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Qu’attendre des pourparlers entre les États-Unis et la Russie à Genève?

Antony Blinken et Sergey Lavrov lors d une réunion de l OSCE
Ce n’est pas la première fois que le secrétaire d’État américain Antony Blinken et le ministre russe des Affaires étrangères Sergey Lavrov se rencontrent. La photo les montre lors d’une réunion de l’OSCE en décembre dernier. Ils étaient également à Genève l’été dernier lorsque le président américain Joe Biden a rencontré son homologue russe Vladimir Poutine. Keystone / Jonathan Nackstrand

Les chefs de la diplomatie américaine et russe se rencontrent vendredi à Genève pour tenter d’apaiser les tensions à la frontière de l’Ukraine où sont massées de nombreuses troupes russes.

Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, rencontre vendredi à Genève son homologue russe, Sergey Lavrov. Cette rencontre fait suite aux pourparlers de la semaine dernière entre diplomates américains et russes à la mission diplomatique des États-Unis à Genève, puis au siège de l’OTAN à Bruxelles et à l’OSCE à Vienne. Aucune entente n’avait été trouvée. La rencontre vise à apaiser les tensions à la frontière entre la Russie et l’Ukraine, où quelque 100’000 soldats russes sont en poste.

Le gouvernement américain dit craindre une attaque imminente de la Russie contre l’Ukraine. La Russie affirme que ce n’est pas son intention. Elle a en revanche rendu publiques ses demandes aux États-Unis et à l’OTAN. Parmi elles, des garanties que l’OTAN mette fin à son expansion vers l’est et à ses activités militaires en Europe orientale. Washington considère ces exigences comme inacceptables.

«Je pense que ces exigences russes ne permettront pas d’aboutir à un quelconque accord officiel. Donc si c’est ce dont il est réellement question, alors il y a un gros problème», explique Jussi Hanhimäki, professeur d’histoire et de politique internationales à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) de Genève.

«La situation est très instable et troublante», déclare Charles Adams, ancien ambassadeur américain en Finlande, qui vit maintenant à Genève. Mais «ils ne se rencontreraient pas et ne se parleraient pas si les deux parties n’avaient pas l’espoir d’obtenir un résultat positif», ajoute-t-il.

Ajoutant aux tensions existantes, la Russie a déployé en début de semaine des troupes en Biélorussie pour des exercices militaires conjoints avec le voisin nord de l’Ukraine. Du côté américain, Antony Blinken s’est rendu mercredi à Kiev pour y rencontrer le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, une marque du soutien des États-Unis pour le pays.

Avant la rencontre de vendredi, Moscou a déclaré qu’elle attendait de Washington des réponses écrites à ses demandes. Antony Blinken a déclaré qu’il ne fournirait pas de telles réponses.

«Nous avons essayé de faire comprendre à la Russie qu’il y a deux voies pour elle. Il y a la voie de la diplomatie et du dialogue pour tenter de résoudre pacifiquement les différends, quels qu’ils soient… Mais il y a aussi – si la Russie choisit à nouveau l’agression – la voie de la confrontation et des conséquences», a déclaré Antony Blinken à la presse mercredi.

Une impasse ou un accord informel?

L’apparente impasse qui oppose les États-Unis à la Russie soulève la question de savoir si les pourparlers de vendredi constituent une rencontre de la dernière chance.

Les déclarations publiques faites par les deux camps doivent être prises avec «des pincettes», estime Jussi Hanhimäki. «Quelles que soient les concessions que les négociateurs russes tentent d’obtenir, ils passeront par les canaux diplomatiques», ajoute-t-il. Mais le public pourrait ne pas en avoir connaissance tout de suite.

Charles Adams partage cet avis et pose la question: «Est-il possible que sans que le public le sache, il y ait eu, lors des réunions de la semaine dernière, des esquisses d’une sorte d’accord commun tacite, sur ce qui peut se passer ou non?» Selon lui, les deux camps pourraient offrir certaines garanties informelles. Par exemple: sur la faible probabilité d’une expansion de l’OTAN vers l’est, ainsi que sur un retrait progressif des troupes russes massées à la frontière de l’Ukraine. L’absence d’une telle entente mutuelle serait alarmante, ajoute-t-il.

Une attaque russe contre l’Ukraine déclencherait d’importantes sanctions économiques de la part de l’Occident. Antony Blinken a rencontré jeudi des responsables allemands, britanniques et français à Berlin pour coordonner les mesures potentielles.

Le nouveau chancelier allemand, Olaf Scholz, a mis en garde la Russie mardi contre le coût économique d’une intervention militaire en Ukraine. Des sanctions sur le gazoduc Nord Stream 2 – qui relie la Russie à l’Allemagne – ne seraient pas exclues, a-t-il ajouté.

Mais les tensions sont fortes et la situation n’est pas sans risque, selon les diplomates, expertes et experts.

«Il y a une pression en Russie pour ne pas reculer, et c’est vraiment ça le danger», explique Jussi Hanhimäki. Un incident mineur à la frontière de l’Ukraine pourrait déclencher une réponse militaire et une escalade du conflit, ajoute-t-il.

Une voie commune

Quel résultat sortira de la rencontre de vendredi? Ni Charles Adams ni Jussi Hanhimäki ne s’attendent à une percée à Genève, mais ils espèrent plutôt qu’un accord informel puisse émerger, une acceptation que l’escalade de la crise n’est dans l’intérêt de personne.

«Ce que vous pourriez voir en termes d’accord réel pourrait être lié au déploiement des armes nucléaires. Il existe un certain nombre de domaines dans lesquels il pourrait y avoir un terrain d’entente. Mais l’Ukraine n’en fait pas nécessairement partie pour le moment», estime Jussi Hanhimäki, qui s’attend à ce que les négociations continuent dans les semaines ou les mois à venir.

«La voie diplomatique est simplement que rien de grave ne se produise… Si rien ne se passe, c’est une bonne chose. Et ce sera la voie diplomatique à suivre», déclare Charles Adams.

Ignazio Cassis, président et ministre des Affaires étrangères de la Suisse, sera également à Genève pour des discussions bilatérales avec Antony Blinken et Sergey Lavrov après leur rencontre. Une conférence sur les réformes en UkraineLien externe doit se tenir dans la ville de Lugano, dans le sud de la Suisse, en juillet 2022.

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