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Le grand retour du bois dans la construction

Blumer-Lehmann a participé à la construction de la façade du Kilden Performing Arts Center en Norvège. blumer-lehmann.ch

Les architectes sont en train d’explorer à l’extrême les possibilités de ce matériau, érigeant des tours de bureaux futuristes et des dômes industriels, en grande partie grâce à l'expertise suisse. Exemple: le nouveau siège zurichois de l’entreprise de médias Tamedia.

Une structure de sept étages entièrement en bois et sans supports en acier. Absolument unique, selon Christoph Zimmer, responsable de la communications de Tamedia.

Les plans de l’architecte japonais Shigeru Ban ont donné du fil à retordre aux spécialistes de l’entreprise Blumer-Lehmann, chaque élément devant être coupé de manière très précise, et le tout devant être assemblé ensuite sur place.

Située à Gossau, dans le canton de Zurich, l’entreprise peut se prévaloir de succéder à la scierie fondée en 1875. Elle est toujours aux mains de la famille Lehmann. Mais quand on pénètre dans ses ateliers, aux sols couverts de sciure et fleurant bon le bois, on comprend aussitôt que la construction en bois est, de nos jours, elle aussi une affaire de haute technologie.

«Aujourd’hui, beaucoup d’architectes ont à disposition des programmes de dessin assisté par ordinateur pour concevoir toutes les formes possible, mais encore faut-il les exécuter. C’est une spécialité que nous avons intensément développée durant les trois ou quatre dernières années», indique Richard Jussel, responsable de la construction en bois.

La tendance aux constructions en bois est confirmée dans le rapport final 2012 sur la consommation de bois en Suisse. Il montre que son utilisation a augmenté de 2,52 millions de mètres cubes en 2001 à 2,77 millions en 2009, la plus grande partie (45%) étant utilisée dans le bâtiment.

«La plus forte hausse est constatée dans des appartements et, en ce qui concerne les grands projets, nous constatons presque le double», indique Birgit Neubauer-Letsch de l’Institut des sciences appliquées de l’Université de Berne, auteur de l’étude en collaboration avec l’Office fédéral de l’environnement. «Nous notons aussi une augmentation des bâtiments commerciaux, particulièrement parmi les plus petits.»

Les premiers résultats pour 2012 montrent une nouvelle augmentation de l’utilisation du bois dans la construction en Suisse.

Le bois est aussi un matériau populaire pour la construction d’annexes et les rénovations (environ 30% des appartements et maisons familiales). La tendance devrait encore augmenter dans les appartements plutôt que dans les extensions et rénovations de maisons familiales pour la première fois en 2012.

Une longue absence

Selon l’organisation faîtière de l’industrie du bois Lignum, l’année 2012 a enregistré un boom général dans la construction en bois en Suisse. Selon son porte-parole Michael Meuter, il a fallu du temps pour cela. Au début du XXème siècle, on utilisait toujours du bois, traditionnellement, pour les chalets ou les gares des chemins de fer. Puis il y a eu le règne de l’acier et du béton. Ce n’est qu’à la fin des années 1980 que l’intérêt pour le bois a recommencé à se manifester.

Puis les développements technologiques sont arrivés, comme l’informatique dans le dessin assisté et la production, et on a investi dans la formation dans les secteurs de l’ingénierie du bois, une invention suisse. «Cela a été un travail de pionnier de former des gens qui comprennent la problématique de la construction», relève Michael Meuter.

En 2004, les consignes en cas d’incendie ont été adaptées, permettant l’utilisation du bois pour construire des bâtiments de plus de six étages.

De plus, il y a actuellement un phénomène d’image voulant que l’utilisation du bois soit typiquement suisse, comme pour le bâtiment de Tamedia. «C’est une architecture de prestige», selon Michael Meuter. Autre atout, le bois est durable et utilise moins de CO2 que d’autres matériaux.

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Une prouesse technologique

Ce contenu a été publié sur «Les formes spéciales des poutres ne pouvaient être réalisées qu’en bois, grâce au caractère souple propre à ce matériau. Elles ont été produites avec la technologie suisse, la plus développée au monde dans ce domaine», souligne Shigeru Ban. (Images: Didier Boy de la Tour et Shigeru Ban Architects)

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Une belle aventure

Les éléments géants qui composent le bâtiment de Tamedia (24 mètres de long et 2 tonnes chacun) ont été réalisés grâce à l’informatique. Tout a dû être calculé au millimètre près, de manière à assurer que tous s’imbriquent les uns dans les autres.

