Chorégraphe de «Notre Dame de Paris», le Suisse Martino Muller préside le jury du 30e Concours international pour jeunes danseurs.

Disons-le d'emblée, Martino Muller est un exemple de réussite pour la danse helvétique et le Prix de Lausanne. «Jamais je n'aurais pensé devenir président, déclare le chorégraphe. Mais cela est arrivé dans ma vie et j'en suis très honoré.»

Et le danseur argovien installé aux Pays-Bas de poursuivre: «J'en suis d'autant plus ému, qu'il y a vingt ans, je concourrais comme jeune danseur de 19 ans dans ce même Prix de Lausanne».

Treize ans de danse

Martino Muller se souvient avoir été surpris de recevoir le Prix suisse. Et cela seulement après 19 mois de danse professionnelle dans son école privée de Saint-Gall. Il ne savait pas bien le français et, au terme de la finale, il n'avait pas compris ce qu'il avait gagné. C'est son professeur, Marianne Fuchs, qui le lui avait finalement appris.

«Sincèrement, je n'osais à peine y croire. Car une amie de la même école concourrait avec moi. A mon sens, elle était plus forte que moi. Mais elle a été évincée de la compétition après trois jours déjà. Alors, je m'étais dit que je n'avais plus qu'à me retirer du concours...»

Mal lui en aurait pris, car, durant treize ans, Martino Muller a dansé pour le Stuttgart Ballet et dans le Netherland's Dance Theater. Et c'est à Karlsruhe qu'il a signé son premier engagement comme danseur professionnel.

Le choix de la chorégraphie

Mais, à 32 ans, Martino Muller renonce à sa carrière de danseur pour embrasser celle de chorégraphe indépendant. Motifs: des douleurs dorsales et aux genoux le handicapent de plus en plus souvent.

Là, à nouveau, il opère le bon choix, puisqu'il a signé la chorégraphie de deux grosses productions artistiques à succès. Un ballet en Suède - «Roméo et Juliette» sur la musique de Prokofiev - qui, en 17 représentations, a attiré 15 000 spectateurs. Et surtout, la comédie musicale francophone de «Notre Dame de Paris». Un succès phénoménal, puisqu'elle a été vue par trois millions de personnes.

Certes, il ne s'agit que de variété française; «peu m'importe, riposte Martino Muller, du moment que je peux esquisser ma danse moderne. D'ailleurs, j'ai exigé de travailler uniquement avec des danseurs (et non des chanteurs-danseurs) dans «Notre Dame de Paris», afin de ne pas rabaisser le niveau chorégraphique. Car c'est immanquablement ce qui se produit quand on demande aux interprètes de chanter et danser à la fois».

Une valeur sûre

Preuve de la valeur montante de Martino Muller: le très influent parolier canadien Luc Plamondon l'a rappelé pour chorégraphier sa nouvelle comédie musicale «Cindy» (Cendrillon version actualisée).

Reste que, cette semaine, Martino Muller est touché de voir défiler devant lui les 120 candidats de ce 30e Prix de Lausanne. «Je les comprends d'autant mieux que j'ai moi-même passé par là. Je me rappelle de cette profonde contradiction qui m'habitait: donner le meilleur de moi-même tout en étant tétanisé par le stress».

Et dire que Martino Muller avait commencé par le patinage artistique. Il a pratiqué ce sport durant huit ans. Mais à cause de nombreux accidents sur la glace, il a bifurqué sur la danse. «J'ai senti que je pouvais vraiment faire quelque chose dans cet art».

Un concours hyper professionnel

En tant que président du jury, Martino Muller ne manque pas de louer l'évolution - très professionnelle - qu'a pris le Prix de Lausanne. «Les classes modernes sont venues élargir la vision classique du concours.

La direction du Prix est en contact très étroit avec les meilleures écoles du monde. Et elle se tient au courant du niveau exact des jeunes danseurs dans chaque pays. C'est impressionnant!»

Emmanuel Manzi

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