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Christoph Blocher, un opposant total

Keystone

Seul contre tous: c'est une des postures favorites du stratège en chef de la droite nationaliste Christoph Blocher. Après un parcours en zigzag, une majorité de l'UDC s'oppose à la libre circulation des personnes. Blocher se bat même contre l'aile économique de son propre camp.

Depuis le refus populaire de l’Espace économique européen (EEE) en décembre 1992, Christoph Blocher a toujours proclamé son opposition à l’adhésion de la Suisse à l’Union européenne (UE) et son soutien à la voie bilatérale.

Ainsi déclarait-il en septembre 2005, alors qu’il était encore ministre de la Justice: «Je suis convaincu que nous pouvons nous embarquer dans cette aventure, parce que ses avantages, c’est-à-dire l’amélioration de notre situation économique et de nos relations avec l’UE, sont plus importants que ses inconvénients.»

Il s’agissait alors de l’élargissement de la libre circulation aux dix nouveaux Etats membres de l’Union. Depuis lors, Blocher a retiré son soutien à la voie bilatérale et mis en garde contre les «lourdes conséquences» d’un élargissement de la libre circulation des personnes à la Roumanie et à la Bulgarie.

«Nous devons tirer le signal d’alarme et voter non», dit-il aujourd’hui en tant que chef de l’opposition.

Des contingents jusqu’en 2016

Les partisans du «oui» estiment que la libre circulation avec l’UE est un succès, un moteur pour l’économie et qu’elle garantit un libre accès de l’industrie d’exportation au principal partenaire économique de la Suisse.

Ils font aussi valoir que ceux qui n’auront pas de contrat de travail ne bénéficieront que d’un permis de séjour limité et que la libre circulation avec la Roumanie et la Bulgarie n’entrera totalement en vigueur qu’en 2016. D’ici là, des mesures transitoires de contingentement seront appliquées.

Un «non» signifierait l’abandon de l’ensemble des accords bilatéraux, plaident d’une même voix le Conseil fédéral (gouvernement), les principaux partis, ainsi que les associations patronales et syndicales.

L’UDC «du mauvais côté»

Les arguments de ce large front politique laissent Christoph Blocher de marbre. Cet industriel milliardaire se définit lui-même comme le représentant de la base de son parti. «Comme lors de la campagne contre l’EEE, je dois défendre les intérêts du peuple contre l’ensemble de la classe politique et du patronat, qui ne servent que leurs propres intérêts à court terme.»

Contre l’aile économique de son parti, contre un tiers des députés UDC au Conseil national, contre tous les sénateurs UDC et la majorité des représentants du parti nationaliste dans les exécutifs cantonaux, Christoph Blocher argumente que même lors de la votation sur l’EEE, «la majorité de ces gens étaient du mauvais côté de la barrière».

«Ils voulaient se montrer gentils envers le Conseil fédéral et l’UE et défendre leurs intérêts à court terme. Mais la base a voté clairement ‘non’ à 90% en assemblée générale.»

L’irritation de la base

Le processus qui a conduit à préconiser le «non» lors de la votation du 8 février prochain a opéré plusieurs virages. En mai 2008, Christoph Blocher plaidait e encore pour le «oui» à l’élargissement et le «non»à l’extension de la libre circulation. Au début juillet, il engageait l’UDC à voter «non» au référendum et, de fait, «oui» à l’ensemble du paquet.

A l’époque, le leader nationaliste n’a pas caché qu’il aurait préféré que la question soit séparée en deux et décrété que le fait que le parlement ait décidé d’en faire un paquet unique était une «saloperie», mais aussi que le référendum des jeunes UDC et des Démocrates suisses était «illusoire».

La base a réagi avec irritation et a eu du mal à suivre cette logique. Entre-temps, le référendum a récolté le nombre nécessaire de signatures. Blocher a donc dû changer son fusil d’épaule et combat maintenant l’ensemble du paquet.

Nouvelles négociations en cas de refus

En cas de refus le 8 février, le Conseil fédéral devrait scinder le paquet en deux et soumettre à nouveau au peuple l’article sur la prolongation de la libre circulation.

En ce qui concerne l’extension de l’accord à la Bulgarie et à la Roumanie, l’UDC exige de nouvelles négociations avec Bruxelles et une clause supplémentaire contre les ressortissants de ces ceux pays.

Le camp du «oui» rétorque que le ministre de la Justice Blocher était le plus impliqué dans la négociation de cet accord avec l ‘UE.

swissinfo, Andreas Keiser
(Traduction de l’allemand: Isabelle Eichenberger)

La Suisse poursuit son intégration en Europe sur la voie bilatérale. Depuis l’accord sur le libre échange de 1972, ses relations n’ont fait que se renforcer par le biais d’accords bilatéraux.

Les accords bilatéraux I (signés en 1999) consistent en une ouverture classique des marchés dans sept domaines: libre circulation des personnes, agriculture, commerce, trafic terrestre et aérien, recherche.

Le 2e paquet, conclu en 2004, garantit d’autres intérêts économiques (industrie alimentaire, tourisme, place financière) et élargit la coopération Suisse-UE à des domaines politiques comme la sécurité, le droit d’asile (Schenge/Dublin), l’environnement et la culture.

Dans son rapport européen 2006, le Conseil fédéral a conclu que les buts matériels et non matériels des accords existants ont été atteints et qu’une adhésion à l’UE demeure une «option à long terme».

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