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La Suisse adopte des mesures antiterroristes contestées

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Le renforcement continu de la législation antiterroriste expose l'ensemble des citoyens à la surveillance de masse, selon des juristes et des défenseurs des droits de l'Homme.. Keystone / Fabrice Coffrini

La Suisse renforce les mesures contre la menace terroriste et le crime organisé. Les deux Chambres du parlement fédéral ont adopté un projet de loi incluant des mesures policières préventives. Un arsenal législatif fortement critiqué par des experts suisses et des rapporteurs du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

Les arguments juridiques contre ces mesures n’y ont rien fait. Le Parlement a entériné ce vendrediLien externe la Loi sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme qui a été approuvée par 112 voix contre 84 par la Chambre du peuple et par 33 voix contre 11 par la Chambre des cantons.

Avec ce nouveau train de mesures qui vise également à renforcer la coopération internationale en la matière, l’interdiction d’organisations terroristes comme Al-Qaïda, Daesh et les groupes apparentés sera inscrite de manière permanente dans le Code pénal. La réforme introduit aussi une disposition réprimant le recrutement, la formation et le voyage en vue d’un acte terroriste, ainsi que les activités de financement.

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La transmission anticipée d’informations et de preuves à des enquêteurs étrangers, notamment pour prévenir un danger grave et imminent, ne sera pas limitée. En revanche, les organisations humanitaires, le CICR en particulier, actives dans des zones contrôlées par des groupes terroristes, feront l’objet d’une exception explicite dans le Code pénal.

Mesures préventives sans procédure pénale

Le deuxième volet des mesures antiterroristes cible les individus représentant une menace, mais ne pouvant faire l’objet d’une procédure pénale. Ces personnes pourront faire face à des interdictions de périmètre et des obligations de présence à un poste de police à des horaires déterminés. Des contraintes applicables à des jeunes dès l’âge de 12 ans. Il sera possible d’assigner à résidence des personnes potentiellement dangereuses dès l’âge de 15 ans. Ces mesures seront limitées à six mois reconductibles une fois. Et c’est l’Office fédéral de la police qui sera chargé de les décider et les autoriser.

Porte ouverte à l’arbitraire

La lutte contre les groupes et les actions terroristes n’est pas contestée en tant que telle. Ce sont les atteintes de plus en plus fortes à l’État de droit qui inquiètent les défenseurs des droits et des libertés. Dans une lettre ouverteLien externe aux parlementaires, 63 professeurs de droit pénal des universités suisses ont ainsi rappelé ce mercredi les risques que fait peser cette nouvelle législation sur la Constitution fédérale.

Les critiques émises à plusieurs reprises «sont le résultat d’analyses sérieuses et approfondies, soulignant que l’action étatique sur ce terrain doit être conduite avec la plus grande vigilance, en raison des risques inhérents engendrés par la poursuite d’une politique du risque zéro», soulignent les signataires, puisqu’elles comportent des restrictions importantes aux droits fondamentaux garantis aussi bien par la Constitution fédérale que par Convention européenne des droits de l’homme, tout comme plusieurs traités de l’ONU.

Dénonçant une «répression sans les garanties pénales», les pénalistes relèvent en particulier «la notion extrêmement imprécise de terroriste potentiel, laquelle ne suppose la commission d’aucune infraction pénale, mais seulement la présence d’indices que cette personne pourrait mener des activités terroristes, notamment en propageant de la crainte».

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Un dangereux précédent

Ces avertissements ont également été lancés au début du mois par des experts de l’ONULien externe en matière de droits de l’homme, dont le Suisse Nils Melzer, Rapporteur spécial sur la torture. Regrettant le refus des autorités suisses de prendre suffisamment en compte les recommandations qu’ils avaient transmises en mai dernier, ces experts internationaux pointent notamment «l’élargissement de la définition du terrorisme à toute campagne non violente impliquant la propagation de la peur (…) Cette définition excessivement large crée un dangereux précédent et risque de servir de modèle aux gouvernements autoritaires qui cherchent à réprimer la dissidence politique, notamment par la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.»

Ce renforcement de l’appareil sécuritaire n’est pas propre à la Suisse et ne date pas d’hier. Il remonte aux attaques terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis. La «guerre au terrorisme» lancée alors par Washington a été suivie par un nombre croissant de pays au fil des années. «Les démocraties occidentales ont adopté des mesures qui ont renforcé le pouvoir exécutif, mis à mal les garanties judiciaires, restreint la liberté d’expression et exposé l’ensemble de la population à la surveillance de masse», résume Nadia Boehlen, porte-parole d’Amnesty International Suisse, dans une tribuneLien externe publiée jeudi par le quotidien Le Temps.

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