La voix de la Suisse dans le monde depuis 1935
Les meilleures histoires
Démocratie suisse
Les meilleures histoires
Restez en contact avec la Suisse

Yoshi est venu mourir en Suisse

yoshi s hand
Ses facultés motrices s'étant détériorées en raison d'un trouble neurologique. Yoshi avait besoin de deux cannes pour marcher. Ester Unterfinger/swissinfo.ch

Un Japonais s'est rendu en Suisse pour y mourir. Nous l'avons accompagné dans son dernier voyage. Voici son histoire.

Nous sommes mercredi après-midi, en début d’été. Une légère bruine tombe. Yoshi* arrive à l’aéroport de Zurich avec ses parents en fauteuil roulant. Avec difficulté, à l’aide de deux cannes, il s’extirpe de son fauteuil et monte dans un taxi. Celui-ci les emmène à Bâle. «Je suis tellement soulagé que nous ayons réussi.» Il regarde le paysage par la fenêtre de la voiture.

La décision de faire ce voyage est arrivée soudainement, il y a seulement quinze jours. Trois ans plus tôt, Yoshi avait reçu une autorisation de suicide assisté de la part de l’organisation bâloise d’assistance au suicide lifecircle. Il ne voulait pas faire le voyage avant 2022, mais en juin, son état s’est aggravé, de plus en plus rapidement, comme une pierre qui descend une colline et gagne en vitesse au fur et à mesure. «L’engourdissement de ma gorge et de ma langue a empiré. Je ne pouvais plus avaler de nourriture solide. J’avais également plus de difficultés à bouger mes doigts. Je sentais que ma vie était en jeu désormais.»

Le suicide assisté est illégal au Japon. Yoshi doit donc monter dans l’avion avant de ne plus pouvoir bouger son corps, sinon il sera trop tard. Il doit également convaincre ses parents. Il veut qu’ils l’accompagnent. Au début, ils refusent. Durant le vol de plus de douze heures pour la Suisse, son dernier, il ressent de fortes douleurs à l’abdomen.

Lorsqu’il arrive à l’hôtel à Bâle, il s’installe dans une chaise longue inclinable équipée de roulettes et d’un appui-tête. Hormis pour sa toilette et pour dormir, Yoshi passe tout son temps couché dans le transat dans sa chambre d’hôtel, dans cette ville qui lui est étrangère.

Somnifères, antidouleurs et remèdes contre l’engourdissement: ses compagnons quotidiens sont là aussi. «Les muscles de mon torse se sont considérablement affaiblis. Mes organes internes ont moins de tenue, alors ils appuient sur des nerfs, ce qui provoque une forte douleur», explique le malade. Depuis quelque temps, il ne parvient pas à dormir plus de trois heures d’affilée. Même avec des somnifères, il se réveille toutes les quelques heures. Dès que leur effet se dissipe, la douleur le réveille.

medicine
Médicaments et compléments alimentaires. Kaoru Uda / swissinfo.ch

Il ne peut manger que des compléments alimentaires, des yaourts ou du porridge. Il ne prend aucun plaisir à siroter des liquides pour obtenir les calories et les nutriments nécessaires au bon fonctionnement de son corps.

«Je ne veux pas vivre sans dignité»

Retour quelques années plus tôt au Japon. Yoshi est un employé de bureau d’une quarantaine d’années, célibataire. Il vit avec ses parents dans l’est du pays. Il remarque les premiers signes de la maladie il y a cinq ans. Il ressent alors une douleur constante dans les genoux et ne peut plus se tenir sur la pointe des pieds. Lors de son contrôle annuel, son foie présente également des valeurs inhabituelles. Après un examen, le médecin lui annonce que ses muscles sont «cassés». Le diagnostic: «suspicion de trouble des motoneurones (MND)».

Les MND désignent les maladies dans lesquelles la fonction des motoneurones se détériore. La plus courante de ces maladies est la sclérose latérale amyotrophique (SLA). Lorsque les neurones moteurs sont atteints, les ordres du cerveau ne sont plus transmis et le corps perd progressivement la capacité de se mouvoir comme il le souhaite. À terme surviennent aussi des problèmes respiratoires et, inéluctablement, la mort. Il n’existe aucun traitement. Si Yoshi n’a pas reçu un diagnostic définitif de SLA, des symptômes semblables à ceux qu’elle provoque sont progressivement apparus dans ses membres, ses mains et son abdomen, jusqu’à sa gorge et sa langue.

