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Un héritier de Galilée entre à l’Académie pontificale

Galilée (Galileo Galilei) devant l'Inquisition du Saint-Office au Vatican (1632). Gravure d'après la peinture de Robert-Fleury Joseph Nicolas (1797-1890). zVg

Le Pape Benoît XVI a nommé Werner Arber, spécialiste en biologie moléculaire et Prix Nobel suisse, à la présidence de l’Académie pontificale des sciences, un cénacle important qui se consacre à la science pure. C’est le premier président de religion réformée.

Fondée en 1603, l’Académie pontificale des sciences compte 80 experts du monde entier, pas forcément membres de l’Eglise catholique, dont un tiers de Prix Nobel.

Parmi eux figure le Suisse Werner Arber, lauréat 1978 du Nobel de médecine. Ce professeur émérite de biologie moléculaire de l’Université de Bâle est académicien depuis trente ans et préside cet organe pontifical depuis le début de l’année.

swissinfo.ch: En quoi consistent les activités du président de l’Académie pontificale des sciences?

Werner Arber: Nous suivons les progrès des sciences naturelles et réfléchissons à leur signification pour la société. J’informe périodiquement le Vatican de l’état de nos connaissances.

swissinfo.ch: Vous êtes le premier président protestant de cet organe. Etes-vous traité différemment qu’un catholique?

W.A.: Je ne peux pas répondre à cette question parce que je n’ai pas de point de comparaison. Je suis probablement devenu président parce qu’on a remarqué que je suis un scientifique qui montre un intérêt pour toutes sortes de choses.

swissinfo.ch: Le Pape donne-t-il des indications sur les thèmes dont l’Académie doit traiter?

W.A.: De temps en temps, mais plutôt rarement, le Vatican exprime un désir. Il y a quelques années, nous avons organisé une conférence sur l’«instant de la mort».

La question était de savoir si on meurt après une mort cardiaque ou une mort cérébrale. Ce sujet a été proposé par le Pape.

swissinfo.ch: Et quelle a été la conclusion de l’Académie?

W.A.: Après avoir consulté des experts médicaux, nous sommes parvenus à la conclusion que la mort cérébrale prime sur la mort cardiaque, car on peut être réanimé après un arrêt cardiaque. Mais honnêtement, nous avons dû nous tenir au fait qu’on ne peut jamais se prononcer avec exactitude sur la mort cérébrale. Il y a des gens qui restent dans le coma pendant des années.

Du point de vue médical, il s’agissait de se demander quand, sur le plan éthique, on peut prélever un organe. D’autre part, le Vatican souhaitait savoir à quel moment l’âme quitte le corps. Mais nous n’avons pas pu répondre à cette question d’un point de vue scientifique.

swissinfo.ch: L’Académie est donc plutôt indépendante du Vatican?

W.A.: Oui. L’Académie a une très longue histoire et on dit qu’elle existe depuis plus de 400 ans, depuis l’époque de Galilée. L’Eglise a alors beaucoup péché envers les sciences naturelles. Le Vatican en a pris conscience et Galilée a été réhabilité en 1992.

swissinfo.ch: Quelle influence l’Académie a-t-elle sur le Pape?

W.A.: Je dirais que le Pape reprend de temps en temps nos conclusions pour ses propres réflexions et ses décisions en sont donc influencées.

swissinfo.ch: Qu’est-ce qui peut amener le Pape à s’intéresser aux sciences naturelles?

W.A.: Des questions sur la réalité. Beaucoup d’autres humains, religieux ou non, réfléchissent là-dessus. Et aussi des questions sur la vérité, sur nos origines et sur notre devenir. Mais aussi sur l’évolution: quelle est la différence entre la vie et la non-vie?

swissinfo.ch: Pour le Pape, il y a un esprit créateur derrière l’évolution, une force qui a planifié cette évolution: Dieu. Quelle est votre position?

W.A.: Les sciences naturelles n’ont pas pu prouver si Dieu existe ou non jusqu’ici, ce sera peut-être le cas dans des siècles mais je n’en sais rien. En tant que scientifique, je ne constate aucune volonté originelle de créer un être humain.

Honnêtement, on doit s’en tenir à ceci: nous pouvons parvenir à de nombreuses conclusions sur la réalité, mais même en tant que spécialiste de l’évolution, je ne suis pas en mesure de dire comment est né le premier organisme vivant.

swissinfo.ch: Et comment la science explique-t-elle cela?

