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La droite veut tenir les écologistes en laisse

C'est le député zurichois Filippo Leutenegger qui s'est chargé d'expliquer le contenu de l'initiative radicale. Keystone

Le parti radical (PRD) lance une initiative populaire qui vise à limiter le droit de recours des associations environnementales.

Pour la droite, l’utilisation abusive de ce droit paralyse le tourisme et les grands projets de l’économie.

Treize sections cantonales du Parti radical démocratique (PRD / droite) ont présenté vendredi à Zurich leur initiative populaire fédérale visant à réduire le droit de recours.

Le projet radical veut interdire les recours des associations contre des projets de construction qui ont reçu l’aval du peuple lors d’une votation ou d’un organe législatif. Cela au niveau fédéral, cantonal ou communal. La constitution fédérale doit être adaptée dans ce sens.

Un frein à la croissance



L’initiative «Droit de recours des organisations: Assez d’obstructionnisme – Plus de croissance pour la Suisse» a reçu «le soutien moral» du comité directeur du PRD suisse par 11 voix contre 2.

La récolte de signatures, qui a commencé mardi, est pilotée par les sections cantonales. Elles ont jusqu’au 16 mai 2006 pour réunir les 100’000 paraphes nécessaires.

Selon la conseillère aux Etats (sénateur) genevoise Françoise Saudan, le droit de recours actuel favorise trop l’environnement au détriment du développement économique et social.

«Des projets pour un montant total de 10 à 20 milliards de francs sont actuellement bloqués en Suisse» en raison de recours, a-t-elle indiqué, se référant à diverses études.

Débloqués, ils engendreraient la création de plus de 20’000 emplois et amélioreraient la croissance. Mais «les organisations écologistes ne tiennent compte que du facteur environnemental».

Contre l’Etat de droit



Dix associations de protection de l’environnement estiment que cette initiative «enfreint les principes fondamentaux de l’Etat de droit». Elles dénoncent «un retour en arrière en matière de protection de la nature».

Selon les organisations, dont l’ATE, Greenpeace et Pro Natura, ce n’est pas au peuple ou aux parlements de décider si un projet de construction est conforme ou non à la loi.

«Dans un Etat de droit, les parlements et le peuple ont la fonction d’entériner les lois, c’est aux tribunaux de contrôler si elles sont appliquées correctement», écrivent-elles dans un communiqué.

Selon elles, l’initiative radicale permettrait que des décisions prises par le peuple ou un législatif soient contraires à la loi. Or, elles doutent que ce soit ce que désire le PRD.

Si le texte était accepté, le droit de recours suisse deviendrait «l’un des moins efficaces en Europe», ajoutent les associations. «Même en Italie, les défenseurs de l’environnement auraient plus de droits.»

Un nouveau style



Les initiatives populaires sont un outil politique généralement utilisé par des partis qui peine à dégager une majorité au Parlement sur certains dossiers. Socialistes, écologistes et démocrates du centre (UDC / droite dure) y ont ainsi souvent recours.

Longtemps principal parti du Parlement, le PRD n’a en revanche pas une longue tradition dans le domaine. Mais, ayant vu leur influence diminuer au fil des élections, les radicaux pourraient à l’avenir davantage s’appuyer sur la démocratie directe.

«Etant donné que le PRD est devenu un parti minoritaire au Parlement fédéral, il doit essayer de faire passer sa politique par les instruments de démocratie directe, comme les petits partis, explique la politologue bernoise Regula Stämpfli. Cela n’était pas nécessaire lorsqu’il était un des grands partis qui portaient l’Etat.»

Une nouvelle génération d’élus radicaux voit donc dans l’initiative populaire un moyen de retrouver le contact avec le peuple. «Les radicaux devront se retrousser les manches et descendre dans la rue; cela rapproche des citoyens», déclare ainsi le vice-président du parti Léonard Bender.

De son côté, le sociologue genevois Uli Windisch salue le fait que les radicaux «aient enfin compris qu’il faut à nouveau prendre les citoyens au sérieux».

Il trouve «invraisemblable que le PRD ait laissé le monopole de la démocratie directe» à l’UDC durant ces dernières années. Alors qu’il s’agit d’un élément fondamental du système politique suisse.

swissinfo et les agences

– Le droit de recours des écologistes est régulièrement contesté. Au Parlement, la droite dure l’a plusieurs fois attaqué.

– L’affaire du stade de Zurich a fait rebondir la question. Le recours de l’Association Transports et Environnement a fait capoter la construction d’un grand stade pour l’Euro 2008, un projet pourtant accepté par le peuple.

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