Des vidéos et des blogs de patients atteints de SLA le poussent à réfléchir à son propre avenir. «Je n’empêche pas les personnes sous respirateur de lutter, dit Yoshi, mais personnellement je ne veux pas vivre sans dignité.» Deux ans plus tard, en avril 2018, il contacte lifecircle. Il ne lui faut pas longtemps pour obtenir le feu vert.

À la fin du mois de mai de cette année, il peut encore marcher sur environ 200 mètres avec des cannes. Il continue à travailler à domicile pour l’entreprise dans laquelle il est employé depuis 13 ans. Il peut également déguster les plats cuisinés par sa mère assis à table. Jusqu’à ce que son état se détériore soudainement.

D’aucune utilité pour la société

Bâle. Yoshi est stressé. Il doit rencontrer deux médecins de lifecircle. Même si l’accord pour le suicide assisté a déjà été donné, il peut être révoqué si les médecins constatent que le patient manque de discernement ou qu’il est sous l’influence d’une tierce personne.

9h30. Yoshi s’adosse à son fauteuil roulant et fixe la porte en silence. Peu après, la première doctoresse entre. Elle s’appelle Erika Preisig. Yoshi répond à ses questions sur son état actuel et sur la façon dont l’idée de recourir au suicide assisté est née. Il choisit ses mots lentement et calmement.

sign
Yoshi (à droite) signe le formulaire de consentement pour la prescription d’un médicament létal présenté par le docteur Erika Preisig. Kaoru Uda / swissinfo.ch

Lors de la deuxième conversation avec un autre médecin, le travail de Yoshi est évoqué. «Vous avez gardé votre emploi jusqu’à la veille de votre voyage?», demande le médecin d’un air surpris. Yoshi déclare: «Il était très important pour moi d’apporter une contribution à la société. Mais ma maladie ne me permet plus de le faire. J’ai la sensation de ne plus avoir de valeur.»

Les deux conversations durent plus de trois heures. «D’un point de vue médical, rien ne s’oppose à votre suicide assisté». Lorsque le docteur prononce ces mots durant le second entretien, la nervosité de Yoshi retombe un peu. Son suicide assisté est prévu pour samedi. Nous sommes jeudi. Il veut passer le temps qui lui reste avec ses parents.

Comme ceux-ci ont attendu dans une pièce séparée, il leur parle du rendez-vous à venir. Sa mère demande à nouveau: «Tu es sûr que tu ne changeras pas d’avis ?»

Des douleurs trop intenses

La maladie ne laisse plus de répit à Yoshi. Le soir, il ressent une gêne sourde dans l’abdomen. Le signal familier de douleurs sévères émergentes. Mais cette fois, elles arrivent par vagues d’une intensité sans précédent. Il prend plus de somnifères que d’habitude pour trouver le sommeil. Mais trois heures plus tard, il se réveille à nouveau, en proie à des douleurs infernales. «Je n’en peux plus.» Il appelle Erika Preisig.

Vendredi. Au matin, il s’excuse auprès de ses parents d’avoir demandé à avancer le rendez-vous. Ils ne sont désormais plus totalement contre.

Yoshi ne peut plus s’asseoir dans son fauteuil roulant. «Je dois économiser mon énergie.» Il se hisse sur le bord du lit et allonge le haut de son corps sur le dos. «C’est comme cela que je souffre le moins.» Il attend. On va lui donner un nouveau rendez-vous.

«Je n’ai ni plan B, ni plan C»

Pourquoi la Suisse?

«Parce que je veux mourir dans la dignité humaine. Respirer, manger, aller à la selle et communiquer, tels sont les fondements de la vie. Maintenant que je ne peux plus faire tout cela, je prends la bonne décision d’en finir.»

La famille voit les choses différemment. Sa mère plaide. «Je veux que tu vives, quoi qu’il arrive». Mais, selon Yoshi, cela nie sa douleur et sa dignité. «Les patients comme moi ne veulent pas se sentir obligés de rester dans la spirale de la souffrance. Nous ne voulons pas que nos propres familles soient aussi cruelles.»

Le suicide assisté est également bon pour la société, dit le quarantenaire. «Si un patient atteint d’une maladie en phase terminale veut mourir et peut renoncer à la vie, alors d’énormes ressources médicales peuvent être allouées à quelqu’un d’autre. Pour moi, il s’agit d’un acte très éthique.»

Mais dans de nombreuses sociétés, l’euthanasie n’est pas autorisée, remarque-t-il. «Pourquoi la décision de donner un respirateur à une personne plutôt qu’une autre est-elle considérée comme acceptable, mais pas le suicide assisté?»

