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Tariq Ramadan dénonce les Etats-Unis

Tariq Rarmadan est au centre de la plainte contre les Etats-Unis. Keystone

L'intellectuel musulman suisse Tariq Ramadan est au coeur d'une action légale contre Washington qui lui avait refusé un visa d'entrée aux Etats-Unis en 2004.

Plainte a été déposée à New York par l’Union américaine des libertés civiles, qui accuse le gouvernement de faire des lois antiterroristes un «instrument de censure».

En 2004, Tariq Ramadan avait accepté un poste à l’Université catholique de Notre Dame (Indiana) mais a dû renoncer, son visa ayant été refusé par les services américains d’immigration.

L’Union américaine des libertés civiles (ACLU) a porté plainte mercredi passé. Motif: une clause du «Patriot Act», citée en 2004 pour refuser un visa américain à Tariq Ramadan, est inconstitutionnelle.

Cette clause autorise les autorités américaines à refuser l’entrée aux Etats-Unis à des personnes ayant «épousé la cause de terroristes» ou «faisant la promotion de leur cause».

«Exclusion idéologique»

L’intellectuel suisse n’a jamais soutenu le terrorisme, estime l’ACLU, dénonçant dans un communiqué une «exclusion idéologique». «Exclure des gens du pays à cause de leurs idées biaise et appauvrit le débat politique aux Etats-Unis».

En outre, la décision des autorités contrevient au 1er Amendement de la Constitution américaine, précise l’ACLU: il viole le droit des intellectuels à rencontrer et écouter cette sommité du monde musulman.

Selon la presse américaine, le Suisse aurait reçu une quarantaine d’invitations à s’exprimer aux Etats-Unis l’année dernière.

Cette action est soutenue par plusieurs organisations d’intellectuels et d’universitaires, avec notamment l’écrivain Salman Rushdie. Elle vise notamment la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice et le secrétaire à la sécurité intérieure Michael Chertoff.

Pas d’explications

Répondant à swissinfo, Tariq Ramadan a indiqué qu’il n’a jamais reçu d’explication à propos du refus de son visa pour les Etats-Unis.

«Mon dossier est clair… je travaille même pour une task force sur les racines de l’extrémisme des jeunes en Grande-Bretagne et le gouvernement français affirme qu’il sait que je n’ai aucun lien avec le terrorisme», précise-t-il.

«Donc la cause du refus des autorités américaines se trouve dans mes seules opinions politiques et cela ressemble fort à une exclusion idéologique qui n’a rien à voir avec la lutte antiterroriste.»

Tariq Ramadan est le petit-fils de Hassan al-Banna, fondateur du mouvement des Frères musulmans, en 1928.

Personnage très controversé et accusé de soutenir les attaques en Israël et en Irak, il a condamné publiquement les attentats du 11 septembre ainsi que ceux de Londres, se disant opposé au sacrifice de vies innocentes.

L’intellectuel suisse est très populaire parmi les jeunes musulmans d’Europe, spécialement de France. Mais il est persona non grata dans des pays musulmans tels que l’Arabie Saoudite, l’Egypte et la Tunisie.

Refus de visa

Tariq Ramadan a encore raconté qu’à la suite du refus de visa, il s’est rendu deux fois à l’ambassade américaine à Berne, la ville fédérale, où il aurait été interrogé sur ses opinions politiques. Il n’a reçu ni visa, ni explications.

Il dit que, à sa connaissance, personne d’autre n’a déposé de plainte de ce genre. Mais il estime qu’il ne s’agit pas seulement de sa personne et qu’il est «très dangereux pour l’avenir des Etats-Unis» d’interdire l’entrée à des gens pour des raisons idéologiques.

L’intellectuel, qui est actuellement chargé de cours à l’Université d’Oxford et réside à Londres, espère recevoir au moins une réponse. «Nous utilisons les lois et la démocratie américaine, nous espérons donc connaître les motifs qui ont empêché que je m’y rende.»

«Si la raison est politique… cela pourrait être de mauvais augure pour les Etats-Unis et j’ignore ce qui pourrait arriver. Mais depuis que, l’année dernière, des Américains eux-mêmes ont critiqué le Patriot Act, je pense qu’il y a de l’espoir.»

Jusqu’ici, les départements concernés se sont refusés à tout commentaire sur cette affaire.

swissinfo

Tariq Ramdan, 43 ans, enseigne au St Antony’s College d’Oxford (GB).
Son grand-père maternel, Hassan al-Banna, a fondé les Frères musulmans en Egypte.
Son père Saïd Ramadan a fui les persécutions égyptiennes en Suisse.
Il est titulaire de deux doctorats en philosophie et en islamologie.

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