhofen, petite bourgade touristique située à une trentaine de kilomètres de Berne.

Quelques jours avant le coup d’envoi des Mondiaux de Val d’Isère, le patron grison du ski mondial a reçu swissinfo dans son bureau qui offre une vue majestueuse sur le lac de Thoune et les sommets de l’Oberland bernois. Rencontre.

swissinfo: Après Are (Suède) en 2007, c’est au tour de Val d’Isère d’accueillir les Championnats du monde de ski alpin. Dans quel état d’esprit êtes-vous à la veille du coup d’envoi?

Gian-Franco Kasper: Il ne faut pas se le cacher, il y a eu énormément de problèmes à Val d’Isère. Des querelles de clocher entre les deux plus importantes familles de la station ont mis à mal l’organisation de ces Mondiaux.

La démission du président du comité d’organisation Jean-Claude Killy, triple champion olympique en 1968 et icône de la station, à l’été 2007, a paradoxalement servi de sonnette d’alarme pour le monde politique.

Depuis, le nouveau comité et les autorités politiques de la région ont fourni un travail extraordinaire et rattrapé magistralement le retard pris dans les préparatifs. Si la météo est avec nous, je suis très optimiste quant à la bonne marche de ces Mondiaux.

swissinfo: Le ski alpin est essentiellement pratiqué en Europe et en Amérique du Nord. Peut-on vraiment parler de Championnats du monde?

G-F.K.: Je crois que oui. A Val d’Isère, il y a 69 nations présentes. Les Japonais, les Coréens et les Chinois ont déjà gagné des médailles dans l’une des disciplines du ski. L’Asie fait donc partie de la grande famille du ski. Pour des raisons évidentes de climat, l’Afrique n’est pas beaucoup représentée. Mais les délégations algériennes ou marocaines auront des athlètes présents à Val d’Isère.

swissinfo: Certains pays, comme le Sénégal, estiment que les critères de sélection pour les Championnats du monde leurs sont défavorables. L’accès est-il vraiment possible pour tout le monde?

G-F.K.: Les Sénégalais critiquent non seulement les Championnats du monde mais également les Jeux olympiques. Ils ne sont pas contents de devoir passer par des qualifications pour pouvoir disputer le slalom géant. Mais avec plus de 200 participants inscrits pour cette seule discipline, nous n’avons pas le choix. Faudrait-il céder une ou plusieurs des 4 places dévolues à la Suisse pour permettre à un Sénégalais de prendre le départ? Je ne crois pas que cela soit équitable.

Prenez l’athlétisme. Il est très rare qu’un Suisse passe les qualifications du 100 mètres. Les qualifications font aussi partie d’un grand événement, même si je peux comprendre la volonté de certaines nations d’apparaître davantage à la télévision.

swissinfo: Le récent accident du skieur suisse Daniel Albrecht a remis sur le devant de la scène le problème de la sécurité des athlètes. La FIS peut-elle encore faire des progrès dans ce domaine?

G-F.K.: La sécurité sur les pistes s’est nettement améliorée ces 15 dernières années. Plusieurs personnes s’occupent exclusivement de cette problématique au sein de la Fédération internationale de ski. Des changements conséquents, notamment avec la modification des filets de sécurité et du relief de la piste, sont effectués chaque année, ce qui engendre d’énormes coûts pour les organisateurs.

Nous faisons le maximum mais le risque zéro n’existe pas. L’accident de Daniel Albrecht ne doit rien à un manque de sécurité. C’est clairement une faute imputable à l’athlète.

swissinfo: Quels sont les grands défis du ski pour le futur?

G-F.K.: Pour nous, c’est très important que l’intérêt du public pour les vacances d’hiver et les activités de neige ne s’érode pas. Le ski d’élite est en ce sens un facteur important de promotion touristique. Ce début d’hiver a été très bon pour l’industrie du ski et du tourisme. Si le climat ne change pas dramatiquement dans les années à venir, on peut entrevoir l’avenir de la branche avec sérénité.

swissinfo: Le réchauffement climatique, ça vous inquiète?

G-F.K.: Bien sûr ! Sans neige, plus de sports d’hiver. On pourra toujours pratiquer le ski indoor, mais ça n’a pas du tout la même saveur. Le ski est très lié à la nature et à la montagne. Nous prenons avec un grand sérieux le réchauffement climatique, qui menace à moyen terme les stations de moyenne altitude. Beaucoup d’études et de séminaires ont déjà été menés en commun avec les meilleurs experts de la planète.

