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Une couverture pour tenir un glacier au frais

Non, ce n'est pas la dernière oeuvre de Christo. Ici, on emballe "utile". Keystone

Les remontées mécaniques d’Andermatt, dans le canton d’Uri, essayent de retarder la fonte d’un glacier en le couvrant partiellement d’un tissu synthétique.

«Absurde», clament les associations de protection de l’environnement, pour qui on ne luttera pas contre le réchauffement climatique avec des couvertures.

Depuis longtemps, le Gemsstock, situé à 2’961 mètres d’altitude, est le point de départ de descentes à ski sur le glacier du Gurschen et de tours alpins dans le domaine du Gothard. Or, durant ces 15 dernières années, le glacier s’est affaissé d’une vingtaine de mètres au départ de la station amont.

Une rampe a bien été construite pour descendre sur le glacier depuis le sommet du téléphérique, mais la fonte des neiges la rend très difficilement praticable en début et en fin de saison. L’enneigement artificiel n’est pas non plus possible, en raison du manque d’infrastructures pour acheminer l’eau et l’électricité.

«Solution à court terme»

La société des remontées mécaniques Andermatt-Gotthard annonce donc mardi avoir recouvert une surface de 2’500 m2 avec deux films différents. La zone que l’on compte ainsi protéger couvre l’ensemble de la rampe de descente, certaines parties rocheuses et le névé situé sur le départ nord du glacier. Les films seront retirés à l’automne, entreposés, puis réutilisés l’été suivant.

«Nous savons que c’est une solution à court terme, déclare à swissinfo Urs Elmiger, chef des finances de la société de remontées mécaniques. Nous ne pouvons pas changer le monde, mais nous pouvons tenter de résoudre nos problèmes sur ce coin de montagne. Et de toute façon, nous ne connaissons pas de solution à long terme».

Pour Landolt, l’entreprise qui fabrique ces films en matière synthétique non tissés, le potentiel est énorme, au vu du nombre de stations où l’on skie sur des glaciers.

«Nous allons ainsi pouvoir tester la résistance aux rayons ultraviolets, explique à swissinfo son patron Frank Gross. Nous sommes confiants dans la résistance de notre produit, qui devrait durer au moins dix ans et qui devrait éviter aux exploitants de la station d’avoir à reconstruire leur rampe chaque hiver».

«Absurde»

Au siège de Greenpeace Suisse, on est nettement moins enthousiaste. «Ce n’est pas avec du sparadrap que l’on pourra faire face au problème de la fonte des glaciers», ironise l’organisation de protection de l’environnement.

Et de préciser que la surface ainsi recouverte de matière synthétique ne correspond qu’à 0,0003% de la surface totale des glaciers suisses, qui ont reculé de 40% en 150 ans.

Fidèle à sa tradition, Greenpeace a envoyé des militants de nuit sur le site pour déployer des banderoles portant notamment les inscriptions «Réduisez le CO2» et «Protégez le climat, plutôt que de vous attaquer aux symptômes».

Même son de cloche au WWF Suisse: «Vous ne pouvez pas cacher le problème du changement climatique sous une couverture», déclare à swissinfo Adrian Stiefel, reponsable des questions de climat à l’organisation écologiste.

Pour lui aussi, il faut s’attaquer aux racines du problème et des stations comme Andermatt pourraient montrer l’exemple en réduisant leur dépendance à l’égard des énergies fossiles.

«Cette feuille de protection est une solution à court terme et bientôt il n’y aura plus de glacier du tout. Alors, s’ils veulent être efficaces, pourquoi ne pas recouvrir le pays tout entier?», conclut Adrian Stiefel.

swissinfo et les agences

– Sur 90 glaciers observés en Suisse par l’Université de Fribourg entre 2003 et 2004, 75 d’entre eux ont reculé.

– 7 sont restés constants et 8 présentent une légère progression.

– Les mesures indiquent un recul maximum de 134 m au Triftgletscher (Berne) et une progression maximum de 10 m au Morteratschgletscher (Grisons).

– L’étude de l’Université de Fribourg se base sur des relevés de 10 stations de MétéoSuisse, situées entre 1000 et 3600 m d’altitude.

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