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Non sec à l’élection du gouvernement par le peuple

En Suisse, ce sont les membres du Parlement qui élisent de gouvernement. Keystone

Le Parlement continuera à élire le gouvernement suisse: l'électorat a refusé dimanche une initiative qui demandait le transfert de cette compétence au peuple. Pour les politologues contactés par swissinfo.ch, les votants n'ont pas voulu modifier une formule qui a fait ses preuves.

Comme le prévoyaient les sondages, l’initiative de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) a été très sèchement refusée. Tous les cantons ont refusé la proposition.

Le résultat est tout aussi clair au niveau des citoyens. Plus des trois quarts d’entre eux (76,3%) ont refusé d’obtenir le droit d’élire directement les membres du gouvernement (Conseil fédéral).

Le refus est particulièrement fort en Suisse romande. Les quatre cantons les plus réfractaires sont le Jura (82%), Neuchâtel (80,8%), Fribourg (80,3%) et Vaud (79,5%). L’initiative a réalisé son moins mauvais score au Tessin (67,8%). Suivent Schwyz (69,6%) et Schaffhouse (70,9%).

Campagnes ruineuses faisant dépendre les candidats de lobbies, personnalisation outrancière aux dépens de la collégialité, conflit entre exécutif et législatif, Tessinois et Romands mis en concurrence: la longue liste d’arguments contre l’initiative a convaincu. Côté participation, à peine plus de 39% des citoyens se sont rendus aux urnes.

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L’UDC prend acte

L’UDC prend acte du net refus de son initiative populaire. Son vice-président Claude-Alain Voiblet ne se montre pas vraiment surpris des résultats des votations, mais déçu. «C’est un peu dommage, déclare-t-il. On aurait pu mettre davantage de pression sur le gouvernement avec un oui».

Visiblement, «le peuple fait confiance au Parlement pour élire le gouvernement, et il l’estime compétent», a constaté Claude-Alain Voiblet. Autre cause de cette défaite, selon lui: les parlementaires fédéraux, «qui se sont fortement engagés contre le texte afin de sauver leurs prérogatives».

Pour Claude-Alain Voiblet, le parti a cependant «le mérite d’avoir relancé le débat, après l’initiative du parti socialiste» en 1942. Et de regretter de ne pas pouvoir «davantage réformer les institutions».

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Bérézina

Les autres partis se disent satisfaits par ce net refus. «Pour l’UDC, c’est une Bérézina», s’est exclamé le président du Parti démocrate-chrétien (PDC / centre-droit) Christophe Darbellay, qui constate également qu’en Suisse, il est difficile de réformer les institutions.

«Cette initiative mettait en danger la cohésion du pays et était dangereuse pour la représentation des minorités», a-t-il encore expliqué. Pour lui, «le système actuel a fait ses preuves. C’est le plus stable du monde et les gens ont en ce moment envie de miser sur ce qui fonctionne.»

«L’initiative avait seulement une chance parmi les électeurs de l’UDC, et même eux ne l’ont pas tous soutenue», remarque de son côté le député libéral-radical (PLR / droite) Kurt Fluri. Le nombre de conseiller fédéraux UDC n’est visiblement pas important pour la population.

Le Parti socialiste juge pour sa part que la solution qu’apportait l’initiative «n’aurait pas donné plus de démocratie, au contraire. Elle accentuait le problème du financement des campagnes politiques, sans apporter davantage de transparence. Changer les règles du jeu dans ces conditions-là aurait mené à ce que la démocratie soit encore plus dévoyée par l’argent.»

Le petit bout de la lorgnette

Pour Pascal Sciarini, politologue à l’Université de Genève, l’ampleur de la défaite de l’UDC n’est pas une surprise. «C’est un thème sur lequel l’UDC n’est pas très crédible, dit-il à swissinfo.ch. Autant elle est jugée crédible sur des thèmes qui ont trait à l’immigration ou à l’ouverture internationale, autant elle n’a pas cette réputation pour les thèmes institutionnels.»

Le politologue enfonce encore le clou. «Empoigner la question de la réforme du gouvernement par le mode d’élection et envisager de confier cette élection au peuple, c’est saisir le problème par le petit bout de la lorgnette. Le système de gouvernement est un mécanisme beaucoup plus vaste qui implique d’autres enjeux et d’autres interactions, en particulier la question de la gouvernance. La proposition manquait donc la cible dès le départ. Si cette initiative a un si mauvais score, c’est qu’elle ne proposait rien d’intéressant et qu’elle posait plus de problèmes qu’elle n’en résolvait.»

Reste qu’il est étonnant que le peuple refuse des pouvoirs qu’on lui offre. Pour Pascal Sciarini, c’est une preuve de sagesse. «Le peuple suisse est capable de voir ce qu’on lui offre vraiment et quel en est le prix. En l’occurrence, le prix, c’était des campagnes électorales permanentes et d’autres difficultés de mise en place auxquelles il a été sensible.»

Nenad Stojanovic, politologue au Centre pour la démocratie d’Aarau, ajoute que la grande majorité des Suisses sont satisfaits du système actuel. Par ailleurs, ils font preuve d’un certain conservatisme dès qu’il s’agit de toucher aux institutions. «Le réflexe de ne pas modifier des institutions qui ont fait leurs preuves est profondément ancré. Ce n’est pas un hasard si l’on n’a pas changé le nombre de conseillers fédéraux depuis 165 ans», note-t-il.

L’initiative stipulait que le gouvernement aurait été élu lors d’une élection populaire. Le système aurait été majoritaire à deux tours. L’élection du Conseil fédéral aurait eu lieu en même temps que celle de la Chambre du peuple, tous les quatre ans.
 
L’ensemble du pays aurait formé une seule circonscription électorale. Les régions latines (francophone et italophone) auraient eu droit au minimum à deux des sept sièges gouvernementaux.
 
Les candidats qui auraient obtenu la majorité absolue auraient été élus déjà lors du 1er tour. Lors du second tour, en revanche, la majorité simple aurait suffi.
 
Par ailleurs, l’élection du président de la Confédération et du vice-président aurait aussi relevé de la compétence du gouvernement et non plus du Parlement.

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