Il espère que le suicide assisté sera un jour légalisé pour les malades dans sa situation, «afin que les gens comme moi puissent mourir paisiblement chez eux», dit Yoshi.

Trois heures avant le suicide assisté. Il n’a aucun doute. «Si j’avais une maladie curable, je pourrais essayer. Mais je n’ai ni plan B, ni plan C.»

Les derniers mots

13h45. Le soleil qui resplendit fait oublier les derniers jours pluvieux. Yoshi et ses parents prennent un taxi pour se rendre dans les locaux de lifecircle près de Bâle. Le docteur Preisig attend la famille. Elle les emmène dans une pièce spacieuse avec un lit simple, une grande table et un canapé. Tout est baigné de la lumière du soleil de ce début d’été.

Yoshi est assis dans son fauteuil roulant à la table et signe un papier après l’autre: demande de certificat de décès, formulaire de consentement au suicide assisté et un autre pour la crémation. Puis il sourit. «Merci. Je suis prêt.»

14h45. Yoshi enlève ses chaussures et s’allonge sur le lit. Le docteur Preisig insère une aiguille dans le dos de la main droite de Yoshi. Sa mère se tient à son côté gauche et caresse tendrement l’épaule de son fils, encore et encore.

Il est temps de se dire au revoir. Son père dit: «Merci d’avoir vécu avec nous toutes ces années. Tu as toujours été un trésor pour nous. Amuse-toi bien au paradis. Nous serons bientôt là». Il sourit. Yoshi sourit en retour. «Je vous attendrai.»

La poche de perfusion est emplie d’une dose létale de pentobarbital sodique. Tout est prêt.

15h00. Yoshi dit: «Bon, j’y vais alors!» Sans hésiter, il ouvre la valve de la perfusion avec son doigt.

La drogue mortelle coule lentement à travers la canule dans son corps. Yoshi rit: «Ça marche? Je ne sens rien», dit-il d’une voix rauque, peut-être pour cacher sa nervosité.

Trente secondes plus tard, quatre petits souffles ronflants émanent de sa bouche – ses derniers sons.

Comme Erika Preisig l’avait expliqué, il est tombé dans le coma. Trois minutes plus tard, la doctoresse place un stéthoscope sur la poitrine de Yoshi et vérifie ses pupilles. Doucement, elle dit: «Il est parti».

«Sans douleur ?» demande le père de Yoshi. Erika Preisig pose délicatement sa main sur celle de Yoshi et dit: «Oui, plus de douleur».

La main est encore chaude.

Traduit de l’allemand par Emilie Ridard

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Joignez-vous à la discussion

Les commentaires doivent respecter nos conditions. Si vous avez des questions ou que vous souhaitez suggérer d'autres idées de débats, n'hésitez pas à nous contacter!
Anonyme
Anonyme
Le commentaire suivant a été traduit automatiquement du JA.

Son choix serait le suivant. Ce n'est pas une erreur.
Il vaut mieux vivre plus longtemps si la maladie est guérissable, mais je ne refuse pas de prolonger la vie, mais son choix est aussi le bon.

Je travaille dans une maison de retraite.
Je ne vais pas entrer dans les détails parce que ce serait une information personnelle, mais je vais vous induire un peu en erreur.

Il y a beaucoup de personnes d'environ 100 ans qui ne peuvent pas communiquer et qui ne peuvent qu'ouvrir la bouche. De plus, certains patients sont difficiles à nourrir parce qu'ils n'ouvrent pas la bouche même si on le leur demande.

Personnellement, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de nourrir le patient s'il n'ouvre pas la bouche.
Cependant, les superviseurs et les cadres supérieurs qui pensent être bons, justes et gentils devraient mettre de la nourriture dans la bouche du patient. Ils vous disent de mettre la nourriture dans votre bouche. Ils leur disent de manger.

Certains leur disent même de mettre la nourriture dans leur bouche ou de la jeter dans leur bouche.
Il en va de même dans l'entreprise où je travaille actuellement.
Il y a encore des gens qui s'énervent parce qu'ils n'arrivent pas à faire manger les gens parce qu'ils ne savent pas s'occuper d'eux ou qu'ils ne leur parlent pas.

Il est impossible qu'une personne de 100 ans puisse manger un repas complet.
Il y a des gens qui peuvent manger, mais ils sont réprimandés, alors nous devons les forcer à manger.

Elles peuvent digérer et cela les nourrit, elles ne sont donc pas mortes et ont certainement une longue vie.