Nous émettons également des recommandations pour les stations, en les incitant par exemple à diversifier leurs offres d’activités hivernales. De plus, nous essayons de trouver la juste balance écologique en ce qui concerne l’enneigement artificiel, car cette activité nécessite une consommation importante d’énergie.

swissinfo: Redoutez-vous la crise économique qui se profile?

G-F.K.: Pour l’instant, la FIS n’est pas directement touchée. Mais la crise financière m’inquiète, car nous ne sommes pas imperméables au monde économique. Certains organisateurs commencent à en ressentir les premiers effets. A Vancouver, qui accueillera les Jeux olympiques l’année prochaine, aucune banque ne veut accorder de crédit pour la construction du village olympique.

Mais je crois qu’à long terme, le sport va de toute façon survivre. Il faudra peut-être un peu s’adapter, en remplaçant par exemple le caviar par du saucisson dans les stands VIP des zones d’arrivée (rires).

swissinfo: Pour finir, à quand le retour de Championnats du monde en Suisse?

G-F.K.: St-Moritz a de bonnes chances pour accueillir à nouveau une telle compétition en 2013 ou 2015. Mais d’autres candidatures se profilent, et pas seulement dans les pays traditionnels du ski. Des nations émergentes, comme la Bulgarie, le Kirghizistan, le Kazakhstan et bien-sûr la Russie, où auront lieu les Jeux de Sotchi en 2014, investissent beaucoup d’argent pour la construction de stations de ski exceptionnelles.

Ces pays-là vont vouloir organiser des épreuves de Coupe du monde ou des Championnats du monde. Les grandes nations du ski ne vont certainement pas apprécier. Mais si nous voulons véritablement être un sport mondial, il est nécessaire de donner des compétitions à ces nouvelles nations du Cirque blanc. En Bulgarie, par exemple, une équipe compétitive est en train de se mettre en place. Et croyez-moi, dans quelques années la Bulgarie sera candidate pour organiser des Championnats du monde.

Interview swissinfo, Samuel Jaberg

Lundi 2: cérémonie d’ouverture

Mardi 3: super-G dames

Mercredi 4: super-G messieurs

Vendredi 6: super combiné dames

Samedi 7: descente messieurs

Dimanche 8: descente dames

Lundi 9: super combiné messieurs

Mercredi 11: coupe des nations par équipe

Jeudi 12: slalom géant dames

Vendredi 13: slalom géant messieurs

Samedi 14: slalom dames

Dimanche 15: slalom messieurs

France. Les championnats du monde de ski ont lieu du 2 au 15 février 2009 dans la station savoyarde de Val d’Isère. C’est la première fois depuis 1968 que la France organise ce rendez-vous mondial qui a lieu tous les deux ans.

Face-à-face. Les courses se déroulent sur deux massifs situés en face-à-face au-dessus de la station alpine. La face de Solaise est réservée aux dames, celle de Bellevarde aux hommes. Les deux pistes se rejoignent à l’entrée de la station dans une aire d’arrivée commune.

Bellevarde. La redoutable piste de Bellevarde a été façonnée par l’ancien champion suisse Bernhard Russi dans les années 70. Elle a notamment servi de cadre aux Jeux olympiques d’Albertville en 1992.

Compétition. Onze épreuves, 5 masculines, 5 féminines et une par nations, sont disputées durant les deux semaines de compétition.

Saint-Moritz. Gian-Franco Kasper est né le janvier 1944 à Saint-Moritz, dans les Grisons. Il obtient une licence en journalisme, philosophie et psychologie de l’université de Zurich en 1966.

Tourisme. A la fin de ses études, il travaille comme éditeur pour le Courrier de St-Moritz. En 1974, il crée un office du tourisme suisse à Montréal, au Canada.

FIS. En 1975, Gian-Franco Kasper, qui a pratiqué de nombreuses disciplines telles que le ski alpin, le ski nordique, le skeleton et le bobsleigh, est nommé secrétaire général de la FIS par le président d’alors, le Suisse Marc Hodler. Il lui succèdera en 1998 à la tête de la FIS.

Antidopage. Depuis 1993, il est également membre de l’AMA, l’Agence mondiale antidopage. Il fait également partie de la Commission de coordination des Jeux olympiques d’hiver de 2010 à Vancouver.

Docteur. En décembre 2007, il est honoré par le président bulgare du titre de «doctor honoris causa» de l’université de Sofia, en Bulgarie, pour ses services rendus au sport, sa contribution à la diffusion des idées olympiques et son apport au développement du ski.

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