W.A.: Les sciences naturelles appellent cela de l’auto-organisation. Nous sommes en mesure de dire beaucoup de choses sur le fonctionnement actuel de l’évolution. Sur l’évolution du cosmos et sur l’évolution de la vie.

On sait quand notre soleil aura consommé toute son énergie et quand il n’y aura plus de soleil. C’est une partie de l’évolution de la nature. Jusqu’à ce moment, la diversité de la vie continuera sur notre planète.

swissinfo.ch: Comment dois-je le comprendre?

W.A.: Il faut définir ce qu’est la vie. La définition de l’autorité américaine de l’espace, la NASA, comporte deux critères: d’abord la possibilité de reproduction et donc de descendance, et ensuite la faculté d’adaptation à de nouvelles conditions d’existence et donc d’évolution. C’est le cas sur notre planète, où tous les organismes peuvent faire cela. Je pense que c’est là une bonne définition de la «vie».

swissinfo.ch: Que pense la papauté de cette définition?

W.A.: En 1995, Jean Paul II a confirmé lors d’une audience avec l’Académie qu’on doit penser que la vie passe par une évolution, qu’elle peut s’adapter à de nouvelles conditions. Il n’a pas dit que c’était un fait, mais il a dit qu’il fallait l’envisager. Benoît XVI, lui, n’a encore jamais dit le contraire jusqu’à maintenant. Mais il n’a jamais non plus approfondi cette question, pour autant que je sache.

Selon l’entourage du pape, l’Eglise catholique voit une création permanente dans l’évolution biologique et dans l’évolution cosmique.

Depuis quelques années, les universités pontificales ont un programme appelé STOQ (science, théologie et questions ontologiques). Je fais partie de la commission de planification. STOQ organise des conférences avec des scientifiques de la nature, des théologiens, des philosophes, des philosophes des sciences et des historiens des sciences qui traitent des rapports entre les connaissances des sciences naturelles, la doctrine théologique et la réalité.

swissinfo.ch: Ce programme inclut-il des discussions sur les différences entre hommes et femmes faites par l’Eglise catholique?

W.A.: Il y a des femmes parmi les membres de l’Académie pontificale des sciences et également dans ces programmes. J’ignore si la position de la femme dans la société et dans l’Eglise a déjà été un sujet d’étude. Les programmes du STOQ comme de l’Académie ne traitent que des questions relevant des sciences naturelles et non des sciences sociales.

Werner Arber est né le 3 juin 1929 à Gränichen, dans le canton d’Argovie.

Il étudie la chimie et la physique à l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) entre 1949 et 1953. Fin 1953, il devient assistant dans le laboratoire qui gère le microscope électronique de l’Université de Genève. 

Il obtient son doctorat de l’Université de Genève en 1958.

Après une programme, de recherche en 1958 à l’University of Southern California, il retourne fin 1959, à l’université de Genève.  En 1965, il est y promu au titre de professeur extraordinaire en génétique moléculaire. à l’Université de Genève. En 1971, après une année passée en tant que professeur à Berkeley, il intègre l’Université de Bâle.

Il a obtenu en 1978 le Prix Nobel de médecine avec Hamilton Smith et Daniel Nathans pour la découverte de l’enzyme de restriction.  

Il est membre de l’Académie pontificale des sciences, dont il est nommé président en janvier 2011.

L’Académie pontificale des sciences, anciennement l’Académie des Lynx fondée par Federico Cesi à Rome en 1603, fut la première académie scientifique du monde.

Depuis 1936, l’Académie pontificale des Sciences a un caractère de plus en plus international. Tout en maintenant son intérêt pour les différentes branches de la science, elle souligne l’importance des coopérations interdisciplinaires.

Aujourd’hui, l’Académie s’intéresse à la fois à la recherche scientifique fondamentale mais aussi aux problèmes liés notamment à l’éthique de la responsabilité environnementale de la communauté scientifique.

L’Académie décerne tous les deux ans la Médaille Pie XI à un jeune scientifique de réputation internationale.

L’Académie possède la réputation d’être l’assemblée qui compte le plus grand nombre de lauréats du prix Nobel – la plupart d’entre eux ayant été élus à l’Académie pontificale des sciences bien avant de recevoir le prix Nobel.

Le siège de l’Académie est la Casina, un trésor de l’architecture du XVIe siècle encerclé par les jardins du Vatican, construit en 1561 pour servir de résidence d’été au pape Pie IV.

 

Source: Wikipédia

Traduction de l’allemand: Isabelle Eichenberger

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