Ce projet a été une belle aventure, même pour une entreprise aussi expérimentée que Blumer-Lehmann, poursuit Richard Jussel. Considérée comme un des leaders dans le domaine, l’entreprise était en concurrence avec plusieurs autres pour l’attribution du mandat de ce qui a été salué comme étant le plus grand bâtiment du genre dans le monde.

L’immeuble de Tamedia n’est qu’une des nombreuses structures en bois innovantes qui commencent à surgir un peu partout dans le pays. Shigeru Ban lui-même est en train de travailler à un autre projet très spectaculaire, le siège en bois courbé des horlogers de Swatch Group à Bienne, qui devrait être terminé en 2015.

Par ailleurs, les salines Schweizer Rheinsalinen ont récemment construit le plus grand dôme en bois d’Europe pour stocker leur sel en hiver. Et c’est à Mellingen, dans le canton d’Argovie, que se trouve le plus grand ensemble d’immeubles en bois du pays.

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Le plus grand bâtiment en bois du monde est à Zurich

Ce contenu a été publié sur Dès qu’on pénètre dans le nouveau bâtiment de Tamedia, au bord de la rivière Sihl, plusieurs colonnes massives en bois nous accueillent, d’une grande présence, élégantes et nobles. Un peu plus loin, d’autres colonnes serrées évoquent un temple japonais. Choisi sans concours, Shigeru Ban a dû remplir trois conditions fixées par Pietro Supino, président du…

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Effets sur l’industrie

Les effets de ce boom se répercutent sur l’industrie. «Les grandes entreprises de construction en bois qui coupent des éléments de précision ont doublé leur capacité, affirme Michael Meuter. Mais les scieries n’en profitent pas, parce que, notamment, le bois suisse est plus cher et donc défavorisé par rapport au bois européen.»

Blumer-Lehmann elle-même a triplé de volume et de salariés, et décuplé ses rentrées durant les 30 à 40 dernières années. Richard Jussel ajoute qu’on dispose actuellement d’un bon réseau d’ingénieurs et d’architectes qui travaillent avec le bois.

Leader

L’architecte Shigeru Ban a fait appel au savoir-faire technologique de la Suisse «le pays le plus en avance dans le monde» (voir l’interview ci-contre). Pour Michael Meuter, la Suisse se classe juste devant l’Autriche et l’Allemagne. En effet, ses experts sont très demandés dans le monde entier. Ainsi, Blumer-Lehmann a travaillé en Corée du Sud et en Norvège.

L’ingénieur en travaux publics et construction en bois Hermann Blumer (qui n’a rien à voir avec Blumer-Lehmann) est connu comme celui qui réussit là où les autres ont échoué. C’est lui qui a mis au point le procédé d’assemblage des éléments du bâtiment de Tamedia. Hermann Blumer, qui a travaillé avec Shigeru Ban pour d’autres projets, reconnaît que cela a été un défi, mais qu’il a repris une idée des artisans d’autrefois.

L’industrie du bois est peut-être relativement modeste par rapport à d’autres secteurs, mais elle a «des gens intelligents» qui contribuent à lui faire prendre la bonne direction, ajoute Michael Meuter. On peut donc affirmer que la construction en bois en Suisse, c’est plus que juste des chalets traditionnels. «Le bois peut permettre d’aller bien au-delà, c’est ce qui le rend si passionnant.»

La production nette atteint 7,6 milliards de francs, soit 1,8% du produit intérieur brut. Elle emploie en gros 80’000 personnes et se répartit dans quelque 12’000 entreprises, petites et moyennes pour la plupart, souvent sises en zones rurales.

Les secteurs les plus importants sont la charpenterie (bâtiment), le revêtement de sol, l’ébénisterie et l’aménagement intérieur ainsi que l’industrie du meuble.

Organisation faîtière de l’industrie du bois, Lignum regroupe toute la chaîne, de la sylviculture aux scieries, en passant par l’emballage et le papier. Elle a été fondée en 1931 dans le but de soutenir l’industrie alors qu’elle était en perte de vitesse.

Lignum attribue le Prix Lignum tous les trois ans pour une utilisation innovante du bois dans la construction, mais aussi les aménagements intérieurs, les meubles et les œuvres d’art. Le dernier prix a été attribué en 2012. Selon Michael Meuter, il fallait, au départ, bien chercher des bâtiments en bois pour le prix, mais que Lignum peut aujourd’hui faire son choix entre de nombreux projets, autre signe du boom actuel.

(Source: Lignum)

(Traduction de l’anglais: Isabelle Eichenberger)

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