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Une mémoire pour l’oubli

Shimon Ballas dans «Forget Baghdad». Image tirée du film "Forget Baghdad"

«Forget Baghdad» du cinéaste Irako-Suisse Samir est à l'affiche des salles romandes.

Ce documentaire sensible et intelligent sort des sentiers battus et retrace la trajectoire de quatre intellectuels juifs irakiens émigrés en Israël.

Dans le tumulte guerrier qui aujourd’hui brouille davantage l’entente entre le monde arabe et Israël, voici un film qui réconcilie musulmans et juifs.

Aucune allusion n’y est pourtant faite au présent conflit irako-américain et à ses conséquences au Proche-Orient. Et pour cause… le film a été tourné avant le 11 septembre.

Ce qui ne l’empêche pas d’être d’actualité. Mieux, de porter un message de paix, non pas pathétique mais viril, au cœur d’une région que l’on dit vouée à un avenir encore plus conflictuel et sanglant.

De Bagdad à Zurich

L’auteur de ce film intitulé «Forget Baghdad» s’appelle Samir. Juste un prénom. Comme si en ayant sciemment enlevé son patronyme, cet auteur-là se voulait enfant de la grande famille du monde.

Samir est donc né à Bagdad, de père irakien chiite et de mère alémanique. Il a 6 ans lorsqu’en 1961 sa petite famille vient s’installer en Suisse où il grandit dans une double culture, arabe et occidentale.

Ce qui l’a sans doute fait souffrir. Mais ce qui a aussi enrichi sa sensibilité et aiguisé sa lucidité, comme en témoigne son très intelligent et courageux documentaire «Forget Baghdad».

Présenté lors du dernier Festival de films de Fribourg, ce long métrage est projeté actuellement dans les salles genevoises, avant sa sortie à Neuchâtel, La Chaux-de-Fonds et Lausanne.

Quatre hommes, quatre témoignages

Pour le tourner, Samir s’est rendu en Israël où il a rencontré quatre écrivains et intellectuels juifs d’origine irakienne, anciens combattants communistes (comme le père du cinéaste), aujourd’hui établis à Tel-Aviv ou sa banlieue.

Les quatre ont quitté Bagdad en 1951. Soit trois ans après la proclamation d’indépendance de l’Etat d’Israël, contre lequel l’Irak entra alors en guerre comme les autres pays arabes de la région.

Le film est constitué des témoignages des quatre hommes qui s’expriment dans un arabe parfait, leur langue maternelle, socle d’une grande culture et civilisation. Une langue qui, malgré la pratique de l’hébreu, n’a jamais cessé de les visiter, de fréquenter leurs rêves, de jaillir dans leurs souvenirs.

Et ce sont justement les souvenirs d’un temps heureux qu’ils évoquent, âge d’or d’une fraternité entre musulmans et juifs vivant à Bagdad dans une parfaite entente. Jusqu’au jour où Israël les prit dans son giron.

Les quatre passeront alors leur temps à se fabriquer un destin dans l’espoir de ramener leur existence vers un commencement. A travers leurs témoignages se lisent les illusions et les déceptions des juifs orientaux considérés comme des citoyens de seconde zone sur la terre d’Israël.

Du général vers le particulier

Nostalgiques sans être lyriques, dépités sans être aigris, les quatre témoins retracent leur trajectoire dans une sorte de dynamique qui lie itinéraire individuel et raison d’Etat. Le cinéaste insiste sur ce lien en appuyant ces témoignages par des films d’archives.

Où l’on voit les puissances occidentales se jouer sans scrupules de la vie des faibles. Une vie commentée en voix off par Samir lui-même situé quelque part en arrière de ses personnages. Mais évoluant, par glissements successifs, des faits vers la réflexion, de l’extérieur vers l’intérieur, du général vers le particulier.

swissinfo, Ghania Adamo

«Forget Baghdad». Genève, les Scala, jusqu’au 22 avril. Neuchâtel, Rex, du 24 au 26 avril. La Chaux-de-Fonds, ABC, du 27 au 30 avril. Lausanne, dès le 1er mai.

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