Beaucoup de gens veulent savoir que je leur donne trois repas complets par jour, même s'ils ont une centaine d'années, mais il y a des patients âgés grabataires qui doivent fournir plus que moi et manger plus que moi en raison de problèmes nutritionnels légaux.

Pour être honnête, je pense parfois aux prestataires de soins que s'ils veulent aller aussi loin, ils devraient me mettre un tube dans la bouche et verser la nourriture dans ma gorge.

Il y a des personnes qui sont nourries par intraveineuse, mais certaines d'entre elles meurent au bout de quelques années parce qu'elles ne peuvent plus absorber les nutriments.
Je vis moi-même de temps en temps avec un régime complet, je ne nie donc pas l'efficacité et l'adoption des régimes nutritionnels, même si la prolongation de la vie est une affaire personnelle.

Cependant...
Dans le cas des patients atteints d'une maladie du col de l'utérus, il n'y a souvent pas d'ego, seuls les membres de la famille, les médecins et l'argent comme les pensions sont impliqués, et il y a ceux qui le font pour prolonger la vie, de sorte qu'il n'est pas toujours évident de savoir ce qui est juste.

Certains membres de la famille veulent vraiment prolonger la vie, et nous ne savons pas quelles sont leurs véritables intentions.

Je ne peux pas nier les familles qui veulent prolonger la vie.
Je pense qu'il est difficile de pratiquer l'euthanasie, mais je pense aussi que la longévité n'est pas la seule chose qui soit bonne et que les souhaits du patient doivent être respectés.

Au travail, on me dit souvent que je suis un salaud qui cherche des excuses.
Je veux que les gens sachent qu'il y a de nombreux professionnels de la santé qui pensent qu'il est merveilleux de forcer une personne à vivre longtemps en lui faisant avaler de force de la nourriture.

Je ne dis pas que l'euthanasie est une bonne idée.
Je ne veux pas que les gens condamnent ceux qui choisissent l'euthanasie.

彼の選択はありだろう。間違ってない。
直る病気なら長生きしたほうがいいけれど、延命を否定はしないが、彼の選択も正しい。

高齢者施設で勤務してる。
個人情報になるので、詳細を書かず少し誤魔化して書くけれど。

意思疎通ができず、口しか開けることができない100歳前後は多い。その上で、声をかけても口を開けないので、食べさせることが難しい患者もいる。

個人的にはご本人が口を開けないのなら、食事をさせなくても良いとは思っている。
しかし、自分はいい人で正しいし優しいと思い込んでる上司や先輩がちゃんと口に食べ物を入れ込め。食べさせろ。と指示を出す。

ちゃんと、口に入れ込めろ、ちゃんと放り込めという言い方で指示する方までいる。
今勤めている法人もそうだ。
食べさせられないのは、介護技術や声掛けが悪いからだとキレる人もいまだにいる。

100歳でご飯全量食えるわけねえだろうよ。
食べれる人もいるけど、叱責されるのでかなり無理にねじ込んでる。

消化できて栄養なってるから死んでないから、確かに長寿よだね。

100歳前後でも 1日3食を全量食べさせてると記録したがる人は多いのだが、法律上の栄養の問題で健康な私より提供料も食べる量より多くしなければならない寝たきり高齢患者もいる。

正直そこまでいうなら口に管をつけて食事流し込めよ、うぜえなと医療機関に思う時もある。

けいかん栄養の方もいるけど、数年で栄養を吸収できなくなって亡くなる方もいる。
私自身完全食をたまに食べて生活するので、延命については個人の問題としても栄養食の効果と取り入れは否定していない。

ただ
けいかん栄養の患者に場合、自我がなく家族だけに医師や、年金などお金が絡んでる場合もあり、延命でやる方もいるので、何が正義かわからない場合も多い。

本当に延命を望んでる家族もおり、真意はわからない。

延命を望む家族を否定はできないけど
安楽死の運用は難しいと思いつつも、長寿だけがいいわけではなし本人の意思も尊重すべきと思う。

よく職場で言い訳野郎と注意をされるのだけど
無理やり口に食事を詰め込み長生きさせることを素晴らしいと思ってる医療者も多いことを知ってほしいし。

安楽死を良いとは言わないけど
安楽死を選んだ人を非難して欲しくない。

ひまわり
ひまわり
Le commentaire suivant a été traduit automatiquement du JA.

Je souhaite m'inscrire à la campagne "Mort dans la dignité".
Puis-je le faire maintenant ?

尊厳死の登録をしたいのですが
今はもうできないのですか?

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision