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Syndicalistes punis pour une action «disproportionnée»

Baregg, 4 novembre 2002: 2000 travailleurs en colère traversent le tunnel. Keystone

Vasco Pedrina, co-président du syndicat Unia, et trois autres syndicalistes, ont été condamnés à 14 jours de prison avec sursis et 500 francs d'amende.

Lors d’une vaste action de grève, ils avaient participé au blocage du tunnel du Baregg (Argovie), sur l’autoroute A1, en novembre 2002.

Publié mercredi par le Tribunal de district de Baden (canton d’Argovie), le jugement estime que la perturbation massive du trafic pendant plusieurs heures sur l’autoroute dépassait les limites du droit de grève accordé par la Constitution. Les quatre responsables ont été condamnés pour contrainte, selon l’article 181 du Code pénal.

La cour d’appel a donc été légèrement plus indulgente pour l’ensemble des accusés qui, en avril 2005, avaient écopé par voie d’ordonnance de peines de 10 à 20 jours de prison et d’amendes entre 300 à 500 francs. Vasco Pedrina notamment voit sa peine réduite de 20 à 14 jours.

Le tribunal a estimé qu’il n’y avait pas eu mise en danger volontaire de la vie d’autrui, l’action de grève ayant été organisée avec soin pour éviter des accidents. Par ailleurs, les violations de la loi sur la circulation routière étaient prescrites.

Recours en vue

Les avocats des accusés, dont le président de l’Union syndicale suisse (USS) Paul Rechsteiner, avaient plaidé l’acquittement. Ils vont «très probablement» faire recours contre le jugement, a dit M. Rechsteiner. Le conseiller national socialiste (député à la Chambre du Peuple) a précisé que la décision finale revenait à la direction du syndicat Unia.

Pour l’avocat st-gallois, «il est inadmissible qu’une grève légale pour une cause sociale soit sanctionnée par la justice, alors que des supporters de football peuvent bloquer impunément des routes pendant plusieurs heures». Visiblement, «le tunnel du Baregg est sacro-saint pour le canton d’Argovie», a ajouté M. Rechsteiner.

Le syndicat Unia fera sans doute recours contre le jugement, qu’il a qualifié mercredi de «décision inacceptable». Selon lui, il est en contradiction avec les jugements d’autres tribunaux dans des affaires semblables, qui s’étaient conclus par des acquittements.

«Une limitation du droit de grève garanti par la Constitution ne peut être tolérée», écrit Unia, pour lequel il s’agit d’un «droit élémentaire dans une démocratie».

La Société suisse des entrepreneurs (SSE) s’est en revanche réjouie de cette «restriction du droit de grève». Elle espère que le jugement du Tribunal de district de Baden «incitera les syndicats à renoncer aux mesures de grève revêtant de toute évidence un caractère illicite».

Pour la retraite à 60 ans

Co-président aujourd’hui du syndicat Unia, Vasco Pedrina était à l’époque président du Syndicat industrie et bâtiment (SIB). Il avait planifié et participé à l’action.

La journée de grève nationale visait à obtenir la retraite à 60 ans pour le secteur du bâtiment. Plus de 2000 manifestants s’étaient réunis sur l’autoroute à la hauteur du tunnel.

swissinfo et les agences

La grève de novembre 2002 avait eu une dimension inconnue en Suisse depuis 55 ans.
Près de 15.000 ouvriers du bâtiment avaient débrayé dans toute la Suisse à l’appel des syndicats SIB et Syna.
Une centaine de chantiers avaient été bloqués.

Article 28 de la Constitution fédérale

1. Les travailleurs, les employeurs et leurs organisations ont le droit de se syndiquer pour la défense de leurs intérêts, de créer des associations et d’y adhérer ou non.

2. Les conflits sont, autant que possible, réglés par la négociation ou la médiation.

3. La grève et le lock-out sont licites quand ils se rapportent aux relations de travail et sont conformes aux obligations de préserver la paix du travail ou de recourir à une conciliation.

4. La loi peut interdire le recours à la grève à certaines catégories de personnes.

Article 181 du Code pénal suisse

Celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d’un dommage sérieux, ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte sera puni de l’emprisonnement ou de l’amende.

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