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La décision du pape fait l’unanimité

Le pape Benoît XVI a créé la surprise en annonçant son retrait. Keystone

La presse suisse de mardi salue la décision du pape de quitter ses fonctions à la fin février. Pratiquement tous les journaux y voient du courage et de la lucidité. Mais les commentateurs se montrent beaucoup plus critiques lorsqu’il s’agit de juger l’ensemble du pontificat.

On ne trouve dans la presse du jour finalement guère qu’une seule voix discordante, celle de la Basler Zeitung. «La décision de Benoît XVI n’est pas une bonne nouvelle pour la chrétienté catholique», juge le quotidien bâlois. En effet, le fait que la plus haute autorité de l’Eglise se retire tout simplement, comme un conseiller fédéral ou le patron d’une grande entreprise, rend l’Eglise encore un peu plus ordinaire.»

Courage et lucidité

Mais pratiquement tous les autres commentateurs saluent le retrait du pape. Dans les éditoriaux, deux mots reviennent souvent: courage et lucidité. «L’Histoire retiendra que le pape Benoît XVI a eu la lucidité, le courage aussi, de démissionner en prenant tout le monde de court», notent par exemple 24 heures et la Tribune de Genève.

«Quel pape après lui osera encore refuser de laisser le trône de saint Pierre à un homme plus jeune, plus dynamique? Quel souverain pontife se risquera à montrer une déchéance physique comme celle d’un Jean-Paul II à la fin d’un règne beaucoup trop éprouvant? L’intellectuel, le théologien Benoît XVI a su relativiser les choses en humanisant la fonction de pape. Aujourd’hui, le vrai révolutionnaire, celui qui apporte le changement, c’est bien Benoît XVI», ajoutent les deux journaux .

«Avec cette décision courageuse et honorable, Benoît XVI a lui-même limité la durée du son mandat pour des raisons de santé, et ce au sein d’une institution où la tradition joue un grand rôle. Il y a des siècles qu’un pape n’avait pas pris une mesure de ce genre. Mais il serait souhaitable que cet exemple surprenant fasse école. Les représentants du Christ eux-aussi arrivent un jour ou l’autre à leurs limites humaines», juge pour sa part le grand quotidien zurichois NZZ.

«Depuis sept siècles, ses prédécesseurs ont serré les dents et se sont accrochés au pouvoir. Leur vieillesse était leur chemin de croix. En renonçant à sa charge, Benoît XVI devient un homme parmi les hommes, avec ses forces mais aussi ses faiblesses. Il permet surtout à l’Eglise de se choisir un successeur sans avoir à attendre le terme d’une longue agonie», écrit le quotidien populaire romand Le Matin.

Benoît XVI a annoncé sa volonté de se retirer lundi. Ce retrait devrait être effectif le 28 février à 20h00.

Le pape (85 ans) a expliqué – en latin – n’avoir plus les forces nécessaires pour accomplir cette mission. Le dernier cas de démission d’un pape remontait à 1294 (Célestin V).

Benoît XVI se retirera provisoirement dans la résidence d’été des papes à Castel Gandolfo, puis dans un monastère dans l’enceinte du Vatican.

Un conclave aura lieu dans les 15 à 20 jours suivant le retrait, a indiqué le porte-parole du pape. Le nouveau pape devrait être connu pour Pâques (31 mars), a-t-il estimé.

Un pape de transition

Pour le reste, les commentateurs jugent assez sévèrement les presque huit ans de pontificat de Benoît XVI. Plusieurs journaux se demandent même si l’annonce du retrait ne restera pas le moment le plus important. A l’instar du quotidien neuchâtelois L’Express qui écrit: «C’est probablement la plus belle action de son pontificat».

Les différents titres de la presse suisse reviennent sur toute une série de problèmes qui ont à entaché l’image de l’Eglise au cours de ce pontificat: le discours de Ratisbonne qui a froissé les musulmans, le scandale des prêtres pédophiles, le rapprochement avec les intégristes catholiques et une rigidité qui reste de mise dans des dossiers comme l’ordination des femmes ou la communion de divorcés.

«Le cardinal Ratzinger aura été un pape de transition, élu pour rassurer une communauté ébranlée par les ruptures culturelles, note Le Temps. A ses yeux, l’unité de l’Eglise devait l’emporter, les réformistes patienter et le monde vivre avec une Eglise peu pressée de répondre aux aspirations de la société civile.»

Attentes importantes

Pour bon nombre de commentateurs, après ce pontificat, les attentes sont donc importantes. «Beaucoup de gens espèrent maintenant que l’on fasse enfin des progrès sur des questions comme l’ordination des femmes, le célibat ou la sexualité. Mais espérer que l’on mette le turbo serait illusoire. Pour être crédible, une Eglise a aussi besoin d’une certaine constance. Mais il est à espérer que le nouveau pape ramène l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui et prenne en compte sa diversité culturelle», estime La Neue Luzerner Zeitung.

«Les lignes doctrinales de l’Eglise n’ont pas bougé, l’aspiration de nombreux fidèles à un retour aux sources évangéliques n’est pas assouvie. C’est dire les espoirs – démesurés – qui attendent son successeur», juge pour sa part le quotidien fribourgeois La Liberté.

«Le prochain pape ne devrait pas échapper à une réforme du Vatican en profondeur, tant à sa tête qu’à la base», conclut la Berner Zeitung.

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