Des perspectives suisses en 10 langues

Un Suisse parmi les éminents juristes

Le juge suisse Stefan Trechsel se dit conscient des limites de l'action à laquelle il participe. swissinfo.ch

Stefan Trechsel fait partie des huit personnalités du «panel d'éminents juristes» chargé d'évaluer dans le monde entier les lois antiterroristes.

Ce professeur émérite de l’université de Zurich détaille les enjeux de son nouveau mandat.

Ancien président de la Commission européenne des droits de l’homme, Stefan Trechsel a enseigné le droit pénal aux universités de Saint-Gall et de Zurich.

En août de cette année, il a été nommé juge ad litem (en vue d’un procès) au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.

swissinfo: Le rapport que vous allez publier dans 18 mois constitue-t-il la fin de votre mandat ou le début d’un processus?

Stefan Trechsel: Pour l’heure, il s’agit d’une opération ponctuelle.

swissinfo: Comment avez-vous choisi les pays que vous allez ausculter et visiter?

S.T.: En Europe, nous avons choisi l’Irlande du Nord et le Royaume-Uni, deux pays confrontés de longue date au terrorisme et qui ont été examinés à de nombreuses reprises par les instances des droits de l’homme à Strasbourg. De plus, au Royaume-Uni, la législation continue d’évoluer suite aux attentats du 11 septembre et à ceux qui ont frappé Londres cet été.

D’une manière générale, la présence de représentants de la Commission internationale de juristes (celle qui a mandaté le Panel, ndlr) intéressés par nos auditions a également joué un rôle dans le choix des pays. Cela dit, la liste des pays que nous allons auditionner n’est pas close.

swissinfo: La Suisse ne figure pas dans la liste des pays examinés. Est-elle pour autant à l’abri de certains dérapages?

S.T.: Jusqu’à maintenant, la Suisse n’a pas utilisé l’argument antiterroriste pour justifier des mesures qui ne sont pas liées à cette question. Il faudra voir comment la situation évolue, en particulier dans le domaine des migrations.

Par contre, la Suisse est touchée par des mesures de lutte contre le terrorisme qu’elle n’a pas elle-même décidée, comme celles qui proviennent du Conseil de sécurité de l’ONU. Ainsi, certaines personnes ont été visées par ces mesures, bien qu’elles ne soient pas impliquées dans des affaires de terrorisme.

Cette situation met en lumière une lacune importante, à savoir l’absence d’un organisme de contrôle de ces mesures supranationales. Cela concerne la Suisse comme le reste du monde.

swissinfo: Votre travail va déboucher sur un rapport. Un rapport de plus?

S.T.: Tout d’abord, je tiens à distinguer notre travail de celui effectué par les organisations de défense des droits de l’homme. Notre panel est constitué de juristes et notre tâche consiste à analyser et comparer les législations antiterroristes.

Les défenseurs des droits humains, eux, pourront utiliser notre rapport pour interpeller l’opinion publique et mener leurs actions de lobbying. Notre tâche ne consiste pas à influencer, mais à écouter et à apporter au final un jugement de valeur sur la politique suivie par tel ou tel Etat en matière de lutte antiterroriste.

C’est la première étude qui écoute systématiquement les personnes concernées et les gouvernements. Et ce d’une manière globale.

swissinfo: N’est-il pas frustrant de ne pouvoir interpeller que les Etats et non les groupes d’individus qui utilisent l’arme du terrorisme?

S.T.: Si on s’engage dans la défense des droits de l’homme, on doit être prêt à subir de grandes frustrations. Nous sommes naturellement contre les actions terroristes, les groupes armés qui les commettent hors de toute légalité et nous ne voulons pas affaiblir ceux qui les combattent.

Nous sommes également conscients des limites de notre action. Mais nous ne pouvons que vivre avec cette réalité.

Interview swissinfo : Frédéric Burnand à Genève

Le «Panel d’éminents juristes » est basé à Genève.
Ses 8 membres travaillent bénévolement avec un budget de fonctionnement d’environ un million de francs fourni, pour l’heure, par la Suisse, la Norvège et l’Espagne.
Le Panel est mandaté par la Commission internationale de juristes, une ONG basée à Genève et qui veille depuis 1952 à «l’application du droit international et des principes qui font progresser les droits de l’homme.»

– Stefan Trechsel, né en 1937 à Berne, a été professeur de droit pénal et de procédure pénale à l’Université de Saint-Gall de 1979 à 1999 et à l’Université de Zurich de 1999 à 2004.

– Elu membre de la Commission européenne des droits de l’homme en 1975, il a présidé cette dernière de 1995 à 1999.

– En août 2005, l’Assemblée générale de l’ONU a élu vingt-sept juges ad litem du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, dont Stefan Trechsel.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision