Des perspectives suisses en 10 langues

Les Fêtes attirent les touristes de la mendicité

Les périodes de fêtes attirent toujours les musiciens de rue. Keystone

Pendant les Fêtes, les musiciens et les mendiants venus de l'Est se multiplient dans les rues de certaines villes suisses.

Certains d’entre eux vivent dans des situations très précaires. Pourtant ils font peu appel aux structures d’accueil en place.

Ils sont plus ou moins musiciens, vendeurs de babioles ou simples mendiants. Ce sont généralement des Tsiganes en provenance de Roumanie ou de Slovaquie. Ils débarquent en Suisse par groupe de plusieurs personnes, souvent accompagnées de mineurs.

En une journée de manche, ces mendiants aux multiples visages parviennent à grapiller une cinquantaine de francs. Ce qui équivaut à près d’un mois de salaire dans leur pays d’origine.

Malgré son évidente précarité, cette activité est donc tentante. Suffisamment en tout cas pour attirer toujours plus de touristes spécialisés dans la mendicité.

L’affaire des cantons et des communes

En Suisse, aucune loi fédérale n’interdit la mendicité, qu’elle se pratique avec une guitare, un accordéon, un étal de petits objets à vendre, ou simplement une main ou un chapeau tendus.

La réglementation est donc l’affaire des cantons et des communes. Ainsi, Vaud et Fribourg interdisent-ils à quiconque de mendier, et plus encore d’envoyer un mineur tendre la main «par fainéantise ou par cupidité.»

Par contre, il est parfaitement légal de faire de la musique dans la rue et la plupart des grandes communes délivrent des permis aux artistes de rue, moyennant payement d’une somme modique.

Difficile à cerner

«Ces trois dernières années nous avons accueilli deux, voire trois fois plus de personnes en provenance des pays de l’Est. Certains se disent musiciens. D’autres ne sont que de simples mendiants», explique Daniel Gosteli, responsable de l’un des centres d’accueil de l’Armée du Salut à Genève.

«Je suis convaincu que les gens qui nous sollicitent ne représentent qu’une petite partie des ressortissants des pays de l’Est», affirme Daniel Gosteli.

«La plupart d’entre eux ne font pas appel à nos services. Ils dorment généralement dans leurs voitures», souligne encore Daniel Gosteli.

Dans ces conditions, il est difficile de quantifier le nombre de personnes qui passeront plusieurs semaines, voire plusieurs mois d’hiver dans les rues helvétiques pour récolter quelques centaines de francs.

Cela est d’autant plus difficile que la police ne tient pas non plus de statistique en la matière.

Une «invasion» essentiellement pacifique

«Nous constatons en effet une augmentation de cette population, confirme Eric Grandjean, porte-parole de la police cantonale de Genève. Mais tant qu’elle ne pose pas de problèmes de sécurité spécifiques, la police n’a pas vraiment de raison d’intervenir».

Réponse quasi similaire du côté des autorités bernoises. «La plupart du temps, ces ressortissants étrangers ont des papiers en règle. On les traite donc généralement comme de simples touristes», confirme Peter Allemann, chef de la police des étrangers de la ville de Berne.

A Berne toujours, Beat Gross, porte-parole de la police municipale, constate une augmentation du nombre des mendiants durant la période des Fêtes. «Mais il n’y a pas eu vraiment d’explosion ces dernières années», ajoute-t-il.

Même son de cloche à Bâle, où la police ne considère pas cet afflux de musiciens et de mendiants venus de l’Est comme un problème, contrairement à ce qui peut se passer en France ou dans d’autres pays d’Europe.

Plutôt bienvenus dans le canton de Vaud

Mieux. Dans la capitale vaudoise on laisse même entendre que les musiciens, sans distinction d’origine ou de compétences, sont plutôt les bienvenus.

«La municipalité souhaite une ville animée surtout durant les fêtes, lâche Christian Séchaud, porte-parole de la police de Lausanne. Durant cette période, nous cultivons donc un certain esprit d’ouverture».

Cet esprit d’ouverture, la police semble d’ailleurs le mettre largement en pratique dans l’exercice de ses fonctions. Tous les centres d’accueil, et les services sociaux contactés soulignent qu’il existe une excellente collaboration entre les forces de l’ordre et les centres d’hébergement pour sans-abri.

Offrir un abri à ceux qui n’en ont pas

«Depuis le décès d’une femme sans domicile fixe, l’an dernier, dans des toilettes publiques, la police lausannoise est particulièrement attentive à la question des sans-abri», confirme Philippe Meystre, secrétaire général de la direction de la sécurité sociale et de l’environnement de Lausanne.

«Depuis cet incident tragique, la municipalité a ouvert un abri PC et il n’est pas rare que la police y emmène des personnes trouvées dans la rue. Sans pour autant effectuer un contrôle d’identité préalable», poursuit Philippe Meystre.

Et d’ajouter, «l’abri accueille d’ailleurs une proportion assez élevée de personnes plus ou moins clandestines. Et, nous aussi, il nous est arrivé d’héberger des ressortissants slovaques accompagnés d’enfants.»

L’abri PC porte à près de 80 lits l’offre lausannoise en matière d’hébergement nocturne pour les personnes sans domicile fixe. Il accueille en moyenne 15 personnes par nuit. Mais, depuis sa réouverture début décembre, la structure a déjà refusé du monde faute de place.

Le cas fribourgeois

A Fribourg, faute de places disponibles à «La Tuile» – l’unique centre d’accueil de la ville -, les autorités ont dû momentanément ouvrir un abri PC pour venir en aide, mi-décembre, à un groupe de neuf musiciens Tsiganes.

«Il y avait deux mineurs parmi eux, souligne l’instigatrice de cette décision, la conseillère communale, Marie-Thérèse Maradan Ledergerber».

Un geste humanitaire compréhensible. «Ils passaient la nuit entassés à quatre ou cinq dans leur Skoda en laissant tourner le moteur de temps en temps pour tenter de se réchauffer.»

«C’est humainement inacceptable, s’insurge la conseillère communale, et je vois pas comment je pourrais dormir en sachant que, à deux pas de chez moi, des personnes risquent de mourir de froid ou de finir intoxiquées au dioxyde de carbone.»

Décision politique

Pour l’heure, Fribourg s’est contenté de faire face à une urgence. Mais même si ces nouveaux mendiants venus de l’Est ne demandent – et de loin – pas tous un toit, la question globale des sans-abri n’est pas réglée pour autant.

«Nous assistons à une européanisation du phénomène», affirme Eric Müllener, responsable de «La Tuile». Ce centre d’accueil est confronté à un nombre croisant de demandes «auxquelles, nous ne pouvons pas répondre», constate Eric Müllener.

«En la matière, il est urgent de prendre des décisions politiques claires, poursuit Eric Müllener. Il faut savoir si oui ou non nous acceptons ces personnes sur le territoire suisse. Si c’est le cas, il faut leur offrir un minimum vital et ouvrir des centres d’hébergement adaptés à leurs besoins».

Et de s’insurger, «nous ne pouvons tout de même pas attendre qu’il y ait un cadavre dans une voiture ou que la droite dure empoigne la question pour admette qu’il existe vraiment un problème».


swissinfo/Vanda Janka

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision