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Vatican: 1000 ans de continuité dans le changement

Lors de l'arrivée des cardinaux pour le conclave AFP

Chef de l’Eglise catholique, le pape est également à la tête d’un Etat aujourd’hui sans territoire – le Vatican – et d’un réseau diplomatique important qui remontent au 11e siècle. Une longévité exceptionnelle, selon Agostino Paravicini, professeur honoraire de l’Université de Lausanne.

L’élection du 266e pape de l’Eglise catholique est marquée par les affaires et les scandales qui frappent depuis plusieurs années l’Eglise catholique, que ce soit les prêtres pédophiles ou ses finances opaques.

Mais l’institution a jusqu’ici fait preuve d’une grande résistance aux aléas de l’Histoire, comme l’explique Agostino Paravicini, professeur honoraire de l’Université de Lausanne et spécialiste de l’histoire de la papauté.

La nonciature apostolique en Suisse, établie en 1597 à Lucerne, est la plus ancienne représentation permanente du Saint-Siège au nord des Alpes.

La nomination d’un nonce auprès de la Confédération en 1803 met fin au vieux principe selon lequel seuls les cantons catholiques doivent avoir des relations officielles avec Rome.

Après la fondation de l’Etat fédéral en automne 1848, le pape ne se fait plus représenter que par un chargé d’affaires résidant à Lucerne.

En juin 1920, le Conseil fédéral autorise le retour de la nonciature, après quarante-sept ans d’absence. Et ce même après la conclusion des accords du Latran (entre le Saint-Siège et l’Italie de Mussolini, 1929) et la création de l’Etat du Vatican. La nonciature de Berne reste le seul point de contact officiel entre les deux Etats.

Dans les années 1990, de nouvelles tensions apparaissent avec la nomination de Wolfgang Haas comme évêque de Coire.

Une écrasante majorité de catholiques suisses est choquée par le soutien que la curie apporte un temps à Mgr Haas et à son cercle ultraconservateur. Berne estime que Rome ne dispose pas d’informations objectives sur la Suisse, ce qui incite à créer une représentation diplomatique auprès du pape.

Le Conseil fédéral nomme en 1991 un ambassadeur en mission spéciale, mettant ainsi fin à la non-réciprocité des relations diplomatiques.

À la veille de la seconde visite de Jean-Paul II à Berne (juin 2004), le Conseil fédéral désigne l’ambassadeur de Suisse à Prague comme ambassadeur de plein droit auprès du Saint-Siège. Depuis avril 2010, l’ambassadeur de Suisse auprès du Saint-Siège réside en Suisse.

Paul Widmer est depuis octobre 2011 ambassadeur auprès du Saint Siège résidant à Berne.

Source : Dictionnaire historique de la Suisse et DFAE

swissinfo.ch: La démission du pape Benoit XVI et l’élection de son successeur sont-elles toujours marquées par les conséquences de Vatican II et le recadrage conservateur qui s’en est suivi?

Agostino Paravicini: C’est le grand enjeu en effet. La renonciation de Benoit XVI a bien mis en évidence ce problème. Les réactions qui ont suivi ont montré deux camps : pour les uns, c’est un signe de modernité puisque la figure du pape est redimensionnée. Les autres ont fortement manifesté leur perplexité face à cette modernité.

Cela dit, il ne faut pas s’attendre à une révolution, quand bien même il faudrait des décisions courageuses que l’ancien pape a tenté de faire passer sans succès. Ce pontificat n’a d’ailleurs pas été unitaire. Certaines décisions ont constitué une régression du point de vue des promoteurs de Vatican II, d’autres ont été des gestes d’ouverture.

Mais la décision la plus moderne de Benoit XVI est sa démission et son choix de vivre au Vatican, comme un évêque. Cette renonciation devrait avoir un effet boule de neige. Mais il est difficile de dire combien de temps cela prendra, le paradoxe étant que cette désacralisation relative du statut du pape renvoie à ce qu’il était durant le premier millénaire : le premier des évêques, le Primus inter pares.

Quoi qu’il en soit, aucune institution au monde n’a un passé aussi continu et aussi long. Comme historien, il est fascinant de voir comment cette institution se pérennise, tout en s’adaptant continuellement.

swissinfo.ch: Sur la scène internationale, la priorité de la diplomatie vaticane sera-t-elle maintenue sur les questions de société ?

A.P.: C’est un des grands enjeux de la diplomatie vaticane de ces deux dernières décennies: trouver un espace dans ce dialogue planétaire autour des grandes questions de société. 

Cette politique va continuer de se développer. D’autant plus si le nouveau pape vient d’un autre continent que l’Europe. L’Eglise veut avoir son mot à dire sur les problèmes de société.

Pour autant, le nouveau pape aura surtout à résoudre les grands problèmes qui frappent le Vatican et l’Eglise catholique.

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swissinfo.ch: Depuis quand peux-on parler de diplomatie vaticane?

A.P.: C’est à partir du 11e siècle de notre ère que la papauté organise un système diplomatique, période durant laquelle la papauté moderne se construit. Et ce avec la création de la fonction de légat pontifical qui débouchera sur la création au 16e siècle du nonce comme ambassadeur.

A cette époque, le Vatican était le grand arbitre, la superpuissance du monde avec un réseau diplomatique étendu et rapide. Au Moyen-Age, ce réseau était plus important que ceux des rois et des empereurs. Les courriers pontificaux étaient très performants. Ils pouvaient parcourir  jusqu’à 70 km par jour.

A partir du 15e et 16e siècle, les seigneurs italiens, la République de Venise, les grands souverains développent aussi leur propre réseau diplomatique. Mais pendant des siècles, aucune souveraineté n’a eu un réseau aussi étendu que celui du Vatican. Or celui qui est le mieux informé gagne un pouvoir important sur ses adversaires ou ses partenaires.

swissinfo.ch: Quelle a été l’impact de la montée du fascisme et du nazisme sur cette diplomatie?

A.P.: A cette époque, le Vatican était au centre de grandes tractations diplomatiques. Si Pie XI s’est montré très critique à l’égard du nazisme, son successeur Pie XII,  grand diplomate notamment en Allemagne, a choisi le silence, ce qui fait encore aujourd’hui débat.

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swissinfo.ch : Et durant la Guerre froide, la diplomatie vaticane est-elle restée au centre des attentions?

A.P.: C’est un des grands moments de la diplomatie vaticane qui a élaboré des stratégies extrêmement fines pour sauver l’essentiel face à un système soviétique hostile. Cette stratégie a pris un nouveau tour avec l’élection du polonais Jean-Paul II, très impliqué dans ce combat. On dit d’ailleurs que le chef de la CIA était très souvent au Vatican à cette époque.

swissinfo.ch: Longtemps, la Suisse et le Vatican ont partagé le même statut d’Etat observateur à l’ONU. Cela a-t-il conduit à des relations privilégiées?

A.P.: Les relations entre la Suisse et le Vatican sont compliquées depuis longtemps. Suite aux affrontements du 19e siècle entre les Etats-nations et l’Eglise (Kulturkampf) et la guerre du Sonderbund, la Confédération suisse a veillé scrupuleusement à la paix confessionnelle, en ne donnant pas une représentation jugée trop élevée à un Etat religieux, comme le Vatican.

En même temps, il y a toujours eu des canaux de communication assez étroits,  notamment durant la Seconde guerre mondiale.

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