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La menace djihadiste se précise en Suisse

Plus de 70 djihadistes suisses sont partis combattre en Irak ou en Syrie, selon une enquête réalisée par le Tages-Anzeiger. Keystone

Quatre arrestations liées au terrorisme islamiste ont eu lieu ces dernières semaines en Suisse francophone. Si le Ministère public de la Confédération affirme qu’il n’y a pas de lien entre ces affaires, un expert met en garde contre l’apparition d’un vivier djihadiste endogène.

Trois terroristes présumés ont été arrêtés le week-end dernier dans le canton de Vaud. Deux d’entre eux, un homme et une femme, ont été interpellés samedi après-midi lors d’une arrestation musclée sur le parking bondé d’un centre commercial d’Aubonne.

Selon la Radio télévision suisse (RTS), des explosifs auraient été découverts à cette occasion. Ces personnes avaient «une capacité à passer à l’acte relativement rapidement», a indiqué le procureur général vaudois Eric Cottier, interrogé par la RTS.

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Ces trois interpellations sont «un événement complètement isolé, il n’y a aucune connexion avec l’arrestation réalisée il y a plus d’une semaine à Meyrin», a expliqué à l’ATS André Marty, porte-parole du Ministère public de la Confédération.

«Un salafiste tendance guerrière»

André Marty fait référence à l’arrestation, le 14 juin dernier, d’un père de famille d’origine franco-tunisienne dans une cité populaire de la banlieue genevoise. Cet homme est accusé de soutien à Daech mais aussi d’avoir recruté et envoyé des djihadistes en Syrie.

«Ces jeunes gens condamnés ne resteront pas vingt ans en prison. Certains verront la lumière au bout du tunnel, d’autres pas et prépareront la suite»
Jean-Paul Rouiller, spécialiste du djihadisme

Des soupçons étayés par le témoignage ce mercredi dans Le Temps de Mohamed Bouziz, un chauffeur de taxi qui a côtoyé l’accusé dans ses activités professionnelles. «Il parlait beaucoup de religion. C’était un salafiste tendance guerrière. Il prônait le califat de l’Etat islamique et utilisait le terme de mécréants vis-à-vis des musulmans normaux», avance Mohamed Bouziz.

Et de s’étonner qu’un homme connu des services de renseignement français et tunisiens ait pu s’établir à Meyrin et conduire un taxi pendant trois ans sans être inquiété. «Il a envoyé en Syrie des gens que j’ai connus. Mes collègues et moi pensons qu’il était payé sur chaque tête qu’il envoyait au djihad», affirme-t-il au quotidien romand. 

La Suisse n’est plus une île

Même s’il ne voit pas non plus de lien entre les deux affaires, l’ancien agent des services de renseignement suisse Jean-Paul Roullier estime que la situation en matière de djihadisme est en train de changer au sein de la Confédération. «La nouveauté, c’est qu’on ne subit plus un djihadisme importé. Un milieu, un vivier djihadiste helvétique est en train de se créer. Il n’est plus exogène mais endogène», explique-t-il mercredi dans les colonnes de la Tribune de Genève.

Ce vivier djihadiste est composé de personnes qui ont grandi en Suisse, affirme Jean-Paul Rouiller. «Ces jeunes gens condamnés ne resteront pas vingt ans en prison. Certains verront la lumière au bout du tunnel, d’autres pas et prépareront la suite. La Suisse entrera alors dans une dynamique vécue par bien d’autres pays européens», prévient-il.

Qui sont les djihadistes suisses?

Le Tages Anzeiger dresse ce mercredi le portrait des djihadistes qui sont partis combattre aux côté de l’Etat islamique ou d’Al-Qaïda en Irak et en Syrie au départ de la Suisse. La plupart des 72 combattants d’Allah recensés dans l’enquête menée durant deux ans par le quotidien zurichois se sont radicalisés dans de petits groupes fermés, au contact d’un leader charismatique. Internet n’a joué qu’un rôle de catalyseur.

Un tiers de ces djihadistes possèdent le passeport suisse. Huit d’entre eux n’ont aucun passé migratoire connu. Parmi les citoyens de nationalité étrangère, les plus représentés sont les Bosniaques (13). Ils sont suivis par les personnes originaires d’Afrique du Nord (11) et du Proche-Orient (8). Les hommes sont beaucoup plus nombreux (83%) que les femmes à tenter l’aventure du djihad. L’âge moyen au moment du départ est de 26 ans.

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