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La feta grecque contre l’emmental suisse

Reuters

La guerre du fromage bat toujours son plein entre la Suisse et l'Union européenne (UE). Bruxelles accuse Berne de «prendre la feta en otage» afin de résoudre une vieille querelle: celle de la protection de l'indication géographique «emmental».

L’accord bilatéral que la Suisse et l’UE ont conclu en 1999 sur le commerce des produits agricoles garantit, réciproquement, la protection des indications géographiques (IG) des vins et des spiritueux.

En 2007, Berne et Bruxelles ont ouvert des négociations en vue d’étendre cette mesure à d’autres produits – en particulier le fromage.

Un compromis, qui porte sur 800 IG européennes et 21 IG suisses, a été trouvé à la fin d’avril, mais il a été battu en brèche par les Etats membres de l’Union.

Brebis, chèvres

La Grèce, nous confirme un diplomate, a remonté les bretelles à la Commission européenne qui, selon Athènes, n’a pas suffisamment défendu ses intérêts. En cause: l’exclusion «provisoire» de la liste qui a été établie de la feta, ce fromage produit de lait de chèvre et de brebis.

Au terme d’une interminable bataille judiciaire, qui a opposé la Grèce et la Commission européenne d’un côté, le Danemark, la France et l’Allemagne de l’autre, Athènes a obtenu une appellation d’origine protégée pour la feta.

Depuis octobre 2007, ce nom ne peut plus figurer que sur les étiquettes de fromages fabriqués en Grèce à partir de «lait de brebis ou de chèvres de races locales élevées traditionnellement et dont l’alimentation doit se fonder impérativement sur la flore présente dans les aires de pâturage des régions éligibles.»

Pas acceptable

Or la Suisse «ne reconnaît pas cette indication géographique», souligne Jacques Chavaz, directeur suppléant de l’Office fédéral de l’agriculture (Ofag). On continue donc à y produire 200 à 300 tonnes de «feta» par an, au grand dam de l’Union.

La Commission européenne reproche à Berne d’avoir pris la feta «en otage» afin d’obtenir des concessions de l’UE sur l’emmental, ce qui «n’est pas acceptable». Du côté helvétique, on réfute évidemment cette accusation: «La Suisse vise simplement un certain équilibre», note Jacques Chavaz; elle cherche – plus ou moins – à obtenir pour son emmental ce que la Grèce a obtenu pour sa feta.

En Suisse, l’emmental bénéficie d’une appellation d’origine protégée. Seul le fromage produit dans la région (bernoise) de la vallée de l’Emmen, suivant un cahier de charges précis, peut porter ce nom.

L’Union, où sont fabriquées quelque 400’000 tonnes d’emmental par an, dont une partie sous un nom composé protégé (Allgäuer Emmentaler en Allemagne, Emmental de Savoie et Emmental français en France), refuse de reconnaître cette indication géographique suisse, de crainte de pénaliser les producteurs européens.

Un produit générique

Selon elle, l’emmental est devenu un produit générique, ce que conteste Berne: «Plusieurs pays de l’Union ont conclu, dans les années 1970, des accords avec la Suisse qui reconnaissent que l’emmental, sans ajout de relocalisation, est une indication géographique suisse», relève le directeur suppléant de l’OFAG.

En attendant, c’est toujours l’impasse. Lors d’une réunion d’experts des Vingt-Sept, la Commission, rappelée à l’ordre par les Vingt-Sept, a récemment indiqué qu’elle continuerait à considérer l’emmental comme une indication générique et s’efforcerait donc de convaincre la Suisse d’accepter la commercialisation de son fromage dans l’UE sous la protection d’une indication géographique composée – par exemple «Emmental de Suisse centrale».

En échange, Berne devrait – fissa – reconnaître que l’appellation feta appartient exclusivement à la Grèce. La Suisse résiste toujours. Pour le moment.

Tanguy Verhoosel, Bruxelles, swissinfo.ch

Les fromages les plus consommés en Suisse sont la mozzarella, le gruyère et le fromage à raclette.

Le fromage suisse le plus exporté est l’emmental, «celui qui a des trous». Il représente près du 80% de la production destinée aux marchés étrangers.

Les principaux pays d’exportation sont l’Italie, l’Allemagne, les Etats-Unis et la France.

Les origines du fromage, la date, le lieu et les circonstances de son invention restent un mystère. Seule quasi-certitude: le fromage n’a pas été inventé en Suisse.

Les premières traces de l’apparition du fromage remontent à 3500 ans, avec la mention du «cacio» dans l’Ancien Testament.

En Suisse, Pline l’Ancien mentionne au premier siècle après J.-C. un «Caesus Helveticus», ou fromage des Helvètes, selon le nom d’une des tribus qui occupaient le territoire de la Suisse actuelle.

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